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SAISON 2013 - 2014, modifié à

La nébuleuse Al-Qaïda semble être impliquée dans le crime abject commis à l'encontre des deux journalistes de RFI.

Edouard Guillaud, chef d’état-major des Armées

Ses déclarations :

 

Au Mali, est-ce que les opérations militaires sont enfin terminées ?

"Non, pas encore. Cette nuit même à 2h30, nous avons mené une opération spéciale contre un pick-up dans le désert, à 200, 250 km à l'ouest de Tessalit. Nous avons neutralisé un certain nombre de gens d'Al-Qaïda. Au moment où je parle, l'opération continue et nous récupérons le matériel, qui va parler, d'une certaine manière, et nous fournir des renseignements."

 

Et elle n'était pas prévu, cette opération ?

"Non. Nous agissons de deux façons : soit sur de grosses opérations, comme Hydre il y a 15 jours, où nous sommes en chasse, soit en réaction, sur la base de renseignements dont beaucoup viennent de la population. "

Donc, on vous a dit qu'il y avait une attaque prévisible ?

"On nous a dit qu'il y avait un pick-up suspect qui présentait un certain nombre de caractéristiques techniques. Que je ne vous dévoilerai pas, bien sûr..."

Dommage !

"Je ne vais pas donner des renseignements à nos adversaires ! Et nous sommes allés voir sur place. "

Vous confirmez que ce sont des gens d’Aqmi, d'Al-Qaïda ?

"Absolument. Aqmi. "

Autrement dit, au Mali ce n'est jamais fini.

 

"Au Mali, ce n'est pas fini. Le niveau de violence a énormément baissé. Souvenons-nous du mois de janvier, l'an dernier. En huit mois, nous avons fait des avancées phénoménales. "

Amiral, les terroristes sont au Nord. Ils font des actions ciblées. Ils franchissent quelques fois les frontières. Faut-il les poursuivre partout ?

"Je pense qu'il faut les poursuivre. C'est pour ça que nous travaillons avec les pays voisins comme le Niger, le Burkina-Faso, éventuellement le Tchad, et que nous coopérons également avec l'Algérie, de façon à ce qu'il ne puisse pas se réfugier, qu'il n'y ait pas de sanctuaire."

L'opération en cours se terminera à quel moment et de quelle façon ?

"Par définition, je ne peux pas vous donner ce genre de renseignements mais c'est le genre d'opération qui dure 24 heures, à peu près."

Au Mali, l'enquête sur l'assassinat de nos confrères progresse. Est-ce que vous confirmez la signature Al-Qaïda ?

"Pour l'instant, tout pointe vers un groupe Al-Qaïda ou dépendant d'Al-Qaïda. Je vous renvoie à la conférence de presse faite par le procureur de Paris François Molins hier, qui a donné les informations qui étaient disponibles."

Et il y a des Touaregs liés à Al-Qaïda ?

"Oui, bien sûr. Mais ce n'est pas la majorité, de très loin."

Qui sont les autres ?

"Des gens qui viennent d'Algérie, de Tunisie, de Lybie, de Somalie. On en a trouvé du Libéria."

Donc il y a des brigades internationales du terrorisme.

"Mais c'est bien le principe d'Al-Qaïda : le terrorisme à l'international."

Aujourd'hui les enquêteurs sont sur place, transportés je suppose par l'armée française. Les deux auteurs du crime abject contre nos confrères seront-ils bientôt arrêtés ?

"Nous fournissons tout le soutien nécessaire aux enquêteurs de la DCRI et de la police judiciaire qui sont sur place et qui travaillent avec leurs homologues maliens. Il est certain que nous faisons également tout pour exploiter tous les renseignements, d'un point de vue militaire, vous comprenez, pour arrêter les auteurs dès qu'ils seront localisés."

Mais ils vont l'être ? Bientôt ?

"Ça, je ne peux pas répondre à cette question, malheureusement."

Selon un chef rebelle touareg interviewé hier dans Le Monde, les soldats français au Mali useraient à l'égard des populations locales de méthodes brutales, agressives, presque coloniales ! Est-ce que c'est vrai ?

"Bien sûr que non. Je ne suis pas dans le roman, je ne suis pas dans l'excès, ce n'est pas la façon dont travaillent les militaires français depuis largement plus d'un demi-siècle maintenant, et c'est même au contraire ce qu'on leur reconnaît dans le monde entier lorsque nous formons des troupes étrangères."

Il  y aurait des sanctions si ça se produisait ?

"Ah bah tout excès serait évidemment sanctionné. Immédiatement."

Le même Touareg estime que son mouvement MNLA a les moyens, si on les laisse agir, de retrouver les assassins. Il dit même qu'on l'aurait empêché d'agir...

"Non, c'est faux. C'est complètement faux. S'il a les moyens, qu'il le fasse, je crois que ça aidera beaucoup les enquêteurs."

Au moment venu, qui jugera les assassins ? Le Mali qui est un Etat souverain et légal ? Ou la France si elle réclame l'extradition ?

"Je ne rentrerai pas dans la façon de traiter ce genre d'affaire. Nous avons effectivement un Etat souverain, légal et légitime, avec lequel nous avons des conventions, donc ce sera aux deux justices des deux pays de se mettre d'accord. Je n'ai pas d'inquiétude."

Les deux confrères,  Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont-ils été tués parce qu'ils étaient Français ou parce qu'ils étaient journalistes ?

"J'ai tendance à vous dire : les deux.Manifestement, Al-Qaïda voulait, y compris pour sa propre aura, avoir des Français comme otages. Le fait qu'ils soient journalistes ne pouvait que renforcer leur valeur comme otages. "

Il y a un lien : Al-Qaïda veut punir ou se venger contre les intérêts français à cause de l'opération du Mali ?

 

"Absolument. "

En décembre, 1000 soldats devaient rester au Mali. Ils seront combien ?

"Fin décembre, ils seront entre 2000 et 2500. Ainsi que l'a dit le président de la République, nous devons nous adapter aux circonstances et c'est ce que nous faisons, sous son autorité. Les circonstances, vous les connaissez : il y a eu des tentatives d'attentats-suicide, il y a eu l'assassinat de nos deux malheureux compatriotes, et puis il y a les élections."

Est-ce que ça ne veut pas dire que si on s'installe, on reste, on étend les combats au Nord, on s'enlise ? Et en plus, ça coûte... de l'argent.

"Oui, aucune opération n'est jamais gratuite. Quoi qu'il en soit, nous espérons bien être, pendant l'hiver, au seuil des 1000, fixé par le président de la République. "

On l'a appris cette nuit, les opérations extérieures coûtent cher, surtout quand elles durent. Leur coût est de 578 millions d'euros. Jean-Yves Le Drian et Bernard Cazeneuve se sont mis d'accord. Est-ce que l'armée aura ces 578 millions d'euros supplémentaires ?

"En fait, le coût est d'1,2 milliard puisqu'on avait une provision de 630 millions pour 2013. L'opération au Mali a généré des surcoûts. Ces 578 millions sont destinés à ces surcoûts, et ils proviennent d'un pot commun interministériel et c'est ce sur quoi le ministre de la Défense et le ministre du Budget se sont mis d'accord, d'où le communiqué d'hier."

Vous savez ce qu'on dit, il y a un risque de déclassement de l'armée française.

"Non, il n'y a pas de risque de déclassement, là je m'inscris complètement en faux. Nous avons des ambitions qui sont forcément un peu plus réduites mais ce n'est pas un déclassement."

Mais par exemple vous pouvez investir comme vous le prévoyez sur le renseignement, le cyberespace, les drones ? Ou alors c'est retardé ?

"Non, nous avons, y compris pour cette année et l'an prochain, des garanties, qui correspondent à ce qu'avait dit le président de la République."

Il avait dit que ces crédits seraient "sanctuarisés".

"Moi ce qui m'intéresse, c'est de pouvoir conserver le personnel que je dois avoir mais également de faire les investissements. Et ça, c'est bon pour 2013 et c'est bon pour 2014."

Oui mais pour 2013, si j'ai bien lu le communiqué, vous avez fait une sorte d'avance au budget de l'Etat. Pour 2013, on vous prend ou on vous emprunte combien ?

"Oui mais c'est la solidarité interministérielle. Nul n'ignore dans quel état nous sommes, y compris nous."

Quelques questions sur la Syrie. Bachar el-Assad tient-ils ses promesses faites à l'ONU sur la production et les stocks d'armes chimiques ?

"Toutes les informations qui nous reviennent de l'Organisation internationale contre les armes chimiques, c'est : oui."

Les Français et les Anglais devraient livrer des armes aux anti-Bachar. Est-ce que c'est le cas ?

"Nous ne leur livrons pas d'armes mais nous continuons de les aider en dehors des frontières de la Syrie. Nous travaillons avec la Jordanie, notamment. Mais pas d'armes."

Pas d'armes, autrement dit, Bachar el-Assad, qui devait être dégagé, qui devait être puni, consolide son pouvoir et son influence.

"C'est une façon pessimiste de voir les choses."

Monsieur le chef d'Etat-major des Armées, quelles nouvelles avez-vous des 4 journalistes détenus en Syrie, parmi lesquels Didier François et Edouard Elias, nos confrères d'Europe 1 ?

"Je n'ai pas de nouvelles directement car comme vous le savez, c'est la direction générale de la sécurité extérieure qui est en charge, mais les informations qui me remontent, c'est qu'ils sont en vie. Et nous faisons tout, comme pour les autres otages d'ailleurs, pour les sortir, et si nécessaire, les armées françaises fourniront les moyens."

 

Ils sont détenus par Al-Qaïda, eux aussi ?

"Je ne suis pas capable de répondre à cette question. Vous savez, il y a entre 1200 et 2000 groupes différents dans l'opposition, dont l'allégeance peut varier. Certains appartiennent à Al-Qaïda."

Mais on s'occupe d'eux !