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La Cour des comptes préconise d'augmenter la taxe carbone pour faire face au réchauffement climatique. Pour faire à ce phénomène et ne pas enflammer les Gilets jaunes, Emmanuel Macron devrait prendre exemple sur la Suède.

En pleine crise pétrolière, alors que l’on s’inquiète d’une prochaine hausse des prix à la pompe, la Cour des Comptes sort un rapport qui préconise d’augmenter les taxes sur les carburants. Ça ressemble à une provocation, non ?

Pas forcément. En fait, la Cour des Comptes est une institution insubmersible. Le Conseil des prélèvements obligatoires qui a signé ce rapport est totalement insensible aux remous de l’actualité. Ce qui nous vaut ce carambolage, pour le moins malvenu. On a d’un côté les Gilets jaunes qui sont toujours menaçants (surtout avec la hausse des prix du baril de pétrole) et de l’autre le gouvernement qui s’échine à installer l’idée que les impôts baissent en France.

Et ce n’est pas le cas ? Les impôts ne baissent pas ?

Certains impôts baissent, la pression fiscale générale baisse, mais d’autres petits prélèvements surgissent comme des taxes foncières par ci ou une taxe parking par là. La France reste le pays fiscalement le plus matraqué au monde et les Français sont devenus très irascibles sur le sujet.

D’où la promesse faite par le gouvernement de ne pas augmenter la taxe carbone en 2020 ?

Oui, mais c’est un piège. Les scientifiques les plus alarmistes disent que la température va augmenter de sept degrés. Ceux-là y vont fort, mais ce qui est sûr, c’est que la hausse des températures n’est pas contenue à l’heure actuelle. Il faut accélérer la transition vers le zéro carbone. Il ne devrait donc y avoir aucune autre issue que d’augmenter la taxe carbone. Et vite, en plus. Ce qui est politiquement impossible. Le piège.

Comment on en sort alors ?

On en sort à la suédoise. Ça fait 30 ans que la Suède a instauré une taxe carbone et qu’elle l’augmente lentement et régulièrement. Mais depuis une bonne dizaine d’années, elle a compris que sa population payait par ailleurs tellement d’impôts qu’elle ne tolérerait pas de nouvelles hausses de la fiscalité verte. Alors la Suède a réduit ses impôts pour pouvoir continuer à augmenter la taxe carbone. Et pour diminuer ses impôts, elle a réduit sa dépense publique. Il est là le secret : augmenter la fiscalité verte mais en baissant vite et vraiment les impôts pour tous. C’est le seul moyen de rendre acceptable cette grande bascule, ce grand mouvement de société et de comportement vers les énergies propres.

Mais ça prend du temps ?

Raison de plus pour commencer très vite. Sinon, Emmanuel Macron ne pourra pas résoudre le paradoxe fondamental dans lequel il s’est installé : promettre l’exemplarité écologique mais être dans l’impossibilité d’accélérer la sortie des énergies carbonées. Autrement dit, séduire l’électorat écolo sans se mettre à dos les Gilets jaunes, les classes moyennes et tous ceux qui n’en peuvent plus de payer toujours plus pour se déplacer ou se chauffer.
On sait déjà qu’Emmanuel Macron sera candidat en 2022, il ne s’en cache pas. Tenir les deux bouts de la corde, entre écolos et classes moyennes, sera une des clefs de l’élection.