Retraites chapeau : "Il faut que l’État aille plus loin"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Les retraites chapeau sont taxées à hauteur de 68%. L’État a donc un manque-à-gagner suite au renoncement de Philippe Varin.

Christian Eckert, député PS et rapporteur général de la commission des Finances

Ses déclarations :

 

Philippe Varin a abandonné sa retraite chapeau, jugée choquante, indécente. Vous pensez que tous ses collaborateurs chez Peugeot doivent faire la même chose ?

 

"Quand on a une entreprise en difficulté, qu'on licencie des salariés, qu'on ferme des sites, ça veut d'abord dire qu'on n'a pas les bons résultats. Je rappelle qu'une retraite chapeau, c'est une rémunération ! Comment peut-on être rémunéré quand on a des mauvais résultats ?"

 

Vous n'avez pas répondu : ses collaborateurs doivent-ils faire comme lui ?

"Pour l'instant, la question ne se pose pas puisque pour l'instant ils ne partent pas ! En plus, ce sont des questions de contrat, il faut regarder tout ça. Pour Dexia, ça a été encore pire : certains sont partis et l'Etat n'a pas été capable de casser les contrats des retraites chapeau ! C'est quand même un exemple qui coûte encore des milliards !"

Varin était dans son droit, avec un contrat... Vous trouvez que c'est légal mais pas juste ?

"Ce qu'on a fait déjà, c'est taxer fortement ces retraites chapeau ! Elles sont taxées à 68%, c'est dissuasif quand même ! Et il y a la taxe à 75% qui prend en compte les retraites chapeau. Maintenant il faut aller plus loin : s'il le faut, il faut explorer toutes les solutions, si elle pose des problèmes constitutionnels, de liberté individuelle ou d'entreprendre. En tout cas, Bruno Le Roux m'a demandé de lui faire des propositions : c'est ce que je vais faire dans les jours qui viennent."

Il pourrait y avoir même dans le privé non plus l'autodiscipline mais une loi...

"Ça ne marche pas ! L'autorégulation, ça ne marche pas, il faut utiliser d'autres leviers ! Par exemple, on peut assujettir les aides aux entreprises à des comportements conclus dans des conventions ! J'ai devant les yeux le contrat qui lie l'Etat à Peugeot quand on a garanti 7 milliards d'euros de garantie d'emprunts pour la banque Peugeot, elle prévoit des limitations de rémunération, en tout cas que l'Etat doit avoir un droit de regard sur les rémunérations. Malheureusement, ça ne s'applique que depuis 2012. Le contrat de M. Varin était antérieur."

 

L'Etat perçoit plus de retraite chapeau que le dirigeant qui en profite. Ce qui est arrivé à Philippe Varin est un manque à gagner. Combien ?

"Les retraites chapeau sont taxées à 68%. 68% de 21 millions, faites le calcul. Je n'ai plus le droit d'être agrégé de mathématiques depuis que je suis député."

Cette affaire doit-elle avoir des conséquences pour d'autres patrons d'entreprises du CAC 40 ?

"Du CAC 40, c'est plus difficile. Je vous rappelle que dans les grandes entreprises publiques, ce n'était pas le cas auparavant, nous avons limité les rémunérations des grands dirigeants, y compris des banques publiques, de la BPI. Dans le public, on a le pouvoir. C'est heureux. Dans le privé, c'est plus difficile : il faut conditionner les aides et on peut même aller jusqu'à regarder sur le CICE. Je vous rappelle si vous l'ignoriez que Peugeot va percevoir 54 millions d'euros de CICE."

Le véritable adversaire de François Hollande est donc bien la finance ?

"Oui, il faut peut-être faire la différence entre la finance et l'économie réelle... Peugeot c'est une grande entreprise industrielle, elle a en terme d'emploi un impact différent de certains mondes de la finance où quelques-uns peuvent brasser des milliards."

 

On va vers une loi ?

 

"Bruno Le Roux m'a demandé de lui faire des propositions. Je ferai des propositions à Bruno Le Roux d'ici quelques jours. Il faut laisser un peu de temps : les lois de circonstance sont un phénomène que l'on a souvent dénoncé, c'est un piège dans lequel nous n'allons pas tomber. Nous travaillons régulièrement depuis 18 mois sur ces questions des grosses rémunérations et des taxations."

Contradiction : vous dites qu'il ne faut pas réagir à chaud mais vous préparez une loi sur demande de Bruno Le Roux...

"Non ! Les mots ont un sens : je dis que je ferai des propositions. Elles feront l'objet d'un examen avec nos collègues députés et en lien avec le gouvernement."

Le Sénat a voté contre le budget 2014. Il s'oppose régulièrement au gouvernement : le Sénat creuse-t-il sa tombe ?

"Nous avons pris acte que nous n'avons plus de majorité au Sénat. La plupart des textes sont rejetés, parfois à l'unanimité comme le texte sur les retraites. Il faut en tenir compte dans notre comportement et peut-être aussi dans les méthodes d'élaboration des lois, en terme de lois fondamentales, mais l'urgence n'est pas là aujourd'hui."

 

Ca n'a aucune importance, le budget sera voté à l'Assemblée ?

"Vous connaissez la règle : c'est l'Assemblée Nationale qui a le dernier mot."

A 10h30, vous serez reçu à Matignon par le Premier ministre pour sa remise à plat fiscale. A quoi voulez-vous aboutir ?

"Vous dites SA réforme fiscale : non. La méthode utilisée, avec la concertation qui est organisée, avec les organisations syndicales, patronales, salariales, ce ne sera pas la réforme de Jean-Marc Ayrault ! C'est une réforme que l'on veut faire partager. Je ne donne pas le résultat avant qu'on ait sifflé le coup d'envoi. Le coup d'envoi, c'est la première phase de concertation. Là encore, je pense qu'il nous faudra quelques mois, on évoque généralement mai ou juin, pour arriver à des propositions concrètes qui fixeront le cap pour y arriver en fin de mandat comme l'a dit le Président de la République, avec les premières mesures qui seraient prises dès la loi de finance de la fin 2014."

 

Donc ce serait peut-être pour le prochain gouvernement...

"Ce n'est pas moi qui fait ou défait les gouvernements, c'est le Président de la République jusqu'à nouvel ordre."

Les Français sont persuadés que la réforme fiscale n'aura pas lieu...

"Je pense qu'ils se trompent ! Je pense que les Français doivent faire confiance dans la volonté de changer notre fiscalité. Ce ne sera pas le grand soir. On a déjà changé beaucoup de choses. Il y aura encore des choses à changer, bien entendu. Nicolas Canteloup a parlé tout à l'heure de la retenue à la source comme d'une singularité marseillaise : je vous signale que la France est le seul pays en Europe à ne pas la pratiquer."

On peut retenir l'idée ?

"Personnellement je retiens l'idée mais elle est actuellement débattue dans le cadre des réflexions que l'on a."

Michel Sapin est plutôt favorable à une CSG qui évoluerait en fonction des revenus. Il parait que l'Elysée n'a pas apprécié, et vous ?

"Moi j'aime beaucoup Michel Sapin."

"Je me suis prononcé pour un rapprochement de ces deux impôts, je l'ai même écrit sur mon blog !"

 

Lequel d'entre vous, quel que ce soit son rang, peut s'exclamer : "Françaises, Français, nous allons baisser vous impôts ?"

"Nous allons surtout baisser la dépense publique. C'est l'objectif dont on ne parle pas suffisamment. Nous l'avons déjà fait, nous continuons à le faire dans le budget en cours d'examen. Parmi les propositions que nous allons faire, il y aura des propositions qui aussi concerneront non pas seulement la réforme des impôts mais aussi la maîtrise des dépenses et la diminution de la dépense publique."