Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.
Dans la presse ce matin, la banlieue et le discours d’Emmanuel Macron
"C’est un changement de méthode" résume Ouest-France "Macron privilégie le verbe", ajoute La Croix. Libération fustige un "Macron plan-plan", Le Parisien parle d’une "opération enfouissement", "N’est ce qu’un discours de plus ?", s’interroge le Télégramme.
"Pas d’horizon, pas d’objectif, pas un sou, énumère Yann Marec dans Midi Libre, une vraie "coquille vide." Bref, "Macron cherche encore sa politique", juge le Figaro qui, semble-t-il, a bien du mal à suivre la "pensée complexe". "Quel est donc le message du chef de l’Etat, questionne Guillaume Tabard, quand il dénonce les grands discours tout en faisant un monologue d’une heure 40 ? Quand il raille les "mâles blancs qui font des plans" alors qu’il en a lui-même demandé un à Jean-Louis Borloo (…) Maladresse, paradoxe, contradiction ?" Réponse de Dominique Seux dans les Echos : "it’s the economy, stupid", "c’est l’économie, imbécile". "Autrement dit, Macron parie que le succès global de sa politique profitera aussi, in fine, aux habitants des banlieues. C’est un peu court, note l’éditorialiste, mais il faudra le prendre au pied de la lettre." Les Echos qui affichent ce matin le même titre en Une que l’Opinion, et préfèrent retenir "l’appel de Macron aux entreprises". "Il a raison de ne pas tomber dans le piège des élus qui réclament des subsides", se réjouit Cyrille Lachèvre dans son édito. "Tout ça est petit bras", lui répond une page plus loin l’ancien maire de Sevran, Stéphane Gatignon, "30 000 stages de 3ème, c’est bien, dit-il, mais ça ne fait pas une politique." Et l’élu de manifester son incompréhension : "Macron correspond à ce qu’est la banlieue : jeune, pragmatique, et libérale, mais être libéral, c’est aider les entrepreneurs. Pourquoi ne pas avoir créé une exonération de charges pour permettre aux petits commerces de survivre et sortir du travail au noir ? De même, on ne sortira pas des trafics de drogue sans débat sur la légalisation du cannabis. Quitte à être libéral, lance-t-il, il faut l’être franchement !". Voilà, déception, incompréhension et petite leçon de libéralisme à lire donc dans l’Opinion.
Des analyses qui font écho aux autres titres ce matin qui pour beaucoup parlent justement des banlieues.
Par exemple, la Une de l’Union de Reims, sur "des coups de feux dans le quartier de la Croix-Rouge, pour la troisième fois en une semaine" Retour aussi, dans La République des Pyrénées sur "le drame de Saragosse", ce quartier de Pau où un homme de 32 ans a été battu à mort en pleine journée. Et puis, à Marseille, le quartier de la Busserine, encore sous le choc nous dit La Provence après la "descente d’un commando armé". Une "affaire d’Etat" titre le journal dans l’édito duquel François Tonneau ironise : "fidèle à sa culture du contre-pied, Marseille livre un western moderne aux réseaux sociaux pendant qu’Emmanuel Macron présente son plan banlieue. Pardon, dit-il, le président c’est vrai ne veut plus de plan, ce qui ne l’empêche pas d’exprimer, entre guillemets, son "extrême inquiétude" face aux violences. Au même moment, Gérard Collomb précipite un communiqué pour annoncer 60 policiers en plus en janvier. Un chiffre tronqué, déjà annoncé plusieurs fois. Cruelle réalité, conclue La Provence, les gouvernements successifs essayent de ne pas montrer qu’ils improvisent. Mais à la Busserine comme ailleurs, les habitants, eux, se terrent avec fatalisme."
Fatalistes aussi mais pour d’autres raisons, ces jeunes recalés par Parcoursup dont on trouve les témoignages dans Le Parisien.
Reportage de Christel Brigaudeau au lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. "Les yeux rivés sur l’ordinateur de la salle d’étude, Marouane, en terminale S, est abattu : 9 choix tous en attente, et des demandes pour des prépas carrément refusées, écrit le journal.
"Cruelle désillusion aussi pour Nesrine et Saliha qui font face au même verdict "refusé" ou "en attente". Mêmes les six cracks du lycée qui visaient Science-Po sont recalés, seule une élève a reçu des propositions qui l’intéressent. "Vous êtes de bons élèves, vous êtes surement bien placés sur les listes d’attentes", leur lance le prof, essayant en vain de consoler des élèves qui accusent le coup, conclu la journaliste, dans un silence poli mais lourd". Reportage à lire dans Aujourd’hui-en-France dont le supplément contraste avec tout ce que je viens de vous lire : puisqu’il propose un "palmarès des villes d’Ile-de-France où il fait bon être parent". Sans grande surprise : Versailles, Boulogne Billancourt, Neuilly, Saint-Germain-en-Laye ou encore Enghien et Fontainebleau, autrement dit, l’autre banlieue, celle "qui est sûre, dynamique" et où le revenu médian annuel, précise le journal, est de 30.000 euros.
Enfin, loin de tout "esprit chagrin", plusieurs publications vous invitent à penser "vacances et loisirs".
Oui, "loisir", catégorie jardinage pour le Figaroscope et son numéro spécial pour "cultiver son jardin à Paris". Parce "qu’avec les beaux jours, écrit le journal, les citadins que nous sommes se souviennent qu’il est agréable et régénérant de cultiver son petit lopin de jardin partagé ou de fleurir son balcon". Voilà, cinq pages d’idées pour, comme l’écrit Olivier Delcroix dans son édito, "mettre les mains dans la terre et sentir la rosée sur ses avant-bras". L’express, lui, propose un hors-série de 60 pages intitulé "désir d’été", "le guide de vos vacances en France". Vacances également en Une du Parisien qui s’adresse aux "69% de français qui prévoient de partir en voyage cet été". Dans la sélection : la Corse, les Landes mais aussi Malte, Portugal et Crète. Enfin, un mot sur une nouvelle revue, un trimestriel qui s’appelle L’âme des lieux. Son ambition : répondre à la frustration qui veut que "la vie soit courte et le monde bien vaste", affirment Stéphanie Tisserond et Jean-Paul Arif. "Et ça commence, disent-ils, par la lecture". Reportage donc, dans "ces lieux qui rendent heureux" : c’est assez large, ça va du Danemark aux ruines de Tipasa en Algérie dont Albert Camus célébrait la "lumière". On trouve aussi beaucoup de cartes et de données très éclairantes, sur la Corée du Nord par exemple, la Russie, l’Autriche ou le Mali. Des quizz, des recettes, des idées de balades. Ça s’appelle l’Ame des Lieux.
Point de banlieues dans tous ces lieux, mais beaucoup de plans, et des articles instructifs et dépaysants, y compris et surtout pour ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir partir en vacances.