La Tunisie souhaite intensifier ses relations avec la France, assure son Premier ministre, Mehdi Jomaa.
Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Mehdi Jomaa, premier ministre tunisien.
Ses principales déclarations :
Vous avez rencontré tous les gouvernants, vous allez voir François Hollande. Comment trouvez-vous les Français ?
"Très bien ! J'ai rencontré pas mal de dirigeants. J'ai été impressionné par le Premier ministre qui connait très bien le dossier tunisien, nous avons eu des échanges très constructifs."
La France croit à l'évolution démocratique de la Tunisie ?
"C'est ce que je ressens et objectivement elle y croit. Elle veut faire réussir cette expérience unique dans la région, pleine d'espoir et de perspective pour les jeunes. L'échec de cette expérience-là assombrirait un peu les horizons pour les jeunes de la région. On a tous intérêt à faire réussir ; c'est que j'ai trouvé chez les Français."
Les Français vous donnent des preuves ? Votre Etat n'a plus d'argent, même pour les fonctionnaires. Les millions promis par François Hollande vont-ils être débloqués ; votre dette transformée en investissements ?
"L'Etat Tunisien dispose encore d'argent ; il a un déficit comme partout, un déficit important, nous travaillons dessus, faisons des réformes pour le réduire. On dispose encore d'argent pour réduire nos engagements. La France ne s'est pas engagée à nous donner de l'argent ; elle s'est engagée à intensifier la coopération qu'on a ensemble. C'est ce qu'on vient chercher ici : pas de l'aide mais de la coopération ! Ce sont deux pays souverains qui se tendent la main."
Vous avez composé un gouvernement de non-politiques...
"Parce que la période l'exige ! C'est un gouvernement à égal distance de tous les partis ; les critères sur lesquels j'ai composé ce gouvernement : la compétence et l'intégrité. Ainsi qu'une dimension internationale car je suis conscient que la Tunisie ne peut s'épanouir sans économie, et ne peut réellement se développer qu'avec une dimension internationale, c'est un pays d'ouverture."
La priorité, c'est le redressement de l'économie ?
"La priorité, c'est d'offrir le climat propice pour organiser les élections avant la fin de l'année. Parmi les environnements à offrir : une économie saine."
Avant la fin de l'année ou le début de l'année prochaine, les élections ?
"On fait tout pour que ça se passe avant la fin de l'année, c'est notre engagement."
Vos mots d'ordre : compétence et retour au travail. On a perdu le goût, l'habitude de travailler en Tunisie ?
"La Tunisie est un pays d'énergie. Les trois dernières années, on a passé beaucoup d'énergie dans la révolution, il faut maintenant réorienter cette énergie de nouveau vers le travail pour construire cette nouvelle Tunisie sur des bases beaucoup plus saines."
Vous allez être reçu par Pierre Gattaz avec 60 chefs d'entreprises de Tunisie. Comment allez-vous convaincre le Medef d'investir chez vous ?
"Le Medef est déjà convaincu de la place et des facteurs intrinsèques de la Tunisie. Je vais les convaincre que, de nouveau, l'environnement et les horizons sont dégagés ; c'est le moment de se placer pour le rebond."
Vous allez leur dire qu'il y aura moins de grèves intempestives, moins de manifestations pour des hausses de salaires intempestives ?
"Tout à fait ! J'y crois : je crois que nous sommes tous maintenant conscients en Tunisie qu’après cette phase de 3 années révolutionnaires, la révolution est dans le travail, dans la construction, l'organisation... Nous sommes prêts pour accueillir..."
Vous leur offrez la sécurité ? Il y a des problèmes de sécurité intérieure et extérieure... Pensez-vous pouvoir fermer les 800km de frontière avec la Libye ?
"Il y avait des problèmes de sécurité mais on a fait d'énormes progrès : la Tunisie est aujourd'hui beaucoup plus sûre qu'elle ne l'était. Le problème de la Libye est un problème régional ; ça touche la Tunisie directement mais nous ne sommes pas les seuls. On a une coopération excellente avec nos voisins et tous les pays amis, dont la France, pour essayer d'assurer la sécurité de la Tunisie."
De quelle manière ?
"Le contrôle de frontière en est une, on travaille beaucoup dessus."
La France vous donne ou vous promet les armes dont vous auriez besoin pour lutter contre le terrorisme... ?
"Nous avons d'excellents échanges de renseignements, et nous travaillons aussi sur les équipements. Des choses ont commencé à se faire et, à l'occasion de cette visite, on a parlé de renforcer cette coopération. Des choses vont bien se développer avec la France sur ce plan-là."
Des milliers de jeunes tunisiens vont combattre en Syrie : quel moyen de prévenir leur départ ?
"On a réussi à empêcher pas mal de jeunes de partir en Syrie ! Il y a des tunisiens comme d'autres nationalités là-bas ; nous travaillons avec les pays concernés. Nous avons mis en place le dispositif qu'il faut pour essayer de prévenir ce danger qui est un réel danger pour l'ensemble de la région."
Quand ils reviennent, vous les identifiez, vous les contrôler pour qu'ils n'aillent pas agir, prêcher en Europe ?
"Tout à fait ! Tous ceux qu'on a identifié sont sous contrôle : on essaie de récupérer ceux qui sont récupérables ; les autres seront sous contrôles."
A propos des déclarations de Mahmoud Abbas sur la Shoah. Vous êtes d'accord avec lui ?
"Nous appuyons tout ce qui peut rapprocher les deux peuples vers une solution, tout ce qui peut apaiser la situation. Nous sommes adeptes, depuis longtemps, vous le savez, d'une solution négociée dans le respect de la légalité internationale."
Les Tunisiens et Français de confession juive seront-ils les bienvenus cet été à Djerba pour le pèlerinage et quand ils voudront venir en vacances ?
"La Tunisie est un pays avec 3.000 ans d'Histoire, qui s'est bâti dans le respect des cultes. Les Juifs venaient avant la révolution, pendant la révolution et sont les bienvenus après la révolution pour faire leur pèlerinage. Aujourd'hui, la liberté de culte est inscrite dans cette Constitution dont on est fiers."
Laurent Fabius va t-il sortir la Tunisie de la zone rouge d'insécurité du Quai d'Orsay ?
"Nous l'avons évoqué. Ils ont constaté le progrès en terme de sécurité en Tunisie. Les américains ont levé ce warning ; nous souhaitons que nos amis Français le fassent aussi."
Qu'est-ce qui manque à la Tunisie pour le succès de la démocratie ?
"Nous avons fait la première étape, la base, la Constitution. Ce qui manque maintenant : assurer cette pérennité, trouver de la croissance, offrir aux jeunes les emplois qu'ils demandent et puis ouvrir des perspectives. Je pense qu'il manque peu ! Nous comptons sur nous-mêmes mais aussi sur une bonne coopération avec les pays amis pour essayer de bâtir cette nouvelle Tunisie"
Vous promettez de ne pas vous présenter aux élections : s'il y a échec, vous retournerez chez Total ?
"Je dois bien nourrir ma famille ! J'ai bien besoin de travailler, chez Total ou ailleurs."
Si ça réussit, vous continuez en CDI ?
"Pour le moment, j'ai un engagement et une mission jusqu'à la fin de l'année, il faut bien réussir cette mission. Ce que j'ai promis, c'est que je souhaiterais quand même revenir m'occuper de ma famille ; il y a des plaisirs que j'ai perdu."
Il faut réussir...
"Ce que je dois retenir, ce n'est pas de prolonger mais au moins de réussir jusqu'à la fin."