En 2005, le comédien et réalisateur Richard Berry a sauvé la vie de sa sœur, Marie, en lui donnant un de ses reins. Aujourd'hui, il a décidé de se mobiliser pour encourager d'autres donneurs à faire de même.
Ce matin à 7h45, Europe 1 recevait Richard Berry, comédien et réalisateur, il témoigne pour encourager le don de rein.
Ses principales déclarations :
Comment vit-on avec un rein au lieu de deux ? Ça change quoi ?
"C'est parce que vous me posez la question que j'y pense, sinon je n'y pense pas, jamais ! J'y ai pensé au début : c'est quelque chose qui a été parfois un peu particulier dans la tête, car dans le corps rien ne change ! C'est psychologique. Un jour, j'ai rencontré la fille de Françoise Dolto, Catherine Dolto. Elle m'a dit : "Tu dois faire le deuil de ton rein !" A partir de ce moment-là, dans ma tête, ça s'est fait. Aujourd'hui, si vous ne me posez pas la question, je n'y pense pas."
Votre sœur a eu deux greffes de rein : d'abord un rein de votre maman, et trente ans après un rein de vous. Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un frère quand on lui dit qu'il peut maintenant sauver sa sœur ? Pas évident à prendre comme décision...
"Non, mais j'ai été élevé dans cette culture ! Ma sœur a une maladie génétique de la naissance : j'ai grandi à côté de cette maladie, ce handicap. J'ai été extrêmement préparé à ça : quand j'ai vu ma mère le faire, j'avais à peine 18 ans ! C'était naturel, évident. Quand je me suis proposé, je ne voyais pas comment faire autrement. C'est peu à peu, à mesure que l'échéance approche, que ça devient plus difficile voire même très angoissant pour ne rien vous cacher..."
Au point de se dire qu'on va renoncer ?
"Ça ne m'a jamais traversé l'esprit ! En revanche, ce qui m'a traversé surtout l'esprit, c'est que je lui en voulais de plus en plus : ça m'énervait de plus en plus d'être obligé de faire ça ! Mais je l'aime : je n'aurais pas pu me regarder dans la glace si j'avais refusé. C'était impossible de refuser."
Il y a des procédures à suivre, de l'administratif... Vous avez dû passer devant le comité donneur vivant, devant un juge... Que vous a-t-on demandé ?
"On cherche à voir si vous êtes bien conscient, fort, si vous avez votre libre arbitre quand vous vous préparez à faire ce don. On vous pose un tas de questions, on vous avertit des conséquences. Le comité donneur vivant m'a dit : "M. Berry, vous êtes venu en moto : pensez-y, vous n'aurez plus qu'un rein, faites attention, la moto c'est dangereux..." Depuis, je ne fais plus de moto ! On vous prépare : les assurances sont un peu chiantes sur ce sujet-là, j'ai essayé de faire évoluer la législation en matière d'assurance. Quand on a donné un rein, on est en parfaite santé, on n'a pas à en subir les conséquences. Pour moi, l'étape la plus difficile c'est le juge : il vous pose une question assez difficile. Il vous demande si vous savez que vous pouvez mourir ! Il est obligé de poser la question. Vous dites oui..."
Ça vous fait douter sur le moment ?
"Non, parce qu'on pense toujours qu'on s'en sortira, que ça va bien se passer, mais franchement c'est lourd. Vous avez fait 6 ou 8 mois d'analyses dans tous les sens, on vous a dit que vous êtes en parfaite santé, qu'on peut vous opérer. La cerise sur le gâteau : vous acceptez l'idée de mourir ! Ça fait beaucoup pour un seul homme ! C'est quelques jours un peu difficiles à traverser..."
Vous avez un suivi médical ?
"Je n'ai aucun suivi médical, je ne prends aucun médicament ! Je suis en parfaite santé, comme tous les donneurs vivants. En fin de compte, on sait que la néphrectomie, on le sait depuis la guerre de 14 où il y a eu beaucoup de néphrectomies puisque des soldats avaient reçus des éclats, on sait que vivre avec un rein n'est pas un handicap."
Vous en avez voulu à votre sœur Marie au moment de passer sur le billard : ça vous a rapproché encore plus aujourd'hui ?
"J'aime profondément ma sœur ! J'ai toujours vécu comme une certaine culpabilité d'avoir été en bonne santé toute ma vie, d'avoir eu la chance d'accéder à tout et elle pas. Je suis même heureux, fier, et presque serein de la voir aujourd'hui vivre comme vous et moi. Presque comme vous et moi."
Comment va votre sœur ?
"Elle va de mieux en mieux ! Elle va très bien, elle a une vie quasiment normale, indépendamment des médicaments qu'elle peut prendre, qui ont parfois des petites conséquences sur son état de santé global. Comme tous les greffés, elle prend des immunosuppresseurs, de la cortisone, qui laissent quand même des petites traces à longue échéance. Mais rien à voir avec ce qu'était sa vie quand elle était en dialyse trois fois par semaine sans pouvoir boire une goutte d'eau car elle n'avait plus de reins, on les lui a supprimés il y a trente ans."
Que dites-vous à ceux qui vous écoutent, qui ont peur de donner un rein, du don d'organes ?
"Je dis que je les comprends ! Je comprends leur peur, je la respecte énormément. Mais je dis aussi qu'elle peut tellement sauver la vie de quelqu'un d'autre : ça mérite d'y réfléchir sérieusement ! Surtout, on se sent tellement grandi... Pour soi-même ! Pas du tout aux yeux des autres : je me fous de ce que les autres pensent de moi à ce propos. Mais pour moi, j'ai fait quelque chose, j'ai servi à quelque chose dans ma vie, indépendamment du fait d'avoir des enfants et que je fais toujours un métier que j'adore. Je pense que c'est quelque chose qui, dans mon secret, dans mon intimité personnelle, m'a grandi : ça vaut le parcours."