Jean Lassalle, député MoDem des Pyrénées-Atlantiques, a parcouru 6.000 km à la rencontre des Français.
Ce matin à 7h45, Europe 1 recevait Jean Lassalle, député MoDem des Pyrénées-Atlantiques.
Elle ressemble à ce que vous imaginiez, cette France que vous avez rencontré ?
"Totalement, sauf que je l'ai trouvée encore plus résignée, sans espoir et sans futur. Nos compatriotes ne voient pas le futur. Ils disent : "Voyez dans quel état vous avez mis le pays". Il n'y a plus d'industrie, d'agriculture, un fils de paysan sur dix dit du bout des lèvres vouloir reprendre l'exploitation. Le monde rural se voit sans perspective à cause de toutes les transformations, ce n'est pas mieux pour le monde urbain, et vous connaissez l'état des banlieues même si elles ont été très rénovées. Il manque surtout la petite flamme, on ne sait plus qui on est. Par-dessus tout, une crise de mal-vivre, de perte d'identité, de destin commun."
Vous avez été le spectateur, vous qui est un acteur, un élu. Vous aviez besoin de ce Tour de France pour sentir tout ça ?
"Il y avait le besoin de sentir. Il y a une différence entre la discussion sur le marché ou dans la permanence... En 8 mois, je n'ai eu que trois demandes d'intervention personnelle. Personne ne m'a demandé pourquoi j'étais là. Ceux qui venaient savaient que je ne peux pas régler les problèmes. Ils voulaient me parler du pays, de sa situation, de leur futur."
Ils ont l'impression que les politiques ne les écoutent pas ?
"Totalement. Ils disent : vous ne nous écoutez pas, jamais, vous ne tenez jamais compte de nous. Vous prenez des décisions d'en haut que nous ne comprenons pas."
Quel aveu d'impuissance, de déconnexion des politiques. Il faut marcher 8 mois pour comprendre le pays. Député depuis 2002 : jusqu'à cette marche, vous ne saviez pas ce qui se passe dans le pays ?
"Si, je savais. C'est pour cela que je suis parti. Il arrive un moment où je ne pouvais plus faire ça, mettre la main devant les yeux, fermer les oreilles. Ce que j'ai ressenti, tout le monde le ressent. Pas forcément les députés, les élites comme disent les Français que j'ai trouvés... Nous sommes dans un changement de monde sans précédent, nous n'avons pas su trouver les moyens de l'expliquer."
Que faut-il faire pour reconnecter les politiques aux Français ?
"Si j'avais trouvé la clé en 6.000 km, je ne serais pas digne d'être devant vous. Je fais un constat, je vais le préparer, le remettre au Président dans deux mois. J'ai eu des dizaines de milliers de documents écrits par les Français."
Que faut-il faire en urgence ?
"Changer de ton, c'est ce qui revient le plus souvent. J'ai entendu que nous disons tous la même chose car nous avons fait les mêmes choix : libre concurrence, marché ouvert, l'Europe. Ce qu'il faut, c'est reprendre trois ou quatre dossiers essentiels et rouvrir dessus un vrai débat où l'ensemble des Français peut participer. Je crois que les Français souhaitent débattre ; mais pas comme on le fait depuis trente ans, pas en phase terminale d'un grand dossier où ils peuvent dire non comme sur le référendum, où finalement on a dit oui, ça a été très mal pris."
Comment allez-vous secouer vos collègues ? Certains disent que vous êtes démago...
"C'est normal. J'ai ouvert un débat, je ne prétends avoir trouvé les solutions. Je pose mon acte, la situation du pays m'interpelle. Je n'oblige personne, chacun fait bien son travail. J'ai posé un acte, j'attends ce qu'il va inspirer."
Vous croyez encore à la politique ?
"Plus que jamais. Je suis un petit enfant d'Athènes."