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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la cote de confiance d’Emmanuel Macron qui pourrait passer pour un "Président gêneur" plutôt que protecteur en imposant le pass vaccinal alors que les nouvelles semblent rassurantes concernant la crise sanitaire.

On est toujours dans l’attente de la décision du Conseil Constitutionnel sur le pass vaccinal.

Et plus ça tarde, plus ça risque de poser un problème de cohérence. Pour bien comprendre ce phénomène, il faut se reporter exactement un mois en arrière. A l’époque, le projet d’instaurer un pass sanitaire venait d’être annoncé, on était dans la préparation des fêtes de Noël et du Nouvel an, et dans l’attente d’une énième vague surpuissante de l’épidémie. L’idée générale, c’était : on laisse les Français passer Noël en famille, et après, on resserre. Et de fait, la rentrée scolaire sera marquée par l’imposition d’un protocole sanitaire hyper exigeant, et très mal vécue par les parents, les enseignants et les enfants bien sûr. Allègement du dispositif, grève massive dans l’Éducation, agacement aussi face aux règles absurdes imposées dans les trains, l’ambiance a doucement commencé à changer. Et c’est dans ce contexte nouveau que, après un enfantement dans la douleur, devrait arriver le pass vaccinal.

À contretemps, donc ?

Exactement. L’état d’esprit des Français a changé. D’abord parce qu’ils sont lassés de traverser ces hauts et ces bas provoqués par les différentes vagues de l’épidémie ; ils sont devenus moins tolérants à la contrainte. Et puis, deuxième raison, le discours du monde médical a commencé à changer. C’est le professeur Fontanet, membre du Conseil scientifique, qui affirme que « le scénario du pire s’éloigne, que la décrue a commencé, que le pic des infections est passé ». C’est le professeur Fischer, le président du Conseil d’Orientation de la stratégie vaccinale (un titre pompeux pour dire qu’il est le « M. vaccin » du gouvernement), qui annonce que nous avons « devant nous une période de calme ». C’est Pfizer qui met sur le marché dès fin janvier non plus un vaccin, mais un traitement contre le Covid, ce qui fait dire à son Directeur général, Albert Bourla, que « nous allons bientôt reprendre une vie normale ». Je ne voudrais pas verser dans l’euphorie… mais tout de même, c’est difficile de prétendre que rien n’a changé.

Moins de tolérance de la part des Français, moins de risques selon les scientifiques et les médecins, est-ce que ça veut dire qu’on peut parier sur une levée des contraintes assez rapidement ?

On devrait, mais on ne le fera probablement pas. A cause de la contradiction fondamentale qu’il y aurait entre un allègement de contraintes au moment où se met effectivement, concrètement, en place un pass vaccinal vécu comme une entorse aux libertés. Et ce problème de cohérence de l’action publique, on le retrouve par exemple dans la gestion du port du masque : un préfet l’impose dans la rue à certains endroits, un tribunal l’annule, un préfet l’impose à nouveau, mais partiellement. Difficile de suivre.

Et naturellement, tout ça se traduit concrètement en politique. Plusieurs sondages montrent un net recul de la cote de confiance d’Emmanuel Macron qui retombe à son plus bas niveau depuis plus d’un an ; même chute de l’indice de confiance envers le gouvernement dans sa gestion de l’épidémie, et aussi dans l’adhésion à une éventuelle vaccination obligatoire. C’est toute la difficulté que doit maintenant gérer le chef de l’Etat : comment maintenir un haut niveau d’exigence et de contrainte dans la lutte contre le virus, et en même temps commencer à intégrer que la menace s’éloigne ? Autrement dit, comment éviter de passer insensiblement du statut de Président protecteur à celui de Président gêneur ? Comment éviter que celui qui veut « emmerder » les non-vaccinés devienne peu à peu celui qui l’est pour tous les autres Français, ceux qui veulent le plus vite possible recouvrer leur liberté ? Jusqu’à présent, on admettait généralement que la gestion de la crise sanitaire donnait un avantage politique à Emmanuel Macron et rendait le reste de la campagne électorale inaudible. On se rapproche de l’élection présidentielle, et cette évidence-là a peut-être déjà commencé à changer.