Bien que Nathalie Kosciusko-Morizet n'approuve pas la politique menée par Delphine Batho, "la manière" en dit très long sur la personnalité de François Hollande.
Les principales déclarations de Nathalie Kosciusko-Morizet, députée UMP de l'Essonne:
Delphine Batho fait l'objet d'une vague de sympathie ce matin. A t-elle la vôtre ?
"Ecoutez... Au delà des personnes, je n'ai pas trouvé que l'action de Delphine Batho comme ministre de l'Ecologie pendant un an était formidable. A vrai dire, j'ai trouvé qu'il ne se passait rien. Mais la façon dont c'est fait, la manière dont c'est fait, en dit très long sur la personnalité de François Hollande. Vous savez, il y en a eu beaucoup, des ministres qui se sont opposés au Président de la République et au Premier ministre : Montebourg, Hamon, il y en a bien eu des clashs à l'intérieur de ce gouvernement... Là, finalement, on a besoin de faire acte d'autorité, on veut faire acte d'autorité sans prendre trop de risques. Ça dit des choses de la personnalité de François Hollande : fort avec le faible, faible avec le fort. Ca dit des choses sur sa personnalité"
Après l'avoir trouvé faible et mou, vous le trouvez tous trop autoritaire...
"Non, je ne le trouve pas trop autoritaire ! Je trouve qu'il fait acte d'autorité pour pas cher... C'est facile d'être fort avec les faibles. Écoutez, il n'y a pas de bilan à l'écologie, pas de budget, manifestement ce n'est pas une priorité du gouvernement... Elle était déstabilisée, elle était fragilisée, elle élève la voix, boum, il la vire. Regardez Montebourg ! Il en a dit, bien des choses ! Il en a dit des choses au Premier ministre ! Tout ça c'est dans la presse, il ne lui arrive rien. Ce que je dis, c'est que c'est révélateur de la personnalité de François Hollande, fort avec les faibles, faibles avec les forts ! Au-delà des personnes, ce qui me scandalise un peu : la manière, le cynisme avec lesquels on traite l'écologie..."
"Je veux m'arrêter là-dessus : il faut voir l'enchaînement des faits. Depuis un an, l'écologie, c'est la descente aux enfers ! Ca a commencé avec un ministère dégradé, passé de la place de numéro 3 à numéro 10, ça n'a l'air de rien, ça a son importance quand on doit négocier par exemple avec Bercy. Le ministère a été découpé, on a enlevé tout la partie logement, on a beaucoup perdu en cohérence : isolation des bâtiments, toutes ces choses-là. Ensuite, la première ministre de l’écologie, Nicole Bricq, a été virée pour avoir voulu tenir tête au lobby pétrolier, c'est très important dans ce ministère, où vous êtes sous la pression des lobbys, d'être soutenu ! A partir de juillet, il n'y a rien eu en matière de fiscalité environnementale, rien eu sur rien ! Si je fais le bilan d'un an d'écologie, tout ce qu'ils ont fait, c'est sortir des décrets d'application, mettre en place un peu la suite du Grenelle, comme par exemple récemment avec l'extinction des enseignes la nuit. C'est bien, je suis très contente que ça ait été mis en place dans la suite de ce qu'on avait lancé, mais ce n'est pas un bilan !"
Est-il normal de critiquer le budget ? Maladresse et imprudence ?
"C'est une réalité ! Prendre 500 millions d'euros au budget du ministère de l'écologie, dans sa version en plus réduite, ce n'est pas comme prendre 500 millions d'euros dans un très gros ministère avec un très gros budget ! Et puis, vous savez, il y a un mensonge derrière tout ça : on dit qu'on prend 500 millions d'euros mais que ce sera compensé avec l'écotaxe poids lourd ! Ça s'appelle un hold-up ! L'écotaxe poids lourd devait servir à faire du transport propre, de la transition dans le monde du transport, financer les appels d'offre qui ont permis de financer tramways en province... Je ne vous fais pas l'énumération d'un programme, je vous parle de réalité. Aujourd'hui, du tramway s'est développé en France : c'est grâce aux appels à projets qu'on avait financés dans le monde du transport propre. L'écotaxe poids lourd, ça devait permettre de dire : "On taxe un peu le mode de transport routier pour aller ailleurs" Aujourd'hui, le Premier ministre dit que cet argent va servir à compenser le budget de l’État."
Vous souvenez-vous du jour où vous n'avez pas été nommée ministre en 2005, "Nathalie, une emmerdeuse", et quand François Fillon vous a sommée de présenter des excuses après avoir dit "Il y a une armée de lâches"...
"Je l'ai déjà dit, je le redis : en politique, c'est un compliment d'être une emmerdeuse ! Si on ne dérange personne, ça veut dire qu'on ne fait pas grand chose. Mais je mets un bémol là-dessus : oui j'ai eu des tensions très vite avec les uns et les autres quand j'étais ministre mais j'ai obtenu gain de cause sur le fond ! Aujourd'hui, il n'y a pas d'OGM commerciaux cultivés en pleins champs en France. J'avais eu des tensions sur la question des OGM mais sur le fond j'ai gagné les arbitrages ! Le problème de ce ministère de l'écologie, c'est qu'il ne gagne pas les arbitrages, il ne se passe plus rien en matière d'écologie !"
Avez-vous entendu le silence craintif des hommes et femmes ministres ?
"Tout le monde a bien compris : c'est un signal qui est particulièrement mauvais pour l'écologie, qui est mauvais pour les femmes, mauvais pour ce qu'il dit de la personnalité d'un Président qui n'a pas peur de taper sur les femmes."
C'est la politique : on vise tout de suite le Président...
"Ce n'est pas la politique, c'est la réalité"
Coïncidence : aujourd'hui au Conseil des ministres, le projet de loi égalité hommes / femmes... C'est drôle...
"Je ne trouve pas ça drôle, non. C'est comme toujours, sur l'écologie comme sur les femmes, beaucoup de discours : bla bla bla bla, on parle beaucoup, beaucoup de discours verts et derrière, la réalité n'est pas rose..."
Chez l'opposition, il n'y a pas tellement de politique alternative à l'égard l'écologie et les Verts, surtout en période de crise...
"(Elle interrompt.) Jean-Pierre Elkabbach, vous ne pouvez pas dire ça ! Je vous interromps, ce n'est pas vrai ! Il n'y a pas un gouvernement qui ait fait autant en matière d'écologie que sous le mandat précédent avec le Grenelle de l'environnement ! On peut trouver que ce n'est pas parfait, mais pas un gouvernement n'a fait autant ! Et, le gouvernement d'avant, c'était la charte constitutionnelle de l'environnement ! Un exemple très concret : les investissements d'avenir. J'avais obtenu, pour le grand ministère, 10 milliards des investissements d'avenir..."
Le Premier ministre va en parler mardi, il va dire combien il y a pour l'écologie...
"On attend ça avec impatience. On a vu dans la presse qu'une des raisons pour lesquelles Delphine Batho était en colère c'est qu'elle n'avait rien sur les investissements d'avenir. C'est une contradiction du mot : quand, dans un investissement d'avenir, il n'y a pas l'écologie, c'est vraiment qu'on est dans l'absurde, que ce gouvernement n'a rien compris, qu'on est dans le socialisme à l'ancienne. Le socialisme productiviste qui n'a pas compris que l'écologie est un moteur positif de transformation de la société, de l'économie, de nouvelles compétitivités. Malheureusement, c'est un peu tous les socialistes français en ce moment..."
Pascal Canfin menace d'un départ des ministres verts sans avancée rapide...
"Si j'avais envie de mettre une lueur d'humour et de soleil en ce matin pluvieux, je dirais que les communistes, dans le temps, ont inventé le soutien sans participation. Montebourg, Hamon, on a eu la participation sans soutien. Finalement, les Verts font de la participation sans enthousiasme..."
Qu'aurez-vous en face de vous à Paris ? Une majorité divisée, amputée des Verts, derrière Anne Hidalgo ?
"J'aurai en face de moi en tout cas la même hypocrisie : celle qui parle beaucoup d'écologie et qui ne fait rien derrière. Quand vous regardez ce qui a été fait sur la qualité de l'air ou le diesel à Paris, on a une municipalité qui parle beaucoup, qui dit : "Oui oui, on va interdire le diesel" et, en janvier encore, rachetait des bennes à ordure diesel, en février faisait acheter des bus diesel ! C'est la santé des parisiens et des parisiennes ! Je voudrais dire clairement les choses : derrière l'écologie, il y a des problèmes de santé, de compétitivité. Sacrifier l'écologie, c'est sacrifier l'avenir. Ce n'est pas juste un problème de budgets, de quelque pourcents à la marge, ce n'est pas ça l'enjeu : sacrifier l'écologie dans notre société, dans notre économie, dans laquelle on est en train de chercher un nouveau modèle économique, on est dans un modèle économique complètement épuisé, c'est sacrifier l'avenir, montrer qu'on a aucune vision tout simplement."