Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.
Ce matin, dans les kiosques, il y aura un magazine en moins, celui dont vous nous parliez hier : l’hebdomadaire Vraiment.
Après huit numéros, "il faut bien prendre acte de la situation", c’est Julien Mendez, l’éditeur de Vraiment qui le dit au Figaro, "on ne peut plus mener ce projet comme nous l’avions prévu".
Effectivement, ce qui était prévu c’était de vendre 40 000 exemplaires par semaine, là où ils stagnent à 5.000 actuellement. Comme le résume le Figaro "Vraiment n’a pas trouvé son public".
Pourtant, c’est pas faute d’avoir proposé des articles de qualité. Nous vous parlions ce mercredi du sujet sur "l’art de la conversation", dans le dernier numéro, on trouve aussi cette interview croisée, à Bordeaux, sur la "mémoire occultée de l’esclavage" : conversation entre la lointaine descendante d’un négrier et un militant de la mémoire retrouvée.
On y parle d’éducation, de transmission, de notre histoire. Du rôle de la puissance publique pour enseigner, et organiser le vivre ensemble.
En ce 10 mai, journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage, Vraiment est la seule publication (à part Presse Océan) à aborder le sujet.
Mais voilà, la formule proposée par le magazine n’a pas pris.
Trop mesuré peut-être, ou en tout cas, pas assez polémique, pas assez tape-à-l’œil par rapport à ce qu’on peut trouver dans les kiosques.
Cette semaine par exemple, L’Obs fait sa Une avec cette question provoc’ : "Bible et Coran, faut-il les réécrire ?",
Marianne en propose une autre avec une photo d’Emmanuel Macron : "pourquoi il aime les très riches".
Effectivement, ça interpelle un peu plus.
Comme ce portrait en couverture de Tecknikart : Marion Cottillard qui essuie le coin de sa bouche entrouverte avec son pouce. Ou Isabelle Adjani et sa cuisse gauche relevée en Une de Match, ou Cate Blanchett que l’on devine nue en couverture de Télérama, "devine" parce qu’on ne voit que son buste, donc peut être qu’en fait elle est habillée. Enfin toujours est-il que Javier Bardem, Roman Polanski et Vincent Lindon n’ont, curieusement, pas fait des Unes comme ça pour nous parler du festival de Cannes.
Moins suggestif, Le Point fait sa couverture cette semaine sur le cerveau.
"Encore", on a envie de vous dire, puisqu’on avait déjà eu en novembre "que faut-il apprendre ?" et en janvier "comment muscler sa mémoire". Cette fois c’est "comment apprendre vite et mieux". Et on s’intéresse surtout au cerveau des jeunes.
Alors quelques conseils. D’abord : jouer ! En particulier à des jeux de sociétés, comme la Bonne Paye nous dit Le Point, qui aide à compter.
Autres suggestions : apprendre par cœur, des poèmes ou des chansons.
"Bien nourrir son cerveau", autrement dit "manger des légumes verts".
Apprendre une langue étrangère, maitriser un instrument de musique ou encore dormir.
Ça c’est dans Le Point, mais Le Particulier Santé ajoute un autre conseil : "pratiquer une activité physique", d’après le magazine, faire du sport tout au long de la vie diminuerait de 33% les risques de démence.
Enfin, pour compléter cette pelletée de conseils, vous pouvez lire le dernier numéro de la revue Sciences Humaines, sur l’intelligence de l’enfant. Notamment cet article, au titre volontairement provocateur : "comment rendre un enfant stupide". Où l’on aborde le phénomène de surprotection des enfants. "Parce que ce qui est fondamental pour le développement de l’intelligence, c’est l’action, explique Josette Serres, ingénieure au CNRS, or, nos enfants bougent de moins en moins, on veut protéger, empêcher qu’ils se fassent mal, on leur demande de ne pas remuer, autrement dit, on leur donne moins d’opportunités d’expérimenter et d’explorer".
Autre mauvais pli parental : vouloir épargner toute difficulté à l’enfant, résoudre les problèmes à sa place, pourtant, c’est aussi en se heurtant à des difficultés qu’on apprend.
Un article passionnant qui retourne deux ou trois idées reçues sur la question de savoir comment aider son enfant. À lire donc dans la revue Sciences Humaines.
Et puis, les autres titres, du côté des quotidiens cette fois : le traité sur le nucléaire iranien et la mort de Naomi.
D’abord l’Iran et Donald Trump en Une de Libération et le Figaro, qui ont tous les deux été pris de court par les évènements de la nuit intervenus après leur bouclage. Ils analysent donc l’enjeu de la crise pour les européens.
Et puis l’autre sujet brulant, le décès de Naomi, qu’on retrouve très largement avec un jour de retard.
"L’indignation", en Une du Républicain Lorrain,
"Le choc" pour les Dernières Nouvelles d’Alsace,
"On l’a laissé mourir !", titre le Courrier Picard,
Le Parisien explique que le "cas de Naomi n’est pas isolé", témoignages de Gilles et Dominique, victimes de fin de non-recevoir en appelant le 15.
Et puis Le Bien Public a interrogé le responsable du Samu à Dijon qui met en avant la démultiplication des appels : 730 en moyenne par jour et une activité qui a augmenté de 25% en cinq ans. "Sachant, dit-il, que certains patients sont compliqués à gérer, ils appellent jusqu’à 50 fois par jour".
De quoi faire bondir Patrice Chabanet dans l’édito du Journal de la Haute Marne : "rien ne peut excuser la bassesse, la cruauté et l’incompétence des opératrices dans leur ultime dialogue avec Naomi, rien ne peut l’excuser, ni le stress, ni la charge de travail (…) bien sûr, en tirant le fil des explications, on parvient vite à la situation tendue que connaissent les hôpitaux, dit-il, mais ça ne pourra jamais justifier une initiative personnelle ignoble".
Enfin, on en parlait tout à l’heure avec Hélène Jouan, cet entretien en Une du Monde avec Daniel Cordier, 97 ans et figure de la France Libre.
Oui, il raconte sur deux pages, ce que le journaliste Thomas Wieder décrit comme "son destin singulier dans un siècle de tumulte".
Il y a son enfance à Bordeaux, dans une famille d’extrême droite, où l’on admire Maurras et où lui-même adolescent vend dans la rue la revue royaliste l’Action Française. Ce 19 juin 40 où il prend connaissance de l’appel de De Gaulle et "file à Londres parce que la défaite lui était insupportable".
Il y aussi son parachutage en France en 42, avec pour mission de contacter un certain Rex à Lyon, Jean Moulin dont il sera le secrétaire pendant un an. Une guerre qui l’a transformé, "parce que non seulement j’étais royaliste, dit-il, mais j’étais aussi férocement antisémite et vous savez, il y a des choses qui vous marque à vie. C’était à Paris, en 43, sur les Champs-Élysées, j’ai croisé un homme et son enfant, bien habillés, remontant vers l’Arc de Triomphe. Ils avaient le mot juif et l’étoile jaune cousu sur leur veste. En vous le racontant aujourd’hui, j’ai envie de pleurer, tellement ça a été un choc, dit-il au Monde, Tout à coup je me suis dit : mais pourquoi ? Pourquoi ? Je ne sais pas comment vous dire mais ça a brisé d’un coup mon antisémitisme. C’était abominable".
Daniel Cordier qui ne comprend pas le retour en Europe de l’antisémitisme, "parce qu’après la guerre, dit-il, nous pensions que c’était fini, que ça ne reviendrait jamais plus".
Malgré cela, vous restez optimiste ? lui demande Thomas Wieder.
"Oui, conclu Daniel Cordier, il faut rester optimiste ! L’Histoire des hommes, ça va, ça vient, je ne crois pas que c’était mieux ou pire avant, mais ce qui sûr, c’est que, même quand tout parait bouché, il peut rester un espoir".
Voilà, c’est à lire dans le Monde, c’est ni polémique, ni tape-à-l’œil, mais ça donne assurément de quoi muscler son cerveau et sa mémoire.