Hervé Chabalier nous parle ce matin du livre sulfureux, qui raconte comment une jeune mannequin a vécu, de l'intérieur, la dictature de la maigreur.
Ce livre est hallucinant. Cette jeune fille qui a aujourd'hui 23 ans s'appelle Victoire Maçon Dauxerre, elle faisait partie en 2011 des mannequins les plus demandés. Son livre a pour titre "Jamais assez maigre, journal d'un top model". Elle appartenait à l'écurie de l'agence Elite, qui exigeait des belles, rachitiques, mais élancées. A 18 ans, Victoire pesait 47 kilos pour 178cm, rentrait dans du 34, voire du 32. Elle a malmené son corps jour après jour. Son rêve ? Les podiums, les photos de mode, la pub. Elle l'a réalisé. Mais à quel prix ? Trois pommes par jour, en cas de fringale elle croquait des glaçons, "ça calme la tripe", lui disaient ses mentors de l'époque. Certaines de ses copines mangeaient même de petites serviettes en papier histoire de tromper la faim. Résultat : perte des cheveux, hypertension, et squelette d'une dame de soixante-dix ans. Mais peu importe, Victoire satisfaisait les créateurs de mode qui la prenaient pour un cintre. Pas de fesses, pas de seins, et au bout du compte, une tentative de suicide.
Heureusement, tous les mannequins ne vivent pas ce calvaire. Mais toutes font d'énormes sacrifices et sont menacées d'anorexie mentale. Le métier, avec ses canons, donne le La. Karl Lagerfeld, avec une morgue incensée, déclare "que l'on s'occupe des 25% de jeunes filles françaises en surpoids d'abord, et qu'on nous laisse tranquille pour les 2% d'anorexiques". Après tout, elles l'ont bien voulu, personne ne les a obligées à se pavaner sur un podium. Mais ces brindilles n'ont plus de repères, et beaucoup d'entre elles se cassent. L'une d'elle affirme pourtant : "l'anorexie vous donne un sentiment de puissance". Dans la maigreur, il y a aussi des tendances. Avant, le nec plus ultra, c'était les clavicules bien visibles et saillantes, maintenant, il faut être suffisamment décharnée pour qu'il y ait un espace entre les cuisses. Des milliers de jeunes filles font de ces codes l'obsession de leur corps.
En décembre dernier, le Parlement a adopté une loi pour que tous ces excès soient interdits. Comment ? en imposant un certificat médical qui déterminera si l'état de santé du mannequin est compatible avec le métier ou non, en se basant sur l'IMC. L'IMC, c'est le rapport taille/poids. Autant dire que les affameurs pourront poursuivre leur maltraitance tranquillement. Ils risquent dix mois de prisons et 75 000 euros d'amende, mais, ces sanctions seront-elles vraiment appliquées ? Il y a des pays où l'on interdit aux mannequins squelettiques de défiler. En Italie, en Belgique ou encore au Chili. En France, c'est moins sévère : les parlementaires ont estimé que la maigreur constituait une discrimination à l'embauche. Autant dire que la conneries n'a pas de limite ...
Pour l'homme, pour la femme, pour les animaux, pour la flore : tout ce qui est contre-nature doit être combattu, et la bêtise, en premier lieu.