Pour illustrer les attentats de Bruxelles, des chaînes d'informations françaises ont diffusé par erreur des photos et des images tournées notamment à Moscou en 2011.
Le fait média du jour, ce sont ces images diffusées hier par erreur par plusieurs médias. Ces images étaient présentées comme celles de l’explosion survenue hier matin à l’aéroport de Bruxelles mais elles provenaient en réalité d’un autre attentat, beaucoup plus ancien, perpétré à l’aéroport de Moscou en 2011.
Que montraient ces images reprises hier matin par de nombreux médias ?
Il s’agit d’une séquence d’une dizaine de secondes en noir et blanc. Ces images, elles sont visiblement issues d’une caméra de vidéosurveillance, on y voit ce qui pourrait ressembler à un hall d’aéroport, des voyageurs marchent tranquillement avec leurs bagages. Puis survient une violente explosion, on perçoit sur cette séquence l’extrême violence du souffle de cette explosion. S’ensuit une scène de panique, plusieurs corps sont projetés à terre, des personnes se mettent à courir…
Une scène absolument effroyable dont les images vont être reprises par deux chaînes de télévision françaises.
D’abord sur LCI, à 9h12, très précises. La chaîne diffuse cette séquence en précisant qu’il s’agit d’une vidéo apparue sur Twitter. A l’écran, LCI incruste donc ce "tweet vidéo" en indiquant qu’il s’agirait, au conditionnel donc, des toutes premières images de l’explosion dans le hall de l’aéroport Zaventem. A l’antenne, les journalistes de LCI prennent tout de même quelques précautions sur l’origine de ces images.
Des précautions que ne prend pas i-Télé. Quelques minutes plus tard, à 9h40, la chaîne info du groupe Canal+ diffuse cette séquence à son tour et la présente comme étant celle de l’explosion qui s’est déroulée deux heures plus tôt à Bruxelles. Cette même vidéo se propage ensuite sur de nombreux sites internet notamment sur celui de 20 Minutes Suisse qui la publie même sur son compte Twitter.
Ce qui permet à des internautes de réagir très rapidement et de se livrer à ce qu’on appelle du fact-checking, une "vérification des faits" qui se révèle désastreuse pour les médias qui ont diffusé cette vidéo puisque ces images ne sont absolument pas tirées de la vidéosurveillance de l’aéroport belge. Elles sont beaucoup plus anciennes et datent en réalité d’un attentat kamikaze, perpétré en janvier 2011, à l’aéroport Domodedovo de Moscou.
Comment les chaînes se sont-elles procurées ces images ?
Alors LCI s’est procurée cette séquence sur les réseaux sociaux, sur Twitter. D’ailleurs, si à l’antenne, les images sont présentées comme ayant été prise dans le hall de l’aéroport de Bruxelles. Elles ont été publiées sur le compte d’un média allemand OnlineMagazin. Le commentaire précise qu’il faut les prendre des pincettes, mais ça n’a pas découragé la chaîne de les diffuser à l’antenne. Pour i-Télé, la source est un peu différente. La chaîne info du groupe Canal+ expliquait hier à nos confrères du Monde qu’elle avait obtenu cette séquence par le biais d’une chaîne flamande qui l’a diffusée sur une plateforme, l’EVN : l’Eurovision News Exchange. Cette plateforme permet aux chaines de partager leurs images avec d’autres chaînes de tous les pays d’Europe. C’est comme une grande banque d’image dans lesquelles elles peuvent se servir pour alimenter leurs antennes. En temps normal, cela signifie que les vidéos ont été vérifiées ou authentifiées par les médias qui les déposent sur ce serveur géant. En temps normal, seulement.
Ce matin, une question reste tout de même sans réponse : c’est une incrustation qui apparaît en bas à droite de la séquence dont nous parlons. Ce qu’on appelle un "timecode", où apparaissent des repères chronologiques. Sur cette vidéo, on peut lire une date : "22 mars 2016" soit la date d’hier. Cette date, quelqu’un l’a bien écrite, dans le but de tromper ceux qui visionneront ces images. Mais qui est à l’origine de cette manipulation ? Ce matin, il est encore impossible de le savoir.
Ce n’est pas la première fois que des chaînes confondent des images.
En janvier 2009, en pleine offensive israélienne dans la Bande de Gaza, le journal de 13h de France 2 diffusait des images présentées comme étant celle d’un bombardement. Mais ces images dataient en réalité de 2005, elles présentaient une explosion accidentelle. A l’époque, Elise Lucet avait dû présenter des excuses à l’antenne.
En avril 2015, c’est le 20h de TF1 qui illustrait le séisme au Népal avec des images tournées en réalité au Caire, deux jours plus tôt. Là encore, Gilles Bouleau avait dû présenter ses regrets pour cette confusion. Plus récemment encore, mi-janvier, c’est France 3 qui accompagnait un reportage sur des crimes commis au Burundi par des images tournées, plusieurs semaines plus tôt, à des milliers de kilomètres de là. Cette fois aussi, la chaîne avait présenté des excuses à ses téléspectateurs.
Ce matin, l’épisode de cette vidéo russe de 2011 présentée comme celle de l’explosion d’hier à Bruxelles interpelle une nouvelle fois sur la nécessité de vérification de la part des chaînes. Dans cette course frénétique à l’exclusivité, les chaînes ont parfois tendance à confondre vitesse et précipitation. Une très grave erreur à une époque où les réseaux sociaux amplifient la diffusion d’images amateurs, forcément plus difficiles à authentifier.