Michel Fize, sociologue et auteur de "Jeunesses à l'abandon", a livré sur Europe 1 son analyse des mouvements sociaux portés par la jeunesse.
Nuit debout, manifestations contre la loi Travail… La jeunesse est en colère, et elle l’exprime, depuis plusieurs semaines maintenant. "Nuit debout est présenté comme l’expression d’un grand malaise. Non, Nuit debout est l’expression d’un grand espoir", explique Michel Fize, sociologue et auteur de Jeunesses à l'abandon. "Ils tiennent le pavé parce qu’il y a eu cet événement-prétexte, la loi Travail, qui a donné l’opportunité de montrer le mécontentement. C’est quand même elle qui a fédéré toutes les énergies contestataires, notamment les jeunes, les étudiants, qui sont évidemment concernés."
"Il y a un énervement extrême". La colère prend des formes multiples. En témoignent, mardi matin, les rassemblements destinés à empêcher l’évacuation d’un lycée fermé et occupé par plus de 270 migrants. Une nouvelle fois, des heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre. "Il y a un énervement extrême. Je pense qu’on est les uns et les autres un petit peu sous tension, sur fond d’’état d’urgence", continue Michel Fize. "La vie est devenue, pour beaucoup de nos concitoyens, proprement insupportable. Se lever le matin, en ne sachant pas comment on va gérer la journée, comment on va nourrir les enfants, quel avenir on va dessiner pour eux et pour soi-même, c’est absolument épouvantable comme situation."
"Toutes les catégories de jeunes sont touchées". "Ce qui est d’ailleurs assez paradoxal, quand on regarde comment fonctionne Nuit debout, c’est qu’il y a des commissions sur tout, sauf sur la jeunesse. Cela prouve sa grande générosité", remarque-t-il. "Quand j’ai écrit ce livre, j’ai été surpris de voir à quel point les situations étaient comparables pour les jeunes partout dans le monde, et que toutes les catégories de jeunes sont aujourd’hui touchées, y compris les diplômés. Les printemps arabes, en particulier, ont été déclenchés par des jeunes diplômés chômeurs. Tout ça n’est pas entièrement nouveau", analyse le sociologue.
"Comme en mai 68". "Nous sommes dans un climat pré-révolutionnaire", se plaît à répéter Michel Fize depuis plusieurs jours. "Je maintiens. On sent bien, comme en 68, qu’il y a des tentatives de rapprochement des jeunes étudiants avec des jeunes ouvriers, des étudiants avec les salariés. Tout ça est un petit peu compliqué dans un monde individualisé, atomisé, où les collectifs sont défaillants et où chacun dans cette situation essaye de sauver sa peau, ce que je comprends", conclut-il.
Invité(s) : Michel FIZE, sociologue, chercheur au CNRS et auteur de Jeunesses à l'abandon (Ed. Mimésis)