Ce samedi, Catherine Nay revient sur la crise politique qui secoue l'Allemagne depuis plusieurs mois.
Bonjour Catherine,
Bonjour Julien, bonjour à tous.
Après plus de quatre mois d'impasses politiques et de rebondissements, Angela Merkel et les socio-démocrates du SPD ont conclu mercredi un accord de coalition. En France, on applaudit. En Allemagne, beaucoup moins, car cet accord est loin de plaire à tout le monde. Et en réalité, rien n'est réglé !
Car les militants n'ont pas encore donné leur feu vert. Les 450.000 adhérents du SPD ont reçu par la Poste le contrat de gouvernement de 170 pages. Ils devront le lire puis le valider d'ici au 4 mars, date butoir. Mais dernier épisode : Martin Schulz, leur leader, était ministre des affaires étrangères mercredi. Mais un vent de colère l'a contraint à renoncer vendredi. Le coup fatal lui a été porté par Sigmar Gabriel, qui l'a accusé en public de renier sa parole. Il y a un an, il lui avait laissé sa place à la tête du SPD, lui demeurant ministre des affaires étrangères. A l'époque, il croyait que Martin Schulz avait toutes ses chances pour battre Angela Merkel et se hisser à la Chancellerie en septembre. Au lieu de cela, le SPD a enregistré le pire score de son histoire aux législatives : 20%. La greffe Martin Schulz n'a pas prise. Au soir de la défaite, il jurait ne plus vouloir entendre parler de grande coalition. Mais après l'échec de la coalition Jamaïque, CDU - CSU - Parti libéral, il est revenu sur sa parole. En décembre, il jurait qu'il ne serait jamais ministre de Madame Merkel. Et il accepte les affaires étrangères ! Incohérent ! Affaibli par ses volte-face, il quitte la scène. Pour lui, une véritable descente aux enfers !
Dans ce contexte, les militants du SPD peuvent-ils voter "non" à la grande coalition ?
Les anti-Groko, grosse coalition, multiplient les meetings. Ils veulent faire gagner le "non". Leur argument principal est qu'il faut tout rénover du sol au plafond dans le parti. Mais s'ils disent "non", Madame Merkel ayant répété qu'elle ne voulait pas être à la tête d'un gouvernement minoritaire, la dissolution serait l'option la plus probable. Election dans 60 jours. C'est-à-dire fin mai, début juin. Du jamais vu en Allemagne. mais avec le danger, pour le SPD, d'être supplanté par des élus d'extrême-droite qui, déjà, détiennent un tiers des places au Bundestag.
Côté CDU, ça bouillonne aussi. L'accord ne passe pas.
D'ailleurs, la presse allemande est peu flatteuse pour la Chancelière. Elle lui reproche, à l'instar des militants de son parti, d'avoir fait trop de concessions au SPD pour se maintenir à la Chancellerie pour son quatrième mandat. Bref, de se vendre pour un plat de lentilles ! Car le SPD, qui a perdu les élections, se taille la part du lion, tous les ministères régaliens, dont le plus prestigieux : les Finances. Et ça ne passe pas du tout. Plus les affaires étrangères, le travail, la justice. La CDU récupère les portefeuilles de l'Economie et de la Défense. Pour les militants, c'est une grosse perte d'influence. Le 26 février, ils diront s'ils acceptent ou non l'accord. Mais là encore, l'échec semble peu probable car tout le monde craint la dissolution.
L'aura de Madame Merkel en a pris un coup !
Oui, beaucoup dans son camp estiment qu'elle devrait céder sa place à mi-mandat, parce qu'elle a fait son temps, ça fait 12 ans qu'elle est là. Encore quatre ans ? Et tout d'un coup, il y en a marre de Merkel. En tout cas, si la coalition a finalement le feu vert des militants, Emmanuel Macron travaillera avec une partenaire affaiblie politiquement. alors que le contrat de coalition est assez favorable à une coopération avec la France pour faire avancer l'Europe.
On parle de sa succession en Allemagne ?
Pour l'heure, on ne voit pas bien qui pourrait la remplacer. Si elle entend préparer la suite, comme elle ne fait confiance qu'aux femmes, elle pourrait adouber Ursula Von Der Leyen, la ministre de la Défense, dont l'étoile pâlit depuis quelque temps. Elle n'a pas de réseaux. Ou alors Anne-Gret Kramp Karenbauer, présidente de la Sarre. Une femme très dynamique, que l'on appelle "la Merkel de la Sarre". Mais ce ne sont que des hypothèses.
En tout cas, les femmes sont de plus en plus présentes dans la vie politique allemande.
Oui parce que, outre la Chancelière Merkel, c'est une femme qui préside le SPD, depuis quelques jours. Martin Schulz a cédé sa place à Andréa Nahles, la présidente du groupe parlementaire au Bundestag. L'AFD, le parti d'extrême-droite est dirigé par un homme et une femme. Même chose chez les Verts. C'est une femme qui est à la tête du parti d'extrême-gauche. Alors que les femmes, côté salaires en tout cas, sont loin de la parité et continuent d'être laissées pour compte.