Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il revient sur les grandes réformes initiées par Valéry Giscard d'Estaing. Selon Nicolas Beytout, il n'en a jamais été récompensé.
La disparition de Valéry Giscard d’Estaing, c’est celle d’un grand réformateur.
De quelqu’un qui a profondément transformé la société française, sous tous ses aspects, mais qui n’en a pas été récompensé. VGE, c’est d’abord un prodige en presque tout. Que ce soit les études ou la politique qu’il entame très vite en marquant le ministère des Finances de son empreinte, avant d’accéder au sommet de la hiérarchie politique française en devenant à l’époque le plus jeune président élu de l’histoire.
C’est là qu’il entame son travail de réformateur.
Réformateur de la société, oui. Parce qu’il avait déjà nettement dépoussiéré la Rue de Rivoli (c’est là qu’était installé le ministère des Finances à cette époque). Il avait ainsi enclenché un vaste mouvement de modernisation de l’économie française, en particulier les secousses de Mai 68. Son travail, son poids politique avec la création d’un petit parti (Les Républicains Indépendants), sa capacité aussi à jouer des circonstances politiques en feront l’acteur incontournable des années 70.
Et le voilà élu pour sept ans, on est en 1974.
Son septennat sera clairement divisé en deux périodes. Celle du mouvement, du dépoussiérage de la société, celle de la relance de l’industrie (avec le TGV et l’accélération dans le nucléaire), celle de la construction européenne et de la création d’une forme de gouvernance mondiale, aussi. Et puis, deuxième période, celle du désenchantement, des gadgets, et de la montée du socialisme avec François Mitterrand. Une époque marquée par les effets dévastateurs de la crise pétrolière, avec des faillites, du chômage, une vraie crise économique et (mais oui), le début d’une maladie qui ne nous quittera plus : le déficit budgétaire.
Ce grand réformateur n’en a pas été récompensé.
Preuve en est sa défaite en 1981, qui a effacé une partie de son bilan. Mais avec son concept de "société libérale avancée", il a imposé un formidable coup de jeune : majorité à 18 ans, minimum vieillesse, création de l’allocation pour parent isolé, réforme du droit de licenciement, libéralisation des prix, divorce par consentement mutuel, allongement du congé maternité, et puis le droit à l’avortement, bien sûr, qui est son œuvre, son choix, même s’il a été porté par Simone Veil. Et puis c’est l’homme qui fera vraiment entrer la France dans l’Europe, celle avec laquelle nous vivons aujourd’hui.
Elu en 1974, battu en 1981, il y a presque 40 ans. Pour beaucoup de Français, c’est très loin.
C’est assez frappant de voir que l’actuel Président, Emmanuel Macron, n’était pas né lorsque Giscard a été élu. Mais une partie de ce que nous sommes aujourd’hui le doit à ce Président jeune, qui a impulsé au pays une autre vision de lui-même et dessiné une société, beaucoup plus en phase avec ce qui nous paraît banal aujourd’hui : égalité des femmes, vote des jeunes, libération des mœurs, de la famille, et une forme de désacralisation du politique avec l’allègement de tout le barnum et de la pompe qui entourait jusque-là la fonction, avec tous les risques que cela comporte. En cela, l’actuel Président est un peu un enfant de celui qui vient de mourir.