Présidentielle : Macron tente de rallumer le front républicain avant le 1er tour

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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il revient sur la stratégie d'Emmanuel Macron de remettre au goût du jour, le front républicain. 

Désormais pleinement lancé dans la campagne électorale, Emmanuel Macron a poursuivi hier sa stratégie de Front républicain.

Le Front républicain, c’est un concept vieux comme la IIIème République, mais il a progressivement été remis au goût du jour à partir des années 80 lorsque le Front National de Jean-Marie Le Pen a commencé à prendre de l’importance et à mordre sur un électorat de la droite traditionnelle. Le principe de ce Front républicain, c’était le désistement automatique des candidats de droite ou de gauche chaque fois qu’un candidat d’extrême-droite risquait de remporter une élection (législative, ou municipale). Et c’était donc, pour les électeurs de droite, s’obliger à voter pour un candidat de gauche s’il fallait faire barrage à un candidat du Front national, et réciproquement pour un électeur de gauche de voter pour la droite dans des circonstances identiques.

Et effectivement, Emmanuel Macron a décidé depuis quelques jours de réactiver ce vieil épouvantail anti-Le Pen. Il le fait parce que tous les sondages montrent que l’écart entre lui et la patronne du Rassemblement national s’amenuise au second tour. Et il le fait en tentant de rediaboliser Marine Le Pen, et en l’associant systématiquement à Eric Zemmour, le candidat de Reconquête !, présenté par le chef de l’Etat comme « politiquement abject ». Objectif : éviter que les électeurs dont le ou la candidate aura été éliminé dimanche prochain ne se tournent vers le vote extrême au second tour.

Et cette stratégie peut être efficace ?

C’est toute la question. Historiquement, ce barrage contre l’extrême-droite a été efficace. Mais la réalité électorale française est aujourd’hui très différente. D’abord parce que, concrètement, Marine Le Pen aura cette fois des réserves de voix qu’elle n’avait pas en 2017. D’après les sondages, quasiment tous les électeurs d’Eric Zemmour et de Nicolas Dupont-Aignan se disent prêts à voter Le Pen si elle accède au second tour. A ce capital de voix, il faut aussi ajouter celui qui va venir des électeurs de Valérie Pécresse (si bien sûr elle est éliminée dimanche soir). Car la droite traditionnelle a fini par comprendre que ce Front républicain l’avait souvent privée de victoire, au profit de la gauche. Or, cette droite LR est aujourd’hui beaucoup plus perméable qu’auparavant aux idées du RN, en matière d’autorité, de lutte contre l’insécurité, et d’immigration. Pour une partie de ces électeurs-là, le barrage n’a plus lieu d’être. D’autant que Marine Le Pen a patiemment poli son image en gommant ses aspérités les plus gênantes et en faisant passer au second plan ses propositions les plus clivantes.

Et les électeurs de gauche ? Ils vont s’aligner derrière ce Front républicain ?

Pas forcément, et c’est là un des principaux problèmes pour Emmanuel Macron. Le danger viendra essentiellement des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (si bien sûr le candidat de La France insoumise est éliminé au premier tour). Depuis un an, toutes les simulations de vote montrent que, si un quart des électeurs de Mélenchon voteront bien Macron au second tour, ils seront aussi nombreux à voter Le Pen. Ça pourrait représenter un apport de voix considérable, de l’ordre de 2 millions de bulletins.

Sauf que, en vous écoutant, j’essaye de calculer à gros traits et je vois que ça ne suffira pas à Marine Le Pen. Autrement dit, le Front républicain peut fonctionner. C’est vrai, et c’est le plus probable. Mais il reste cependant une inconnue, et elle est de taille : l’abstention. On le sait, tous les instituts de sondage mesurent une faible appétence pour les élections, et on pourrait se diriger vers un record d’abstention dans une élection présidentielle. Mais il y a abstention et abstention : lorsque la moitié des électeurs de Jean-Luc Mélenchon disent aujourd’hui qu’ils s’abstiendront au second tour si le choix, c’est Macron-Le Pen, alors, c’est une brèche immense qui s’ouvre dans le barrage du Front républicain. Si, de leur côté, les électeurs de Valérie Pécresse sont nombreux à opter pour le même refus de voter pour le Président sortant, alors cette non-mobilisation deviendra problématique et c’est le candidat Macron qui sera en danger. A ce jour, le Front républicain est toujours debout, mais il est fragilisé.