Après plus d'un an de pandémie, la reprise industrielle se voit freinée par de nombreuses pénuries qui touchent tous les secteurs. Les entreprises se trouvent souvent à court de composants de base et constatent une flambée des prix puisque les sous-traitants en profitent pour augmenter leurs tarifs. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
C'est une bonne nouvelle : la reprise est là dans l'industrie. Elle est même presque trop forte !
Dans de très nombreux secteurs, on constate des pénuries. On a beaucoup parlé ces derniers temps des pénuries de semiconducteurs qui obligeaient des usines automobiles à stopper leur production. Mais ça va bien au-delà. Quand on fait le tour des entreprises, on s'aperçoit que pas un secteur n'est épargné. Ici et là, on manque de tout. Ça peut être des emballages, du bois, des mousses pour le bâtiment, certains plastiques et même des vis ou des vernis.
Comment ça s'explique ?
Si on refait le film, quand le virus a frappé il y a un an, les entreprises, qui n'avaient aucune visibilité dans cette crise inédite, ont cherché d'abord à préserver leur cash pour survivre. Elles ont donc coupé leurs commandes de pièces détachées, de matière première etc. Puis quand la reprise a commencé à se dessiner vers l'automne, elles ont puisé dans ce qui leur restait de stocks, faute de savoir si la reprise serait solide ou non. Mais maintenant que les affaires reprennent vraiment, elles se trouvent souvent à court de composants tout bêtes. Ce que l'on appelle le "lean management", c'est à dire la gestion serrée des stocks, c'est très bien, ça permet d'économiser du cash. Ça marche tant qu'il n'y a pas de problème dans les flux de marchandises d'un pays ou d'un continent à l'autre, tant que les fournisseurs sont au rendez-vous. Sinon la mécanique s'enraye et c'est ce qui se passe en ce moment.
On imagine que les choses vont finir par revenir à la normale.
Oui mais pas tout de suite et en attendant, certains prix flambent, les sous-traitants en profitent, c'est normal, pour augmenter leurs tarifs. Les prix de certains types de plastiques ont doublé en six mois. Il y a des tensions dans l'acier ou le polypropylène, une résine indispensable, entre autres, dans l'automobile. Cela pose une question plus fondamentale : notre tissu industriel a vieilli, il a des trous. Beaucoup d'entreprises dépendent trop d'une poignée de fournisseurs situés au bout du monde, faute d'alternative sur notre continent. La grande leçon de cette crise, c'est qu'elle appelle une réindustrialisation de l'Europe. Et pas seulement dans les industries de santé.