"On peut enclencher un cercle vertueux dans lequel, d'un côté, il y a des engagements pour améliorer la compétitivité, de l'autre des engagements pour créer des emplois et augmenter la production nationale", promet le patron de Renault.
Carlos Ghosn, Président Directeur Général de Renault-Nissan.
Ses principales déclarations :
Vous êtes à Davos. On connait depuis hier les résultats du groupe Renault pour 2013 : +3% des ventes mondiales, alors qu'elles chutent de 5% chez PSA. Vos ventes sont tirées par Dacia. L'avenir est bien dans le low-coast ? On a changé d'époque ?
"Je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu'il va y avoir un développement sur tous les segments de marché. Nous avons pour l'instant beaucoup plus de succès sur le moyen de gamme des pays émergents et sur le low-cost. Mais ça ne veut pas du tout dire que nous abandonnons la partie ou que nous n'avons pas l'intention d'arriver avec des nouveautés, de nous battre sur les autres segments..."
Ça veut quand même dire que ce sont les voitures low cost, avec des ouvriers payés moins de 500 euros, qui marchent, qui se vendent. Chez nous, ils sont payés 1.800 euros en moyenne. On peut se demander si les usines automobiles ont encore un avenir chez nous...
"Ecoutez, moi je peux parler des usines automobiles Renault car elles sont de ma responsabilité..."
Mais c'est votre groupe qui est aujourd'hui soutenu par Dacia qui construit dans ces conditions-là...
"Bien sûr. Mais si je reviens sur le sujet qui vous intéresse, la production en France, la production nationale, nous avons signé un accord de compétitivité dans lequel nous nous sommes engagés à augmenter la production en France, de 500.000 voitures/an à plus de 700.000 à l'échéance de la fin de l'année 2016. On peut enclencher un cercle vertueux dans lequel, d'un côté, il y a des engagements pour améliorer la compétitivité, de l'autre des engagements pour créer des emplois et augmenter la production nationale."
Vous pensez pouvoir créer des emplois dans l'automobile en France l'année prochaine ?
"Ça va être très difficile pour nous de produire 700.000 voitures au lieu de 500.000 avec le même nombre de personnes ! Il y aura certainement des embauches au fur et à mesure de l'évolution de notre production."
En France ?
"En France."
Quand ?
"2015, 2016... Il y aura évidemment des embauches qui vont permettre à cette production d'avoir lieu. Sur des sites très spécifiques et bien identifiés qui ont fait l'objet de négociation avec les partenaires sociaux qui ont bien voulu signer cet accord."
Combien de personnes ?
« A l’échéance du plan, il y aura plus d’emplois en France qu’il y en avait au début ! On aura l’occasion d’en parler à l’occasion de l’annonce de nos résultats puisque nous parlerons de la deuxième partie du plan de Renault »
Parmi les priorités de votre plan de relance : la voiture électrique. Les chiffres pour 2013 sont moyennement encourageants : 5.500 véhicules vendus, vous espériez le double. Il faut arrêter le tout-électrique et aller vers l'hybride chez Renault ? Renault n’en fait pas, de l’hybride…
"Pas du tout ! L'électrique est là pour rester. L'accélération des ventes de voitures électriques est inéluctable : les conditions qui ont amené au lancement de ces voitures électriques ne font que s'affirmer. Je maintiens notamment notre stratégie sur la voiture électrique mais je voulais aussi vous dire que l'accélération des ventes aura lieu notamment avec la mise en place des infrastructures qui seront nécessaires."
Dongfeng rentre au capital de Peugeot. Vous considérez que c'est une bonne chose ou que Peugeot prend un risque ?
"Je ne me permettrais pas de faire des commentaires sur un de nos concurrents. Ce que je veux dire, c'est que nous travaillons avec Dongfeng depuis très longtemps, nous sommes habitués à ce groupe qui d'ailleurs est associé à PSA, maintenant à Renault, mais aussi à Honda, aux groupes coréens, à Nissan. C'est un groupe qui sait très bien maintenir un cloisonnement très ferme dans ses coopérations, nous n'avons absolument aucune inquiétude. S'il y avait un resserrement des relations entre Dongfeng et un autre constructeur, je ne pense pas que ça remettrait en cause notre propre relation."
Les Chinois veulent bien mettre de l'argent, passer des commandes mais exigent des transferts de technologie en échange. Faut-il l'accepter ?
"Je pense que, dans tous les cas, si vous voulez être présent et être compétitif en Chine, il faut s'engager sur le transfert de technologie. Je ne pense pas que ceci soit mis en doute par qui que ce soit. Mais le cas de la Chine n'est pas un cas unique : avant cela, il y a eu beaucoup d'autres pays dans lequel ce genre de transition a eu lieu. Je ne suis pas inquiet."
Regrettez-vous d'avoir laissé filer Carlos Tavares ?
"Vous savez, dans l'industrie, on ne regrette pas, on est factuel, on regarde les choses telles qu'elles sont. On se sépare ou se réunit en fonction d'intérêts très objectifs. Il n'y a pas beaucoup de place pour les sentiments, les regrets, les nostalgies..."
Mais c'était un bon élément Carlos Tavares ?
"(Rires.) Je ne vais pas faire l'appréciation de M. Tavares en public... Je n'ai pas de commentaire à faire, je respecte particulièrement parfaitement les décisions prises par mes concurrents, je m'arrête là."
François Hollande discute de son pacte de responsabilité. Que doit-il annoncer pour que ça permette vraiment de faire baisser le coût des charges et que ça rende l'entreprise française plus compétitive selon vous ?
"Non, je pense qu'on est dans une très bonne dynamique ! Le pacte de responsabilité qui consiste à dire : "On baisse les charges, on fait tout ce qu'il faut pour que les entreprises deviennent plus compétitives" et, de l'autre côté, il faut un engagement des entreprises pour réinvestir et créer de l'emploi, ça me paraît très équitable. C'est un bon débat, c'est un débat positif. Maintenant, il va y avoir beaucoup d'idées échangées, beaucoup de mesures discutées, c'est très bien. Ce que je pense, c'est qu'il vaut mieux, dans un pays comme la France qui a une très grande tradition industrielle, qu'on regarde les problèmes ensemble, du même côté de la table, chacun avec ses préoccupations de façon à arriver à la meilleure solution pour le pays. L'exemple de l'accord de compétitivité de Renault qui est parti d'un accord fait à l'échelle du pays, c'est un très bon exemple dans lequel les gens, au lieu de s'opposer, se sont rencontrés autour d'une table, ont échangé sur leurs priorités et leurs préoccupations. On arrive toujours à un accord dans ce cas-là. J'espère qu'on arrivera à un accord qui soit satisfaisant des deux côtés. Plus d'engagement sur la compétitivité des entreprises et des entreprises un peu plus engagées sur l'emploi et les investissements en France."