Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.
En kiosque ce matin, le visage d’Emmanuel Macron.
Surprenant en couverture de Society, bouche ouverte et presque en train de loucher, "en marge ! Un an au pays de Macron". Élégant et en mode tapis rouge en Une de Paris Match, photo prise à la Maison-Blanche et ce titre : "An 2, en France, le défi des réformes". On le retrouve mi-pensif mi-narquois en couverture de L’Express : "Macron l’accrobate" et cette drôle de phrase, "le président n’a pas révélé sa vraie nature". La "nature" du macronisme pose visiblement question à l’Express, en revanche, à regarder le sondage publié par Challenges, qui fait également sa Une sur Emmanuel Macron, pour les français, il n’y pas de mystère. "Selon vous, à quoi correspond la politique économique du président depuis un an ?". À une politique "favorable aux entreprises", pour 70% des sondés. À une politique plutôt de droite, pour 69%. A une politique socialement juste ? C’est "non" pour 72% des personnes interrogés. De même, 80% des sondés jugent que "les chefs d’entreprise" sont avantagés par les mesures prises depuis un an. Là où sont désignés désavantagés par plus de 60% des sondés, les chômeurs, salariés du public, jeunes, ouvriers et les retraités.
Bilan de ce que l’édito de Challenges appelle un an "de frustration".
Et puis, ce qui suscite le plus de réactions ce matin, c’est la couverture de l’édition américaine du magazine Forbes.
Emmanuel Macron, sourire jusqu’aux oreilles et ce titre, "leader of the free markets", "chef de file des marchés libres". Et d’annoncer la fin de l’exit tax, un impôt mis en place par Nicolas Sarkozy en 2011 pour éviter les délocalisations fiscales. "Un pavé dans la mare", d’après Les Échos.
"Une nouvelle fleur aux plus riches", pour l’Humanité. "Une décision critiquée à gauche comme à droite", note le Figaro. Même le quotidien libéral l’Opinion s’en étonne, "il prend le contre-pied de ce qu’il affirmait il y a moins d’un mois sur TF1 : "les riches n’ont pas besoin de président", rappelle la journaliste Jade Grandin de l’Eprevier… qui note que, de toute façon, cette taxe avait un « rendement faible pour les finances publiques", 100 à 200 millions d’euros par an. Comprendre, "ça ne change pas grand-chose". Ça change rien mais curieusement, d’après un avocat fiscaliste, toujours dans l’Opinion "c’est quand même une très bonne nouvelle". Résumé en Une du Huffington Post : "Macron fait ce qu’il dit ! Et c’est bien le problème". Ou comment aggraver la fracture décrite par le sondage du Magazine Challenges.
Une fracture que plusieurs dossiers viennent illustrer ce matin, notamment dans la presse régionale.
Par exemple celui de Midi Libre sur "les petits patrons, de plus en plus sous pression".
D’après un sondage Opinon Way, "ils sont 59% en Occitanie à se plaindre d’une surcharge de travail dans leur PME ou TPE, et 30% se sentent contraints de rester mobilisés de façon excessive pour faire tourner l’entreprise. Inquiétude financière, mais aussi fatigue, stress, lassitude, difficulté croissante à concilier vie de famille et professionnelle". On parle, rappelle l’article de Midi Libre, "de petits patrons qui travaillent 16h par jour et 365 jours par an". Autant dire cette autre forme de "premiers de cordée" que l’exit tax ne concerne pas. Et puis, en Une du Parisien, photo de Bruno le Maire, et ce titre "le plan du gouvernement pour notre épargne". Comment donner aux Français l’envie d’investir dans des sociétés plutôt que dans des assurances-vie. Bon. On ne vous cache pas qu’avant de juger trop vite cette interview de Bruno Le Maire, j’ai quand même fait appel à un professionnel, Axel de Tarlé, qui comme moi l’a lu deux fois. Verdict : en termes de mesures, rien de nouveau, rien tout court. Merci Axel. D’ailleurs, ce ne sont pas tant les mesures que le constat qu’on vous martèle, "pour relancer l’économie, il faut, comme l’écrit Stéphane Albouy dans son édito, délier nos sacro-saints bas de laine". Encore faut-il en avoir. Et c’est ce qui saute aux yeux en lisant le micro-trottoir réalisé par Le Parisien : "êtes-vous prêt à prendre des risques avec votre épargne ?". "Non, parce que je n’en ai pas beaucoup, répond Marie-Renée, 76 ans, je touche une petite retraite d’enseignante". Même réponse d’Alexandre, 19 ans : "pas assez d’argent".
Non aussi pour Marie, 28 ans, chef de produit ou encore Christophe, 33 ans, directeur de l’innovation dans une entreprise à Marmande. Seul Elhadj, 33 ans, répond que "oui, prendre des risques, c’est bon pour l’économie". Et pour cause, il travaille dans la finance. Sinon, pour mieux comprendre pourquoi une bonne partie des français ne peuvent pas investir, eh bien il y a le numéro du Parisien d’hier sur le pouvoir d’achat, et "la reprise qui se fait attendre dans le porte-monnaie".
L’autre titre ce matin, c’est ce rapport de l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé sur la pollution.
"La pollution de l’air aux particules fines fait sept millions de morts par an", titre Le Monde, qui précise que c’est plus que le nombre de victime du sida, de la tuberculose, du diabète et des accidents de la route. Les zones les plus touchées étant l’Inde, la Chine, l’Asie du sud-est en général et l’Afrique. Le Courrier de l’Ouest fait aussi sa Une sur "cet air très pollué que nous respirons" et le site The Conversation note que "92% de la population urbaine mondiale est concernée". Et puis il y a ce reportage dans l’hebdomadaire Vraiment sur Marseille, qui essaye de lutter contre "la pollution venue de la mer", celle des paquebots, ferry et autres cargos dont le trafic grandissant étouffe les habitants. "Un paquebot amarré au port pollue autant que 10.000 véhicules faisant le trajet Aix/Marseille", écrit Fériel Alouti. "Alors, pour y remédier et essayer de rendre ces navires plus verts, les professionnels misent sur des solutions technologiques. Parmi les pistes les plus prometteuses, le raccordement électrique, autrement dit alimenter les navires avec le réseau EDF sans faire tourner les moteurs. C’est ce qui a été testé sur trois bateaux de la compagnie La Méridionale, avec succès, explique le magazine, même si l’opération a demandé cinq millions d’euros d’investissement. En revanche, cette technique a ses limites : pour les paquebots de croisières, la puissance électrique nécessaire est largement supérieure, 10 fois plus que pour un navire de la Méridionale. Autres solutions : le GNL, le Gaz naturel liquéfié, qui réduit nettement les émissions dans l’air par rapport au fioul lourd, ou encore l’installation de filtres à fumée sur les cheminées".
Voilà, quelques pistes pour sauver l’air de la Bonne Mère, à lire dans le magazine Vraiment.
Sinon, il y a aussi cette autre piste plus radicale proposée dans la revue Socialter par l’ingénieur et spécialiste des ressources non-renouvelables, Philippe Bihouix : "la frugalité", autrement dit, consommer moins pour extraire moins, moins de pétrole, moins de gaz, moins d’uranium, moins aussi de ces métaux rares qui servent à faire les batterie de voitures électriques, les portables et autres éoliennes, platine, nickel, zinc, cuivre, cobalt. On en sentirait les effets du port de Marseille aux décharges géantes de Nairobi. De la vallée de l’Arve aux plages polluées de Thaïlande.
C’est pas très "leader of the free markets", mais c’est, comme le résume le rédacteur en chef de Socialter appelle dans son édito, "le réalisme des humbles".