Jean Galfione a beau être champion Olympique de saut à la perche, sa première passion reste la navigation. Aujourd'hui, il prépare la route du Rhum.
Ça vous a pris quand cette passion pour la navigation ? "Ça m'a pris depuis très longtemps ! Petit, les seuls bouquins que j'arrivais à lire étaient les romans de Bernard Moitessier, les aventures d'Alain Gerbault, Tabarly et Jules Verne ! Naturellement, j'ai eu envie de me retrouver sur un bateau, pas loin de la mer. Et, petit, j'ai été bercé par ces aventures : mon grand-père était dans la marine, c'est un univers qui me plaisait. Je ne savais pas du tout que j'allais faire de la régate, de la compétition... Je n'avais pas de plan." Avant de rêver de saut à la perche, vous rêviez du grand large ? "Peut-être bien ! J'ai fait toute ma carrière abonné à des revues de voile, j'ai toujours navigué un peu à travers les magazines ! Je croyais connaitre ! Quand j'ai commencé, je me suis aperçu que ce n'était que très virtuel. Depuis tout petit, cet univers me plait, m'attire, sans vraiment le connaître." Qu'allez-vous chercher dans la route du Rhum ? La victoire ? "Pas tout de suite ! La victoire, même si je ne vais pas cracher dessus si elle se présente, je ne pense pas que ça me concerne pour l'instant... C'est une première édition, première fois que je me présente sur une transatlantique en solitaire, c'est énorme, un gros pavé dans une vie, une carrière. Déjà bien réaliser cette transat’, bien me positionner dans le milieu de tableau, ce serait super ! Naviguer de manière honorable ; comme on dit : en bon marin !" C'est angoissant, la navigation en solitaire, même quand on s'appelle Jean Galfione ? "Je pense que c'est angoissant de toute façon pour tous les gens au moins pour la première fois ! Pour moi, la route du Rhum fait partie des compétitions mythiques : j'ai les mêmes sensations quand je vous en parle que lorsque j'ai participé à 3 Jeux Olympiques, une coupe de l'America... Là je vais me retrouver sur le départ de la route du Rhum : ce sont des moments mythiques et très forts dans l'histoire du sport. Je suis très fier et très heureux d'avoir cet objectif, cette vie-là." Quelles qualités communes ont un bon perchiste et un bon marin ? "Je pense que dans tous les univers, on peut transposer une qualité qui est l'organisation, la patience, savoir qu'on ne peut pas faire autrement, l'abnégation, savoir qu'il y a des moments difficiles, d'autres plus drôles, garder son sang-froid est très important... Quand je me blessais avant, je savais à quel point il fallait souffler, prendre sur soi et essayer de trouver la solution : c'est un peu pareil sur un bateau ! Maintenant, tout le reste n'a absolument rien à voir : dans l'effort, la concentration, c'est extrêmement complexe. On parle de réglage de voile, de réparation de moteur, de logiciel de météo, de navigation, faire de la com, savoir faire de la strat..." C'est beaucoup plus simple, la perche... "Oh oui, c'est beaucoup plus simple ! Les journées d'athlète sont beaucoup simples ! En plus, on est pas mal assistés, dorlotés... Le domaine de la voile, c'est pas ça : on se lève le matin, on bosse sur le bateau, et après on réfléchit à savoir ce qu'il faut faire pour le bonhomme... Tout en sachant que la condition physique est extrêmement importante aussi..." Vous avez ramené un bateau il y a quelques jours avec un équipier de choc avec Renaud Lavillénie : il s'en sort comment, le recordman mondial du saut à la perche ? "Oh, il n'était pas venu faire un test, juste me rendre visite ! Je lui ai dit : "Viens, on faire un tour en bateau !" Ca l'amusait d'être sur le bateau de course, de voir à quoi ça pouvait ressembler en condition un peu proche de la compétition... Il s'en sortait plutôt très bien, il était assez à l'aise sur le bateau, coordonné, il percutait assez vite à ce que je lui disais..." Mais il n'est pas encore meilleur que vous ? Contrairement à la perche où il a pris la première place... "J'ai une petite marge encore ! Je pense que je peux m'en sortir mais je dois prendre de l'avance s'il s'y met, on ne sait jamais..." Vous pensez qu'il peut aller encore plus haut de 6,16m ? Vous qui avez franchi 6m... Vous n'êtes pas nombreux... "Non, on n'est pas nombreux... Mais pour vous donner une notion, quand Sergueï Bubka fait 6,15m, il a sauté 44 fois plus de 6m ! Renaud, lui, c’était sa 7ème ou 8ème fois... C'est un type carrément hors norme ! Maintenant, je suis bien incapable de faire le moindre pronostic sur Renaud : j'en ai déjà fait, je me suis planté ! Donc je me tais ! Il va progresser, il n'y a aucune raison." Vous êtes fair play mais ça vous fait quelque chose qu'il saute plus haut que vous ? Ou vous arrivez à vous en réjouir à 100% ? "Honnêtement, quand on détient un record, on n'a pas envie de se faire battre, c'est normal ! Maintenant, ça dépend qui le bat... On sait, par principe, que c'est la règle du jeu, que tout record est fait pour être battu... Si mon record n'était pas battu un jour, ce serait dramatique pour la perche française, il n'y aurait pas d'évolution dans la discipline... Je suis très content que ce soit Renaud ! Oui, ça m'a touché : se faire détrôner, c'est comme un jeu ! En plus, entre Renaud et moi, c'est un vrai jeu : sur un meeting, quand il sait que j'ai le record, il le bat, c'est son objectif, il m'appelle tout de suite pour me taquiner... Ce n'est qu'un jeu, c'est tellement pas grave, il ne m'enlève rien du tout !" Vous n'avez pas pensé à le jeter par-dessus bord... "Non, je n'y ai pas pensé ! Mais maintenant que vous me le dites, il me reste 1 ou 2 records... J'aurais pu les préserver !" Pour finir : un conseil contre le mal de mer ? "Ah ! Bonne question ! On dit tout et n'importe quoi : les fameux 3 F ! La faim, le froid, la fatigue... Déjà lutter contre ces trois trucs, c'est pas mal ! Je ne sais pas, moi je l'ai parfois encore un peu et ça passe... Quand on ne l'a pas, c'est qu'on n'est pas normalement fait : donc il ne faut pas s'inquiéter ! Ça passe toujours."