Delphine Ernotte a nommé Michel Field, Directeur exécutif en charge de l’information de France Télévisions. Une nomination qui intervient seulement trois mois après l'arrivée de son prédécesseur.
Le fait media du jour c'est l'arrivée surprise de Michel Field à la direction de l'information de France Télévisions. Le journaliste prend les commandes, dès aujourd’hui, des rédactions du groupe public. Une annonce qui a pris tout le monde de court.
Pour une surprise, c'en est une belle ! On est tous tombé de l’armoire hier en début d’après-midi. Il fallait appartenir au premier cercle de la nouvelle patronne de France Télévisions pour voir venir cette nomination de Michel Field à la tête des rédactions de France 2 et de France 3.
Première raison de cet effet de surprise, c’est que Michel Field venait d’intégrer le groupe public mais à un tout autre poste. Il avait été nommé à la tête de France 5, il y a à peine plus de trois mois. Il était d’ailleurs en train de tracer les contours de la chaine de la connaissance et commençait tout juste à déterminer le cap qu’il souhaitait prendre. Ça n’aura pas duré bien longtemps, puisque le voilà désormais "directeur exécutif en charge de l’information de France Télé". C’est son titre officiel.
Un poste occupé jusqu’ici par Pascal Golomer, nommé à la fin du mois d’août. Si, ce matin, ce dernier est "appelé à d’autres fonctions, au sein du groupe", comme le veut la formule consacrée, ça reste une vraie surprise de le voir débarqué aussi vite.
Le timing de ce changement de tête a donc de quoi surprendre et s’il étonne autant, c’est aussi à cause du calendrier choisi pour cette annonce : en plein entre-deux-tours des élections régionales. C’est un peu comme si vous changiez de cuistot en plein milieu d’un dîner…
Pourquoi virer Pascal Golomer, trois mois seulement après sa nomination ?
Il y a plusieurs hypothèses. Prenons d’abord la version officielle. Si on en croit la patronne de France Télé, Delphine Ernotte, elle tient en une ligne : c'est pour offrir un "nouveau souffle" à la rédaction et, plus globalement, à l’information du groupe, le tout "en s’appuyant sur le travail accompli ces dernières années par l’ensemble des équipes". En clair, le changement dans la continuité ou la continuité dans le changement, c’est comme vous voulez. Ça, c’est pour la version institutionnelle.
Mais pour de nombreux observateurs ce matin, Pascal Golomer payerait aussi quelques errances :
- l'annulation, à la dernière minute, de la venue de Marine Le Pen dans l’émission de David Pujadas Des paroles et des Actes, en octobre.
- l'"affaire Philippe Verdier", le présentateur météo dont la mise à pied a été très mal gérée et qui a écorné l’image de France Télé.
- une rédaction jugée trop peu réactive au moment des attentats de Paris et St-Denis.
Bref, des hésitations qui auraient convaincu les dirigeants du groupe public que Pascal Golomer n’était plus l’homme de la situation. Cette hypothèse n’est pas du tout accréditée par l’entourage de Delphine Ernotte qui se refuse à charger l’ancien directeur de l’info et qui préfère parler d’un "coup d’accélérateur" dans les projets voulus par la nouvelle présidence.
Mais finalement toutes ces raisons ne sont peut-être pas les bonnes. Sous couvert d’anonymat, un journaliste de la rédaction nous indique qu’il fallait aussi y voir une forme de reprise en main de l’info, un geste "politique" pour préparer les échéances électorales à venir, et notamment la présidentielle de 2017. Michel Field a la réputation de compter des amis à gauche, comme à droite. Ça apparait comme un atout pour les dirigeants de France Télé.
Quoiqu’il en soit, la mise à l'écart de Pascal Golomer marque la fin d’une époque. Elle ressemble au dernier épisode de ce qu’on pourrait appeler "l'ère Thierry Thuillier", du nom de l’ancien directeur de l’info et des programmes de France 2.
Comment la rédaction a-t-elle accueilli la nouvelle ?
Pas très bien, à vrai dire. En interne, du côté de France 2, on nous dit que les journalistes étaient "sous le choc" totalement "abasourdis" hier en apprenant la nouvelle, par un mail reçu un quart d’heure seulement avant le communiqué envoyé à la presse.
Dans un communiqué, la Société des journalistes de France 2 a exprimé sa "stupéfaction" face à l’éviction "brutale" de Pascal Golomer, et ce, "en pleine période électorale". Une décision qui "déstabilise" l’ensemble de la rédaction qui n’avait nullement besoin du fameux "nouveau souffle" dont parle Delphine Ernotte pour justifier son choix.
Mais on le sait, l'information est un enjeu crucial pour Delphine Ernotte. Elle n'a jamais caché son ambition sur ce sujet. Elle veut mener à bien le projet d’une chaîne d’info en continu à l’horizon "septembre 2016". Il se murmure aussi qu’elle veut "repenser" les émissions politiques. Autant de défis qui incombent désormais à Michel Field.
Ce matin, un journaliste de la rédaction de France 2 me confiait que l'image de Michel Field est celle d'un "chroniqueur", d’un journaliste culturel et pas celle d’un reporter ou d’un homme de terrain. Il n’est pas considéré comme un "opérationnel". Des challenges, Michel Field va en avoir quelques-uns à relever. Mais le premier d’entre eux, sans doute le plus difficile, va être de convaincre les journalistes de la rédaction qu’il est l’homme de la situation. Il devrait s’y atteler dès sa prise de fonction, aujourd’hui même. Il doit rencontrer les cadres de l'information dans la matinée puis les Société des journalistes de France 2 et France 3 dans l'après-midi. Son premier message, il est simple : il va d’abord devoir se montrer rassurant.