François Clemenceau revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.
MBS doit être jugé aux actes et non aux apparences
Le prince héritier d’Arabie saoudite termine sa visite officielle ce soir à Paris. Peu de contrats signés sur le plan commercial et peu de critiques ouvertes des autorités françaises sur les droits de l’homme. Mais est-ce là l’essentiel ?
Il est toujours assez fascinant, face aux dirigeants de ce monde qui ne sont pas des modèles de sainteté, de probité ou de dignité, de s’offusquer de leurs travers, de leurs erreurs et de condamner aussitôt notre diplomatie pour oser leur dérouler le tapis rouge. De ce point de vue, Mohammed Ben Salmane n’a pas échappé à la règle. Il a été dénoncé, à raison, comme le chef d’une guerre cruelle au Yémen, qui plus est avec des armes que lui fournit la France. Il a été blâmé, à raison, pour son manque de respect pour les droits de l’homme et la liberté d’opinion dans son royaume. Il a été dénigré, pourquoi pas, pour son style de vie, l’opulence de sa cour, ses dépenses fastueuses et ses caprices. Sauf qu’en politique étrangère, on doit aussi juger ses interlocuteurs en fonction d’autres critères, parfois plus importants, plus stratégiques.
Par exemple ?
Qu’on le veuille ou non, la France ne peut pas faire et agir au Moyen orient comme si l’Arabie Saoudite n’existait pas. Pas uniquement parce qu’elle a été et restera l’un des clients de notre industrie, ce qui devrait réjouir tous ceux qui en bénéficient en termes d’emploi, mais parce que le prince Ben Salmane a eu le courage politique de la sortir de l’économie de rente qui la menait à la catastrophe. Et puis surtout, quoi qu’en disent les ONG des droits de l’homme qui font bien de rester vigilantes, parce que l’ouverture qu’il prône sur le monde, sur la culture, sur l’enseignement, sur la modernité et notamment pour que la femme y trouve une place où il fait mieux vivre, tout cela s’apparente à une révolution qu’on aurait tort de sous-estimer.
C’est donc un pari que fait Emmanuel Macron avec le futur roi Ben Salmane ?
Oui, c’est un pari. La pari d'une génération car rien ne changera en moins de vingt ans. La question est de savoir si l’on accompagne ce virage, même s’il n’est pas assez rapide aux yeux de certains, ou si l’on attend qu’il arrive à son terme avec des résultats qui donnent satisfaction à tous. Arrêtons de penser que l’Arabie saoudite puisse devenir la Suisse ou le Danemark. Et concentrons-nous sur les priorités. Quand MBS se trompe de tactique sur l’Iran, c’est-à-dire qu’il colle à Donald Trump pour revenir aux sanctions, il ne faut pas sous-estimer sa crainte vitale d’être stratégiquement dominée. Bref, il faut maintenir un dialogue exigeant avec ce royaume en pleine transition. Et face à l’Iran de Khamenei ou la Russie de Poutine, ne pas se dire qu’il faut choisir son camp, mais savoir composer avec les uns ou les autres pour éviter le pire que chacun peut commettre.