Natacha Polony, La Revue de presse 01.03.2016 1280x640 7:01
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La presse quotidienne revient ce mardi la reculade du gouvernement sur la loi El Khomri.

Ce matin en Une de vos journaux on commente beaucoup la valse hésitation :
La Nouvelle République : Loi travail : reculade gouvernementale.
Les Echos : Loi sur le travail : ce que Valls va devoir changer.

Mais le visage du jour est rond et surmonté d’une improbable mèche jaune.
Le Figaro : Cette Amérique qui vote Trump.
Le Parisien : Elections américaines : Et si c’était lui ?
Le Monde : Etats Unis : Trump et Clinton favoris pour le super Tuesday.
Libération : Vers un nouveau New Deal.

Primaire américaine

Le titre de l’éditorial du Figaro a de quoi étonner : Trump, lanceur d’alerte. Ce n’est pas exactement l’image qu’on a de lui et d’ailleurs Arnaud de La Grange le concède volontiers mais, "à Washington, on a fini de rire. Si le trublion provocateur continue ses célèbres mimiques, ses rivaux font la grimace". Pourquoi ? Parce qu’en l’écoutant, les élites et le peuple n’ont pas la même oreille. Et dans cette notion de peuple, Arnaud de La Grange inclue les classes moyennes. Alors lanceur d’alerte, parce que "aux élites politiques européennes il vient rappeler qu’il est dangereux d’oublier la langue de ceux dont elles appellent le vote". Le journal souligne à quel point le milliardaire n’est pas du tout aussi libéral qu’on pourrait le croire. Rien à voir avec un Ronald Reagan. Délirantes ou pas, les solutions qu’il prône sont protectionnistes et interventionnistes. Elles s’opposent au consensus libre échangiste qui part du principe que les constructeurs automobiles pourraient faire fabriquer leurs voitures au Mexique en réservant les emplois à haute valeur ajoutée aux États-Unis. La direction du parti républicain tremble. D’autant qu’en face, nous explique Libération, Bernie Sanders a imposé un débat sur le Smic. De quoi changer la vie de ces employés de fast food comme Stéphanie, 26 ans qui lance, fataliste : "si les choses ne changent pas, je travaillerai jusqu’à ma mort". A lire la presse ce matin, c’est pourtant Hillary Clinton qui voit ses chances multipliées par l’éventualité d’un duel avec Trump. Dans Le Monde, une tribune de John McArthur nous la décrit pourtant en égérie des milieux financiers, multipliant les conflits d’intérêts, partagée entre un néo libéralisme et un interventionnisme militaire. Qu’ils soient à droite ou à gauche, à la fin, ce ne sont pas les candidats protestataires qui gagnent.

Contestation, élites et peuple

Finalement, la plus formidable analyse de la situation, aux États-Unis comme en Europe, on la trouve sur un petit site appelé le Comptoir, dans un très long entretien avec le philosophe Jean-Claude Michéa. Destruction de la culture populaire par l’uniformisation des modes de vie qu’implique la société de consommation, dissolution des liens sociaux, alternance unique entre l’aile gauche et l’aile droite du château libéral, le philosophe décrit avec une précision chirurgicale le capitalisme du futur, croisement de technologies modernes et de libéralisme économique. Une dénonciation du dogme progressiste selon lequel tout pas en avant constituerait toujours un pas dans la bonne direction, dogme qui, selon lui, pousse à la colère et au désespoir des populations mises en concurrence permanente conformément au principe libéral d’extension du domaine de la lutte. Voilà qui ressemble fort à une analyse du phénomène Trump comme conséquence monstrueuse de la colère. Trump aux États-Unis ou ses jumeaux européens.

Combat pour le savoir

Ce n’est pas sans lien, c’est dans l’Humanité qu’on trouve une pleine page pour dénoncer la disparition des heures de latin dans le cadre de la réforme du collège. Car même si la ministre avance qu’aucune discipline ne perdra d’heures, le journal rend compte des calculs de l’association Arrête ton char qui démontre que 950.000 heures annuelles de latin sont en passe de partir en fumée. Et si c’est l’Humanité qui porte ce combat, c’est bien parce qu’il ne concerne pas seulement les enfants de cadres des collèges de centre-ville. C’est au contraire, nous dit le professeur d’un petit collège rural en éducation prioritaire, pour les élèves en échec que les langues anciennes sont une chance.

Cinéma et censure

Le Parisien consacre à nouveau une pleine page à cette association, promouvoir, qui entend revenir sur le classement tout public de films contenant des scènes d’ultra violence de sexe. Le journal explique que pour répondre aux victoires juridiques de l’association, le ministère de la culture suggère un lifting du code du cinéma qui prendrait davantage en compte la notion d’œuvre et ne se fonderait plus sur l’idée d’actes sexuels non simulés. Hasard ou non, La Croix parle aussi de cinéma. Mais pour nous expliquer que l’OMS demande dans un rapport l’interdiction aux mineurs des films où l’on voit des acteurs fumer. Le rapport rappelle bien sûr la stratégie des fabricants de tabac qui ont commencé, dès les années 30, à payer l’industrie du cinéma pour du placement de produits. Le soupçon serait que ces pratiques perdurent secrètement. La députée socialiste Michèle Delaunay dénonce le fait que des scènes de tabagisme soient présentes dans 80 % des films français. La notion de protection des mineurs est visiblement à géométrie variable.

High Tech en Israël

Les Echos s’intéressent à une étonnante particularité de la société israélienne. Lors de la fondation du pays, il a été concédé aux religieux ultraorthodoxes de la communauté haredi, les hommes en noir, le droit de ne pas se soumettre aux programmes scolaires ni au service militaire. Ils étudient toute la journée la Torah et vivent dans une extrême pauvreté, soutenus par des aides sociales. Il s’agissait à l’origine de préserver la culture d’une communauté éradiquée par la Shoah. Aujourd’hui pourtant, certains trouvent un emploi, les startups de Tel Aviv s’intéressent à eux. Ces hommes, explique un jeune patron, ont développé une telle agilité d’esprit grâce à l’étude des textes talmudiques qu’ils assimilent très vite et sont surtout capable de penser hors du cadre. Il leur faut bien sûr tout apprendre puisque dans leurs écoles on n’enseigne pas les matières profanes, anglais, mathématiques. Et puis, les femmes travaillent à peine et ont en moyenne six enfants. L’ultra modernité s’accommode finalement assez bien de cette forme de radicalité.

 

En cette période de crise du porc breton, Libération se lance dans une ode au pâté Hénaff. Deux pages pour nous raconter l’épopée de ce monument français porteur d’émotion pour un monde insoupçonnable de personnes. Le patron raconte par exemple que des consommateurs écrivent pour demander si l’on peut mettre une bague de fiançailles dans une boite ou pour raconter qu’à leur mariage chaque invité en a reçu une. Un autre, pour ses 25 ans, a demandé à Hénaff d’être partenaire officiel de son anniversaire. Il a reçu un grand carton de 100 boites. "Il n’y a pas de demi-mesure dans le pâté Hénaff, il y a ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas". Ça s’appelle la culture populaire.