L'ancien ministre du Budget regrette que le Gouvernement et sa majorité préparent déjà 2017 en attaquant la crédibilité de Nicolas Sarkozy.
Eric Woerth, député de l'Oise
Ses principales déclarations :
Les juges de Bordeaux ont-ils conduit leur instruction avec impartialité ?
"Ecoutez, je ne vais pas rentrer... Je suis concerné... La Justice, comme tout le monde, a besoin de sérénité, de calme, les décisions sont trop importantes pour les uns, pour les autres, pour que ce calme et cette sérénité soient bien respectés. Nous verrons ce que dira la Cour de Cassation, je ne rentrerai pas plus dans le détail..."
On dit que les auditions ont été menées à charge ?
"Je ne rentrerai pas plus dans le détail... On verra ce que dira la Cour de Cassation...."
Le dépaysement, de nouveaux juges : pensez-vous que ce sera plus impartial et plus juste ?
"Ecoutez, on peut l'espérer, en tout cas ce qu'on doit rechercher toujours dans une décision de justice, car tout le monde est concerné, je pense que, d'abord, la Justice pense cela évidemment, c'est l'indépendance, l'impartialité... L'instruction à charge et à décharge... Il faut regarder le fond d'un dossier plutôt que ses propres convictions..."
Vous avez souffert pendant les auditions ?
"Ce n'est jamais un moment très agréable..."
Vous avez été le voisin de Christine Lagarde à Bercy, que savez-vous du choix des conditions de l'arbitrage privé ?
"Ce n'était pas le dossier du ministère du Budget, c'était le ministère de l'Economie. Ce que je veux dire, c'est qu'un politique a, au fond, l'autonomie de sa décision, c'est très important. Aujourd'hui, je ne vois pas quoi que ce soit dans les journaux qui peut à un moment donné considérer que cette histoire a été mal menée. On peut s'interroger sur les chiffres, en parler beaucoup..."
Qu'est-ce qui n'a pas marché ?
"Je n'en sais rien. Puisque c'est dans les mains de la Justice, elle le dira certainement. En même temps, on a le droit de recourir à l'arbitrage contre l'avis de sa propre administration. Le politique a heureusement une autonomie dans sa décision. Evidemment dans le cadre de la loi. Oui [ça m'est arrivé de prendre des décisions contre l'avis de mon administration]"
En avez-vous parlé avec Christine Lagarde ?
"Non pas du tout"
François Pérol et Claude Guéant ?
"Du tout, non plus ! Ce n'était pas un sujet particulier, il y a tellement d'autres sujets..."
Vous ne saviez rien ou vous ne vouliez rien savoir ?
"Ce n'était pas un sujet à l'époque, en particulier ! Ca n'occupait pas l'ensemble de l'Etat, heureusement, chacun avait ses propres dossiers !"
Vous pensiez que le Président était dans son rôle et dans ses prérogatives...
"Mais bien sûr ! Je ne sais pas qui a choisi, Christine Lagarde a toujours indiqué qu'elle l'avait fait, ce n'est pas le sujet... Le sujet pour moi, au fond, c'est l'autonomie de la décision politique. Nous avons droit, et je revendique l'idée, qu'à un moment donné un homme ou une femme politique, dans le cadre de la loi et de ses fonctions, peut décider contre l'avis de son administration..."
L'objectif du pouvoir socialiste est-il d'obliger Bernard Tapie et les arbitres à rembourser ou d'affaiblir Nicolas Sarkozy ?
"J'ai vu que Madame Pellerin, c'est une ministre sûrement en mal de notoriété, dénonce un système, j'ai vu ça dans la presse. Au contraire, je pense qu'un système anti-Sarkozy est en train de s'organiser. Au fond, la campagne de 2017 est quasiment partie. Là dessus, c'est quelque chose qui me choque profondément. Les membres du gouvernement devraient faire très attention quand ils parlent de l'ancien Président, de l'ancien gouvernement... Quand une affaire est devant la Justice, laissons la Justice, encore une fois sereinement, avec indépendance, dire les choses... Je regrette qu'un certain nombre de compte-rendu d'audition, de produits de perquisition, se retrouvent dans la presse. Ce n'est pas nouveau mais ce n'est pas bien pour la sérénité des choses."
Est-ce de nature à intimider ou à stimuler Nicolas Sarkozy ?
"C'est plutôt de nature à le stimuler, me semble t-il, pour répondre directement à votre question. En tout cas, ça ne l'intimide pas du tout."
Avez-vous adressé vous aussi une lettre manuscrite à Nicolas Sarkozy, comme Christine Lagarde ?
"C'est pas bien, tout ce qui se retrouve dans la presse... On a le droit d'écrire à un moment donné un courrier personnel... Faites le point sur tous les courriers que vous avez écrit, vous verrez... En même temps, c'est sûrement un courrier en dehors de ce contexte..."
A propos des comptes de campagne. Nicolas Sarkozy a t-il trop mêlé sorties du candidat et déplacements du Président ?
"C'est un sujet de principe ! Quand vous êtes candidat à la Présidence de la République et que vous êtes sortant, à un moment donné vous avez votre métier de Président et vous êtes candidat. Il faut répartir les choses. C'est ce qui a été fait, j'imagine que ça a été bien fait. On ne peut pas arrêter d'être président si on veut de nouveau être candidat, un an avant l'élection présidentielle... Evidemment on reste président jusqu'au dernier jour et candidat, et les comptes de campagne vont le retracer..."
Ce ne serait plus un quinquennat mais quatre ans...
"Absolument."
Le sommet du G8 se penche sur l'évasion fiscale. Vous rentrez des Etats-Unis : comment obtenir que les grands groupes multimilliardaires paient enfin de réels impôts dans les pays où ils font leur beurre ?
"Ce sont des sociétés très connues : Apple, Google, on les emploie tous les jours. Il y a aujourd'hui 1.000 ou 2.000 milliards stockés dans des comptes off-shore de manière tout à fait légale. Nous travaillons avec M. Muet, député socialiste, sur l'optimisation fiscale des grands groupes, légale, qui font qu'on utilise des failles de la législation internationale. Beaucoup sur des entreprises du numérique mais aussi des entreprises très étonnantes comme Starbucks, vous pouvez prendre votre café un matin, elle ne paie pas les mêmes impôts votre café du coin de la rue."
Un jour ces groupes pourront-ils être contraints de payer des impôts dans chaque pays où ils empochent des milliards de revenus ?
"Il faudra ! L'impôt est une base de la citoyenneté, même pour des entreprises du numérique dont on peut difficilement situer ou territorialiser les profits. Il faut à un moment donné que les entreprises paient non pas trop d'impôts car c'est contre la compétitivité mais suffisamment d'impôts, sinon ce sont les particuliers qui vont payer."
La réforme Ayrault des retraites est-elle bien partie ?
"Je ne trouve pas... Je trouve que ça manque un peu de courage. La retraite d'Hollande va ressembler à la retraite de Russie ! C'est à dire une reculade généralisée, une bérézina peut-être ! Pourquoi ? Madame Moreau qui conseille le gouvernement a comme clé d'entrée dans cette réforme l'augmentation des impôts et des charges... C'est une très mauvaise clé d'entrée ! Elle a une deuxième clé d'entrée : la diminution du pouvoir d'achat des retraités..."
Le gouvernement n'est pas obligé d'appliquer ce qu'il y a dans le rapport Moreau...
"Il n'est pas obligé mais c'est une commission qui a réfléchi à sa demande. Je déconseille fortement de toucher aux retraités. Nous devons réformer le système des retraites par des mesures d'âge ou de durée de cotisation."
François Hollade dit qu'on ne touche pas à l'âge...
"Encore une fois, c'est une référence à Nicolas Sarkozy ! François Hollande ne fait que des références, en négatif ou en positif d'ailleurs, à Nicolas Sarkozy. A un moment donné, ça suffit. Cette réforme est dictée d'un côté par les municipales : aller vite avant les municipales, elle est dictée aussi par l'Europe, ils ont peur de l'Europe."
La conférence sociale : l'amorce d'une vraie négociation d'envergure ?
"Oui, peut-être, je ne sais pas... Ce que je sais, c'est qu'il n'y a aucune négociation avec les syndicats ! Il y a une discussion et une réforme qui va se faire au cœur de l'été. Tout ce que le gouvernement socialiste a reproché au gouvernement précédent, il le fait en mal, en réalité ! Il disait négociation : il n'y a pas de négociation. Il disait réforme de structure : il n'y a pas de réforme de structure. On voit bien que c'est un simulacre..."
Pas de procès d'intention, la réforme commence...
"Hier à votre micro, Mme Touraine disait : pas ci, pas ça, de la justice, que des grands mots. Rien sur les fonctionnaires ! Personne ne veut stigmatiser la fonction publique mais considérez-vous normal que pour des régimes spéciaux, un conducteur de la RATP ou de la SNCF part à 50 ou 52 ans quand vous partez à 62 ans ?"
A propos de l'exception culturelle. Est-ce un bon point que vous donnez à la France ?
"L'exception culturelle, c'est très important, tout le monde est attaché à la culture et à la France. Mais on va en payer le prix ! Il faut juste le savoir ! A partir du moment où l'on empêche les négociations sur ce point-là, il y aura des négociations où il sera plus difficile de résister... Le secteur de l'agroalimentaire, la robotique, les nouvelles technologies, en paiera à un moment donné le prix... D'autres salariés en paieront le prix, peut-être cela vaut-il ce prix, en tout cas il faut le savoir... Deuxième point : il ne faut pas trop se battre avec la Commission Européenne. Quand on se bat ouvertement avec elle, on se fragilise avec les Etats-Unis à la veille de cette grande négociation, ne soyons pas totalement naïfs dans cette affaire..."