Près de six ans après l’accident mortel et les émeutes de Villiers le Bel, le procès s’ouvre aujourd’hui.
Invité : Matthieu Bock, journaliste pour Europe 1
Ce matin à 7h15, Europe 1 proposait son "Plus" : retour à Villiers-le-Bel, plus de cinq ans après la mort des deux adolescents, à l'heure de l'ouverture du procès du policier qui conduisait la voiture.
Le reportage de Matthieu Bock et Marc-Antoine Bindler. Sur place, ils ont découvert une ville loin de l'image que l'on peut en avoir...
Quand vous arrivez à Villiers-le-Bel, vous avez l'impression d'être un petit village, à la campagne. Des arbres plantés partout, des parcs aux pelouses fraîchement tondues avec des parterres de fleurs bien entretenues. L'école Louis Jouvet, qui avait été détruite par un incendie pendant les émeutes, est en pleine reconstruction, en bois, aux dernières normes environnementales. Le centre de loisirs est flambant neuf. C'est une ville qui grouille de chantiers. Avec la construction de nombreux logements, tout est fait pour inciter les jeunes parents à rester et à devenir propriétaires.
Cela voudrait-il dire que, plus de 5 ans après les émeutes, il fait bon vivre à Villiers-le-Bel ? Dès que vous parlez avec les jeunes - un habitant sur trois a moins de 20 ans - la réalité est toute autre. Derrière cette façade, ils vous disent que la réputation de leur ville colle à la peau.
Le témoignage d'Anselme Darian. Un jeune homme de 32 ans, qui va bientôt débuter une formation dans la mécanique. Mais il a passé de nombreuses années au chômage...
"Quand on dit qu'on vient de Villiers-le-Bel, les gens tiltent tout de suite émeutes ! Ils se demandent si ce gars ne va foutre la merde, casser le magasin... La plupart du temps, il n'y a pas de réponse. Je me fais passer pour un gars d'Arnouville ! Ca n'a pas encore marché pour moi, mais ça passe mieux, ça va suivre ! Même auprès des filles je me fais parfois passer pour un gars d'Arnouville ! Et ça marche ! (Rires.)"
On en plaisante, mais la réalité de Villiers-le-Bel c'est quand même presque un jeune sur trois au chômage. C'est pour ça que certains se sont dit qu'ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour trouver du boulot. C'est le cas de Thibault Baka, 29 ans. Aujourd'hui, écrivain. Juste après les émeutes, il a monté une entreprise de consulting. Avec un seul souci : tenir un langage de vérité aux jeunes .
"Le discours qu'on avait n'était pas formaté : je n'hésitais pas à dire à un jeune qu'il ne pourrait pas travailler avec un casier judiciaire. Je ne les faisais pas rêver : quand ils n'étaient pas embauchables, je leur conseillais d'ouvrir leurs sociétés, même sans diplômes. Je leur montrais combien de patrons du CAC 40 n'ont pas de diplômes."
Après avoir placé une trentaine de jeunes dans le monde du travail en quelques mois, l'entreprise de Thibault a fermé, faute de financements.
>> L’article complet d’Europe1.fr
http://www.europe1.fr/France/La-jeunesse-de-Villiers-le-Bel-6-ans-apres-1541735/
Les relations sont-elles apaisées avec les policiers ? Ils n'ont jamais vraiment fait la paix avec eux, disent les jeunes. Bien sûr, depuis 2008, il y a une vingtaine de policiers de proximité en plus, dans les quartiers. Les habitants reconnaissent d'ailleurs qu'ils désamorcent pas mal de situations. Mais Romaric M'Passi, un jeune commercial de 25 ans explique que c'était toujours aussi tendu avec les policiers des équipes d'intervention.
"La jeunesse de Villiers-le-Bel ne se sent pas en sécurité quand ils sont là. La pression de la police est énorme, la même qu'en 2007. On les voit matin, midi, soir. Ils attendent quoi ? Qu'on craque ? Qu'on vienne à la forteresse dans laquelle on vient porter plainte ? Leur combat est inutile ! Qu'ils arrêtent de se frapper la tête contre les murs, qu'ils viennent dialoguer !"
Hier, quand j'ai posé la question sur la possibilité de nouvelles émeutes aujourd’hui, un éducateur qui suit les jeunes de Villiers-le-Bel depuis 22 ans m'a répondu : "Bien sûr et je pense même que ça serait même pire." Signe que la situation reste encore un peu fragile : le maire n'a pas souhaité nous répondre, il n'a pas voulu prendre la parole au premier jour de ce procès.