Geoffroy Didier déplore que le ministre de l'Intérieur offre de la publicité gratuite à l'humoriste Dieudonné.
Geoffroy Didier, secrétaire général adjoint de l’UMP, cofondateur de La Droite Forte
Voici ses déclarations :
Geoffroy Didier, vous êtes l'un de ces nouveaux visages de l'UMP. Le week-end a été marqué par la polémique Dieudonné, dont Manuel Valls souhaite faire interdire les spectacles. Polémique relancée par Nicolas Anelka samedi. Le joueur a, entre guillemets, fêté un but par une quenelle dans le championnat anglais. Ce geste dont on ne sait plus trop si c'est un bras d'honneur ou un salut hitlérien. Vous saviez ce que c'était, vous, une quenelle ?
"Non. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, Nicolas Escoulan mais moi, ça fait plusieurs années que Dieudonné ne me fait plus rire. Et c'est précisément parce qu'il ne fait plus rire, ce qui, pour un humoriste, est tout de même un peu gênant, qu'il a créé ce business autour d'une dérive sectaire selon laquelle il existerait un complot juif. Et les gestes qu'il commet, ce qu'il dit notamment sur les chambres à gaz, sont évidemment des provocations misérables et donc méprisables. Tout ce qu'il dit est moralement insupportable mais pas forcément pénalement condamnable. Et je vais vous dire : je ne suis pas très heureux de ce qu'il se passe depuis trois jours. Vous avez Manuel Valls qui est tombé dans le panneau en faisant de la publicité gratuite à un provocateur qui ne demande que ça. Le rôle d'un ministre de l'Intérieur n'est pas d'agiter les peurs. De l'autre côté, vous avez les dirigeants du Front national qui défendent évidemment Dieudonné. Mais ce n'est pas très étonnant puisque vous avez le président d'honneur de ce parti politique qui avait en son temps créé une maison d'édition avec un ancien lieutenant Waffen SS et qui, en son temps, avait fait quelques plaisanteries plus que douteuses sur les chambres à gaz et sur Michel Durafour."
Est-ce que vous soutenez aujourd'hui Manuel Valls, qui demande aux préfets d'étudier la manière d'interdire les spectacles de Dieudonné ?
"Je ne soutiens pas Manuel Valls parce que Manuel Valls, c'est toujours la même chose : des paroles sans les actes. S'il veut interdire les spectacles de Dieudonné, qu'il le fasse, mais qu'il ne fasse pas de la publicité autour de cela, puisque précisément, à quelques jours du début de la tournée de Dieudonné, c'est ce que souhaitait Dieudonné."
C'est une publicité qu'il lui offre. Comme le dit Daniel Cohn-Bendit, comme le disait Guy Bedos ce matin ?
"Bien sûr. Manuel Valls, c'est toujours la même démarche. Souvenez-vous, lorsqu'il était allé à Forbach avec 80 journalistes. Personne, à l'époque, ne savait que Florian Philippot était candidat aux municipales à Forbach. En y allant avec 80 journalistes, évidemment qu'il fait la pub de Florian Philippot. La quenelle, je ne savais pas il y a encore trois jours ce que c'était. Je pensais que ce n'était qu'un aliment. Et bien depuis trois jours, avec la publicité que Manuel Valls fait à Dieudonné, évidemment que je sais ce que c'est."
Le président de l'UMP Jean-François Copé approuve la démarche de Manuel Valls. "Soutien total", dit-il sur Twitter. Est-il tombé lui-même dans le panneau ?
"Je vous vois venir. C'est Manuel Valls qui est tombé dans le panneau. Jean-François Copé a bien raison de vouloir soutenir tous ceux qui luttent contre les exclusions, l'antisémitisme. Je vous dis juste que la méthode adoptée par Manuel Valls n'est pas la bonne."
Mais Jean-François Copé l'approuve et la soutient.
"Il approuve la lutte, qui doit dépasser les clivages..."
Il approuve la démarche.
"Il lutte lui aussi contre l'antisémitisme, les communautarismes, les exclusions. Je vous dis juste ce matin que Manuel Valls n'a pas la bonne méthode et qu'il est tombé dans le panneau."
L'UMP ne peut en aucune façon approuver une initiative du gouvernement ? C'est forcément un piège pour mieux diluer la droite dans le Front national ?
"Bien sûr que si. Je ne suis pas sectaire. Je ne suis pas un idéologue. Et lorsque, par exemple, le gouvernement a lutté contre le harcèlement sexuel, j'avais approuvé cette démarche. Mais je ne vais pas approuver la démarche de Manuel Valls ce matin alors qu'elle consiste, encore une fois, à faire de la publicité à quelqu'un qui ne demandait que cela."
Vous ne l'approuvez pas, alors que Jean-François Copé l'approuve. Geoffroy Didier, demain, François Hollande présente ses voeux aux Français, sans pouvoir annoncer clairement aux Français l'inversion de la courbe du chômage. Alors on vous entend déjà critiquer le chef de l'Etat, mais pour aller plus loin : qu'est-ce que la droite aurait fait que la gauche n'a pas fait ?
"Bon, d'abord, vous me parlez des voeux de François Hollande : je n'en attends rien. Ce qui me frappe, c'est que je ne rencontre plus personne qui a voté François Hollande. Il y a 19 mois, il y avait une élection présidentielle, ils étaient 19 millions. Aujourd'hui, ils s'en désolent. Pourquoi ? Parce que les Français ont été trompés, floués. François Hollande leur avait dit : la crise économique mondiale, j'en fais mon affaire : il suffit de se débarrasser de Nicolas Sarkozy, on surtaxera les plus riches ! Mais les plus riches, ils sont partis, ou ils s'arrangent. Et qui trinque ? Et bien c'est nous. Ce sont ces 9 Français sur 10 qui sont les plus exposés à la crise et qui ont du mal à joindre les deux bouts. La voilà, la situation. Et dans une démocratie moderne, plus aboutie, nous serions presque en droit d'attaquer François Hollande et Jean-Marc Ayrault pour publicité trompeuse et diffusion de fausses nouvelles."
C'est ce que voulez faire ?
"Non. Mais je vous dis qu'en tout cas, les Français ont été trompés et floués."
Sur le fond : le chômage...
"Tout ça n'a plus vraiment d'importance, parce que nous le savons. L'urgence, ce n'est plus de critiquer mais de proposer. Et sur le chômage, tout ce qui est fait aujourd'hui va dans le mauvais sens. On voit les contrats de génération qui ne font que complexifier le marché du travail alors qu'il faut le simplifier. On voit les contrats aidés qui ne font que gréver le déficit public alors qu'il faut l'alléger."
Contrats aidés auxquels Nicolas Sarkozy a largement eu recours au cours de son quinquennat.
"Bien sûr. Nous avons commis des erreurs. Ce sont des rustines qui ne doivent plus être utilisées à l'avenir."
Ça veut dire qu'aujourd'hui, il faut supprimer les contrats aidés, purement et simplement ?
"Ce sont uniquement des rustines."
C'est un amortisseur, aussi, pour la crise.
"La vraie politique, Nicolas Escoulan, quelle est-elle ? Elle consiste à diminuer véritablement les charges. Il y avait celle qui consiste à simplifier le code du travail. Ce n'est tout de même pas être un affreux ultralibéral que de considérer que plus de 3000 pages pour le code du travail en France, c'est trop. Que de considérer qu'un code du travail qui s'alourdit d'une page tous les trois jours en moyenne, c'est beaucoup trop. Il faut simplifier le code du travail et, pour une fois, faire confiance aux entreprises, qui créent de la richesse."
Geoffroy Didier, vous faites partie de la génération montante de la droite et vous devez, je pense, en avoir marre de cette guerre des chefs, de ces concours de petites phrases qui minent l'UMP. Un des exemples, c'est Jean Tiberi, qui était mardi l'invité d'Alexandre Kara sur Europe 1, et qui a lourdement critiqué Nathalie Kosciusko-Morizet. Aujourd'hui, vous dites : "Halte au feu" ?
"Il faut avouer que Nathalie Kosciusko-Morizet tente de relever un vaste défi. Je pense que c'est plus facile de grimper l'Everest à cloche-pied que d'unifier les baronnies de la droite parisienne. A la Droite forte, nous avons toujours été clairs. Dans un premier temps, il y a eu une primaire, une compétition démocratique interne. Nous n'avions pas choisi Nathalie, nous avions choisi Pierre-Yves Bournazel. Mais en même temps, nous avions toujours dit qu'une fois le ou la candidate désignée, nous serions derrière lui ou derrière elle. Et d'ailleurs, nous n'avons pas fait que le dire, nous le prouvons aujourd'hui, parce qu'avec Guillaume Peltier, nous organisons des réunions publiques pour soutenir les têtes de liste de Nathalie Kosciusko-Morizet dans les différents arrondissements. Mais je suis d'accord avec vous. Halte au feu. Sur Paris comme au niveau national. Je le dis comme cofondateur du premier mouvement militant de l'UMP mais aussi comme élu de la novuelle génération. Qu'est-ce que nous disent les électeurs sur le terrain ? "A Paris, là-haut, qu'ils se taisent, parce que les divisions internes, mortifères, les petites phrases et les grands mots. » D'ailleurs, je le dis, et je préviens : le premier qui divise, il a perdu."
Est-ce qu'au fond, le problème à droite, aujourd'hui, ce n'est pas Nicolas Sarkozy ? Il y a moins d'une semaine, il écrivait aux Français, comme pour ne pas se faire oublier : "Je vous souhaite un joyeux Noël" sur sa page Facebook. Quand doit-il clarifier sa position ?
"Vous dites que Nicolas Sarkozy est le problème de l'UMP, moi je dis que c'est sa solution. D'ailleurs, les enquêtes d'opinion démontrent une réalité constante, c'est que, malgré l'entreprise de déstabilisation orchestrée par le Parti socialiste pendant de nombreuses années, Nicolas Sarkozy jouit d'une popularité intacte. Il n'est pas seulement un homme d'Etat, il est aussi un homme d'avenir."
On l'entendra en 2014 ?
"Ecoutez, laissez-le là où il est, c'est-à-dire au-dessus de la mêlée. Respectez son silence, et à mon avis, c'est la meilleure chose que vous puissiez faire pour lui."