Hervé Chabalier, journaliste, revient sur l'addiction de notre agriculture aux pesticides.
WB : Vous avez été interpellé par les nombreuses études qui pointent les méfaits des pesticides...
HC : C'est le combat de David contre Goliath, tant les intérêts financiers passent par-dessus les considérations de santé publique. On sait pertinemment que les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, que les épandages de ces produits ont un impact sur la santé de la plante, mais peuvent aussi provoquer la mort des agriculteurs... et des consommateurs.
Que se passe-t-il concrètement ?
Prenez une région céréalière, viticole ou horticole : les produits doivent avoir bonne mine et être les plus productifs possibles, afin de s'imposer sur un marché où la quantité prime sur la qualité. C'est comme ça... alors on y va. Épandages près des habitations et des écoles, riverains obligés de fermer les fenêtres en pleine campagne, instituteurs qui privent de récréation les enfants... Quand "l'orage" des pesticides passe, il faut bien éviter de le prendre en pleine face. Mais après, les poussières restent au sol. Les plus fragiles sont donc les plus petits d'entre nous, qui marchent à quatre pattes et se lèchent les doigts. C'est "bon" le pesticide...
Le pire c'est que la France caracole en tête de ces poisons !
70 000 tonnes utilisées chaque année. En France, 5,4 kilos de pesticides sont pulvérisés par hectare cultivé, contre 3 kilos en moyenne dans les autres pays. Le problème, c'est que cette pratique peut provoquer des cancers de la prostate, augmente le risque de développer la maladie de Parkinson et attaque le système immunitaire, entre autres. Les agriculteurs sont les premières victimes, mais les consommateurs "morflent" aussi. Sur 30 salades achetées au hasard, plus de la moitié comportaient des perturbateurs endocriniens.
Pourquoi n'arrête-t-on pas cette spirale ?
La première raison est historique. A la sortie de la deuxième guerre mondiale, la peur du manque était grande. La priorité était à l'abondance, afin de nourrir, nourrir, nourrir... et peu importe comment ! La seconde raison : le profit, encore et toujours. Pour l'agrochimie et l'industrie alimentaire ce fut une aubaine. Aujourd'hui, les agriculteurs ne savent pas faire sans ces "poudres de perlimpinpin", mais ne s'en sortent pas mieux pour autant financièrement.
Sans aucune certitude, on peut espérer qu'un jour l'Homme s'accordera avec la Nature et arrêtera de vouloir la dominer.