Bretagne : Lebranchu "espère qu'il n'y aura pas de violences"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Marylise Lebranchu ne s'attendait pas à ce que la manifestation en Bretagne ait lieu compte-tenu de la suspension de l'écotaxe. La députée de Bretagne craint des violences.

Marylise Lebranchu, Ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique

Vous êtes ministre et élue bretonne. Que dites-vous aux manifestants qui vont défiler demain à Quimper malgré la suspension de l'écotaxe?

Je pensais que cette manifestation n'aurait plus lieu, parce qu'elle suivait celle de Pont de Buis, où on disait écotaxe, écotaxe. Il n'y a plus de sujet pour l'instant. Il faudrait se mettre autour de la table pour savoir ce qu'on va faire maintenant, en terme de plan d'avenir pour la Bretagne, que le Premier Ministre a annoncé pour le 15 décembre, de soutien à l'industrie agroalimentaire qui a des sinistres, et pour laquelle il faudrait penser reconversion industrielle. Je vois que des syndicats appellent à une autre manifestation ailleurs. J'espère surtout qu'il n'y aura pas de violences.

Il y a des craintes de débordements du côté du ministère de l'intérieur. Vous aussi, vous craignez ce genre d'événements?

On me dit la même chose. Globalement, on a des retours nous disant qu'un certain nombre de groupes sont déjà sur place, et ont l'intention de faire de cette manifestation quelque chose d'un peu plus violent qu’on ne pourrait malheureusement l'espérer. On nous a parlé de groupe mariage pour tous, extrêmes, etc. J'espère que ceux qui ont appelé à la manifestation, et ils ne sont plus très nombreux maintenant puisqu'il y a une sorte de contremanifestation à Carhaix, j'espère qu'ils sauront éviter et prévenir si jamais ce genre de groupe présent à Quimper faisait autre chose que manifester.

 

Vous aussi, vous appelez au calme?

J'ai toujours appelé au calme ! Je n'ai jamais cru que la violence pouvait régler quoique ce soit dans une démocratie. Je pense que quand on casse beaucoup, et qu'il y a de grosses factures d'argent public derrière, car il faut réparer, on perd aussi des possibilités de subventions. De plus, la violence n'est pas un acte politique.

Hier, Tilly Sabco a annoncé qu'il allait arrêter d'exporter du poulet vers l'étranger. Il y a 1.000 emplois en jeu à court terme selon la direction. Elle appelle le gouvernement à la rescousse. Que pouvez-vous faire pour Tilly Sabco?

Sur ce dossier, il s'agit de ma plus grande incompréhension. Il s'agit d'exporter su poulet, essentiellement vers le Moyen et le Proche Orient. Il y avait ce qu'on appelle les restitutions, c'est à dire une subvention à l'exportation pour se battre qui était versée par l'Europe. On savait tous depuis longtemps que cette subvention allait s'arrêter, parce que c'est de l'argent européen, donc public, donné à des entrepreneurs. Depuis des semaines, il y avait des discussions avec le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, et Guillaume Garrot. Une enveloppe est à disposition, il faut savoir comment aider cette entreprise en respectant les règles de la concurrence. Bref, j'avoue que sur ce point particulier, je ne comprends pas ce qui s'est passé hier dans cette entreprise.

Vous pensez qu'il y a une part de responsabilité de la direction?

Je suis une femme politique, il y a en face de moi un chef d'entreprise que je respecte, je pense qu'il respecte aussi les politiques. Je ne comprends pas, il y a une incompréhension compte tenu de tout ce qui a d'ores et déjà été proposé, et naturellement, il faut bien réfléchir pour éviter d'être appelé à rembourser des aides publiques au titre de la concurrence.

Hier, on a vu les images du démontage du portique de Pont de Buis, le dernier portique encore debout dans le Finistère. N'est-ce pas un signal désastreux, une sorte de capitulation?

Il y a deux choses dans cette affaire. D'une part, la taxe sur les poids-lourds: il y a bien longtemps que tout le monde pense qu'il faut la faire, pour des raisons d'écologie, mais aussi pour des raisons fortes, on a envie de transporter autrement, le transport ferroviaire... Il y aura toujours des camions en Bretagne en revanche, car c'est une péninsule. Il y a plusieurs volets. Il y a le volet Ecomouv, ce contrat qui a été passé entre l'ancien gouvernement et l'entreprise, et dont on ne voulait pas vraiment parler, car c'est toujours délicat de dire "C'est la faute des autres".

 

Mais pourquoi le découvre-t-on maintenant?

Non, on ne le découvre pas. Mais fallait-il monter, comme ça, devant des micros de radio, pour dire "Ils ont signé un contrat". Est-ce que c'est la peine de mettre toujours en cause ceux qui ont travaillé avant. On a essayé de ne pas trop le faire.

C'est ce qu'a dit le ministre Le Foll...

On finit par le dire, parce qu'il y a 800 millions d'euros de dédits si on ne fait pas cette écotaxe. Il y a des portiques, notamment en Bretagne, dont je pense qu'ils ne servent pas à grand-chose, parce qu'il y a des échangeurs tous les 2 kilomètres et demi, ce n'est pas une autoroute, c'est une 4 voies. Je pense qu'il y avait d'autres moyens à mettre en place si cette écotaxe voyait le jour.C'est vrai qu'on a été emprisonnés dans un contrat partenariat public-privé, qui coûte trop cher à la France.

N'aurait-on pas pu éviter toutes ces tensions en anticipant le malaise? Le gouvernement n'a-t-il pas fait semblant de ne pas voir?

On ne peut pas dire ça, car il y avait déjà un "rabais" de 50% pour la Bretagne, on avait exclu les camions laitiers, qui vont ramasser le lait, on s'était posé la question des transports infrarégionaux. Donc, il y avait quand même beaucoup de dossiers en cours de proposition. Et le vendredi avant la manifestation qui a été brutale et violente, l'ensemble des acteurs économiques et l'UMP ont décidé de ne pas siéger à cette concertation qu'ouvrait le préfet de région au nom du Premier Ministre. Je trouve que ça, ce n'est pas bien. Dans la mesure où on continue à concerter, choisir des chaises vides et aller dans la rue, ça n'a jamais réglé les problèmes. Le Premier Ministre a pris une décision courageuse, qui est de dire "J'ajourne, je suspends, car je n'arrive pas à négocier. Je suis un responsable politique qui prend effectivement ce risque de suspendre et d'avoir ces 800 millions d'euros à payer, même si je ne l'espère pas."

Il y a un risque pour ces 800 millions?

Il y a un risque pour les deux premiers mois, car il y a un risque de mise en place. Mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est : comment se fait-il que des gens responsables désertent des tables de négociations pour aller dans la rue. Il y avait un député UMP en tête de manifestation. Il n'avait pas voté l'écotaxe, mais il avait voté le budget, le PPP,... Bref ! Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette attitude. Et j'espère que maintenant qu'il y a eu ce grand geste de la part du Premier Ministre, il y aura de l'autre côté de la responsabilité.

Le gouvernement essaie de gagner du temps...

On essaie de négocier une sortie heureuse pour tout le monde, et économiquement fiable.

Le gouvernement recule sur la taxation de l'épargne, il gère comme il peut le dossier Leonarda, ... Quand on est ministre de la fonction publique, et qu'on doit porter une réforme importante sur le statut des fonctionnaires, est ce qu'on se sent suffisamment forte et soutenue?

Oui, sinon, je n'aurais pas déposé le projet de loi sur la réécriture du statut, pour rendre leur dignité aux fonctionnaires, qui ont souvent été maltraités, et qui étaient sortis un peu blessés d'un certain nombre de discours qui avaient été tenus, pour travailler avec eux sur l'efficience de l'action publique, et puis pour avoir ce texte sur la déontologie, sur les conflits d'intérêts, et sur le droit d'alerte. Parce que nos lanceurs d'alerte sont importants, on a vu un certain nombre d'affaires dans lesquelles nos fonctionnaires lanceurs d'alerte pourraient arrêter plus vite les choses, je pense notamment à la fraude fiscale et à d'autres sujets. Je me sens soutenue parce que j'ai une feuille de route qui est claire de la part du Premier Ministre et du Président de la République. Je n'ai pas de souci : c'est une action publique au XXIe siècle, qui soit juste, efficace, forte.
 
 Dans d'autres dossiers, la feuille de route était claire, mais au dernier moment, François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont reculé. Est-ce que vous ne vous dites pas : "S'il y a des manifestations de fonctionnaires, je ne serai pas soutenue et je n'y arriverai pas" ?

Je retourne la question : qu'aurait-on dit si un Premier Ministre, en accord avec le Président de la République, les parlementaires socialistes et les ministres bretons, s'était entêté en disant "Je ne veux pas entendre parler d'ajournement ni de discussions". On aurait dit quoi? Qu'il n'était pas responsable... Je pense que ça a été un geste de responsabilité, pas un geste de recul. Et malheureusement, quand on a hérité de cette taxe... Je le rappelle quand même, parce que la critique est aisée, que la mesure a été signée le 4 mai 2012, et publiée le 6 mai 2012, pour un contrat préparé en octobre 2011. Je pense que ceux qui ont fait ça doivent faire preuve de solidarité, ils sont responsables...
 
 Vous attaquez la droite ce matin...

Non, je n’attaque pas que la droite… (Elle se reprend.) Oui, vous avez raison. Pas la peine de faire de la langue de bois. Mais faire preuve de responsabilité... Parce qu'appeler à des manifestations quand le Premier ministre a déjà ouvert la porte des négociations, je ne suis pas sûre que ce soit une responsabilité assumée.

Mais qui visez-vous précisément?

Je vous parlais des parlementaires UMP bretons, qui ont claqué la porte du Préfet de Région, ce n'est pas très républicain ! Je salue à côté de cela le député Benoit qui est venu et qui était le seul député ayant soutenu l'ancienne majorité à la table ronde que le Premier Ministre a tenu à faire avec tous les parlementaires bretons.

Est-ce que comme Marine Le Pen, vous avez été troublée par les images des otages à leur descente d'avion?

J'ai été très émue comme beaucoup de gens. Je suis troublée par les propos de Marine Le Pen. Je trouve qu'il y a là quelque chose de terrible, parce que j'aurais attendu d'une responsable politique qu'elle parle du père de celui qui a été tué et qui ne reviendra jamais, du fait qu'être enfermé 3 ans, c'est quelque chose de terrifiant, de terrible, de très lourd. Je pense que quand il y a des otages emprisonnés, c'est une partie de la France qui est emprisonnée. Et je pense qu'au nom de cette République, on n'a pas le droit à ce commentaire.

Mais sur les images, les otages n'ont pas l'air complètement à l'aise face aux caméras. Est ce qu'on n'aurait pas mieux fait de leur épargner cette scène-là?

 

Auriez-vous accepté de ne pas être présent avec vos équipes sur le lieu de l'arrivée?

Je pense que ce n'est pas de notre responsabilité...

Vous avez raison. C'était compliqué, c'est toujours compliqué, entre ce qu'on doit aux citoyens, dire "Je suis revenu et je remercie la République et tous les gens qui ont soutenu", et l'extrême difficulté de s'exprimer. C'était un moment extrêmement dur, et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose de profondément humain, émouvant sur ces personnes qui n'étaient libre que depuis quelques heures. C'est vrai qu'on rêve d'un retour dans le silence, et dans le silence familial.

Vous êtes proche de Martine Aubry. Est-ce que vous vous dites qu'elle manque au gouvernement en ce moment, en ces temps troublés?

Quand on est responsable politique, on ne passe pas son temps à se demander ce qu'on pourrait faire autrement que ce qu'on fait en ce moment. Je pense qu'il faut être complètement engagé dans ce qu'on est en train de faire. C'est très difficile, et franchement, si je m'amusais à ça, je ne serais peut-être pas digne du poste qu'on m'a confié.

Elle ne parle pas de ça en ce moment?

Quand nous nous téléphonons, ce n'est pas à ce sujet. Elle est solidaire, je le sais, des difficultés que nous traversons. Elle en a aussi dans sa ville, beaucoup.