La presse quotidienne revient évidemment ce matin sur les attentats de Paris de ce week-end avec le recueillement et l'hommage aux victimes.
Ce matin en Une de vos journaux, il y a les mots qui unissent :
L’Humanité : Solidaires contre la terreur.
La Charente Libre : En résistance.
Et puis les hebdomadaires qui publient des numéros spéciaux :
Le Point, avec ses rescapés s’embrassant douloureusement : Notre guerre.
L’Obs dont le O reprend ce dessin apparu hier d’une Tour Eiffel insérée dans le sigle Peace and love et seulement cette date sur fond noir : 13/11/2015.
Marianne et la République blessée au milieu du peuple en armes : Nous serons toujours debout !
Mais il y a aussi les mots qui interrogent :
Le Courrier Picard : Tous unis ?
L’Ardennais : L’union, un vœu pieux.
Et déjà les analyses politiques :
Le Figaro : Hollande face au défi de la riposte.
L’Opinion : Riposte : Hollande contraint à frapper, avec ce dessin de Kak, allusion à la Une post attentat de Charlie : sur fond vert, François Hollande en tenue militaire, une larme au coin de l’œil tient un panneau : tout est pardonné est barré, remplacé par un tout est à refaire.
L’émotion
Il y a ces images partout dans les journaux, ces photos des lieux de carnage et de drame, ces bougies et ces fleurs. Mais il y a surtout, dans Aujourd’hui en France, ces pages de portraits des victimes, des vies fauchées résumées en quelques lignes et quelques mots d’amour de leurs proches. Dans tous les articles, court cette question : pourquoi ces lieux ? Libération titre sur cette génération Bataclan, jeunes, festifs, ouverts, cosmopolites. Le site Slate cite un texte qui a circulé sur les réseaux sociaux. Pas un article mais un commentaire d’un article du New York Times. "La France incarne tout ce que les fanatiques religieux haïssent: la jouissance de la vie ici, sur terre, d'une multitude de manières: une tasse de café qui sent bon, accompagnée d'un croissant, un matin; de belles femmes en robes courtes souriant librement dans la rue; l'odeur du pain chaud; une bouteille de vin partagée avec des amis, le droit de ne pas croire en Dieu, de ne pas s'inquiéter des calories, de flirter et de fumer, de lire n'importe quel livre, d'aller à l'école gratuitement, de rire, de débattre, de se moquer des prélats comme des hommes et des femmes politiques, de remettre les angoisses à plus tard: après la mort. Aucun pays ne profite aussi bien de la vie sur terre que la France". Sur le site Causeur, Elisabeth Levy constate que "le message est passé : désormais, nul n’est à l’abri. Ça peut vous tomber dessus, même si vous n’avez rien fait pour énerver les djihadistes comme dessiner Mahomet ou être juif". Mais elle ajoute : "Pourquoi nous en veulent-ils ? Si la question nous taraude, c’est que la haine des assassins fonctionne comme un miroir identitaire". Chacun définit à sa manière ce que les terroristes ont frappé, la diversité, la démocratie... Alors on est un peu gêné de lire sous la plume du patron de Libération ces mots : "paradoxe de ces meurtres : comme à Charlie Hebdo on a voulu atteindre des français tolérants. C’est bien la tolérance qu’on vise autant que la France". Parce que ça change quelque chose, ce qu’ils pensaient, quelles étaient leurs opinions ? On préfèrera l’édito du Parisien : la meilleure réponse qu’on puisse leur opposer, c’est de rester fidèle à nos valeurs d’humanisme et de tolérance. Mais de ne plus jamais transiger avec elle. Ceux qui les violent sont nos ennemis ».
Sécurité
Nos ennemis justement, il faut les identifier. Dans le Parisien, Thibault de Montbrial déplore que ne soient pas suffisamment utilisées les possibilités de contrôles et de fouilles sur le territoire. Mais il est troublant de lire dans le numéro de Marianne publié vendredi un article sur l’inefficacité de la nouvelle structure anti-terroriste créée par Bernard Cazeneuve qui aurait mobilisé de nombreux hommes pour un résultat jugé nul par le ministre. Et puis, il y a les articles sur Molenbeek. Le reportage de Libération est édifiant. Une élue qui tente de minimiser, tandis que le ministre fédéral de l’intérieur pointe du doigt la responsabilité des édiles bruxellois. Youssef, rencontré par Guillaume Gendron explique : "c’est un peu normal ce qui s’est passé à Paris, ils vous avaient prévenu. Le mec sur la vidéo, il l’avait dit, si la France bombarde l’état islamique on attaquera". Mais le journaliste parle d’une ville prétendument islamisée et qui, en fait, serait surtout un endroit concentrant les distractions, les machines à sous. Le multiculturalisme, dit un habitant, qui explique quand même que le vrai problème c’est qu’on ne sait pas qui vit ici. Tu as plein d’appartements où il y a le nom d’un mec mort il y a dix ans mais à l’intérieur ils sont 20. A côté, un article raconte le travail de salafisation depuis 30 ans par l’Arabie Saoudite, pendant que les autorités belges laissaient faire. Un maillon faible au cœur de l’espace Schengen, à deux pas des bâtiments de la Commission.
Islam
C’est aussi dans Libération qu’on peut lire les mots d’Abdennour Bidar. La civilisation islamique est l’homme malade de la civilisation mondiale, dit-il, et Daesh n’est que son symptôme le plus grave. Par où commencer la liste du désastre, de la faillite morale, politique et spirituelle ? Avec, partout, ou presque, une quasi absence de démocratie ; des monarchies du golfe qui financent la domination globale d’une religiosité fondamentaliste ; le traditionalisme persistant qui continue d’asservir les femmes. Il parle de ce rapport archaïque ou religieux considéré comme soumission à Dieu. Alors en Belgique ou en France, il faut soutenir l’Islam réformiste.
Historia
Le numéro de novembre du magazine laisse, lui aussi, une terrible impression. Surtout après la lecture du portrait d’Ismaël Omar Mostefaï : "Quand plus de 10 ans après, vous vous souvenez aussi bien du nom d’un élève, ce n’est pas bon signe, dit un ancien professeur. Dans nos établissements, on voit tellement de jeunes en décrochage scolaire et familial que e ne suis même pas étonnée qu’un petit voleur puisse un jour tuer froidement des gens". Le dossier de Une : ces enfants qu’on fanatise. Les jeunes spartiates élevés en guerriers patriotes, l’école militaire fondée par Robespierre et recrutant parmi les pauvres, et bien sûr les jeunesses hitlériennes. Mais aussi les enfants tueurs d’Afrique ou ces adolescents enrôlés dans le jihad par désir d’absolu et sentiment de toute puissance.
Dans cette tragédie, il est des éléments dérisoires et pathétiques mais tristement significatifs. Sur le site Causeur, Pascal Bories raconte comment certains sites d’informations ont caviardé leurs propres articles. Le site de France Inter titrait ainsi le 14 septembre : Réfugiés : le fantasme de l’infiltration terroriste. Ce week-end, le titre est devenu : des terroristes parmi les migrants ? C’est l’avantage d’internet par rapport à la presse papier : les écrits ne restent pas. Ca évite d’assumer des boulettes.