Invité d’Europe Nuit, Michel Fize, auteur de "Radicalisation de la jeunesse. La montée des extrêmes", a tenté d’analyser la recrudescence d’adolescents radicalisés.
En dix jours, quatre adolescents âgés d’une quinzaine d’années ont été arrêtés en France. Tous utilisaient la messagerie cryptée Telegram et échangeaient avec Rachid Kassim, le djihadiste originaire de Roanne qui a dirigé, depuis la zone irako-syrienne, les attentats de Magnanville et de Saint-Etienne du Rouvray. Tous quatre étaient également prêts à passer à l'action sur le sol français, selon les messages interceptés par les enquêteurs.
"Ces jeunes sont déconnectés de notre monde". "C’est la preuve que malheureusement, ces jeunes sont déconnectés de notre monde, décrochés de quasiment toutes les structures", assure Michel Fize sur Europe 1. Pourtant, les profils semblent assez différents, en particulier celui d’Ibrahim M., interpellé mercredi matin dans le 20e arrondissement et décrit par ses voisins comme un très bon élève, fan de foot et "discret". "Ce n’est pas parce qu’on a 18 de moyenne qu’on a de bonnes communications en famille, qu’on ne s’interroge pas sur le sens de sa vie, sur son avenir. Cela ne prouve absolument rien", réagit le sociologue du CNRS, auteur de Radicalisation de la jeunesse. La montée des extrêmes.
"Les familles n'émettent plus de valeurs". "Ces jeunes sont en perte de sens, ils ne voient pas de cause à défendre car on ne leur en propose aucune et on leur fait miroiter un programme tout fabriqué : ‘engagez-vous, vous serez des martyrs’", continue Michel Fize, pour qui les causes de cette radicalisation sont nombreuses et anciennes. "On ne peut pas occulter la responsabilité de l’Etat, de l’économie, des familles", affirme-t-il. "Les familles n’émettent plus de valeurs parce qu’elles sont elles-mêmes en grande difficulté souvent : justice, tolérance, respect de l’autre, règlement pacifique des conflits, tout ça vole en éclat."
"Il est vain de vouloir les raisonner". Comment dès lors, lutter contre cette radicalisation dès le plus jeune âge ? "Il est vain de vouloir les raisonner, leur faire prendre conscience que tout ceci est une grande illusion. Je pense qu’il faut les reconnecter à notre monde, rétablir du lien familial, inventer une autre école, qui ne soit pas une école de l’échec massif", avance le sociologue qui conclut : "nous sommes coupables de ne pas permettre à ces jeunes de s’insérer dans cette société."