Catherine Nay dissèque les hauts et bas de la côte de popularité de la chancelière allemande Angela Merkel.
WB : A deux jours du sommet européen en Turquie sur les migrants, Angela Merkel est venu chercher des soutiens à Paris. Qu'en est-il de sa situation politique dans son propre pays ?
CN : Encore aujourd'hui, 81% des Allemands estiment qu'elle maîtrise mal la crise qu'elle a elle-même déclenché. D'une manière générale ils pensent qu'Angela Merkel a parlé trop vite à propos des migrants. Sa popularité avait chuté à 50% avant Noël, puis est remontée à 60%... pourquoi ? L'opinion lui avait reproché d'avoir déclaré "nous y arriverons" sans préciser qui elle mettait dans ce "nous". Elle vient de s'expliquer à la télévision et précise que ce "nous" doit inclure la Turquie - qui pourrait accueillir les réfugiés déboutés du droit d'asile en Europe - et les autres pays européens. Les Allemands soutiennent ce plan à condition qu'il soit mis en oeuvre.
Ce plan suffit-il à faire remonter la popularité d'Angela Merkel ?
C'est parfaitement dans les habitudes des Allemands de d'abord "ronchonner", puis de se rallier pour répondre à leur besoin vital de consensus. L'hiver est installé, et ils voient que les migrants sont logés, personne n'est dans la rue... Certes, la criminalité a gagné 7%, mais on constate que 80% de cette hausse est explicable par une augmentation des fraudes aux transports. Il n'y a pas eu de nouvelles plaintes similaires à l'incident de Cologne.
Par contre la bureaucratie est débordée, il y a encore 460 000 dossiers en attente. Angela Merkel vient d'embaucher 7 000 personnes pour les démarches, mais en même temps il faudra plusieurs semaines pour les former. L'opinion trouve que la décision a été tardive. Cependant, elle considère que dans le cadre d'une population active vieillissante, il ne faut pas, surtout pour l'Histoire, installer l'image d'une Allemagne entourée de barbelés.
15% des Allemands ne veulent toutefois pas d'immigrants du tout.
Merkel n'est pas "détrônée" ?
Pas du tout, c'est vraiment la "patronne" en Europe, sa voix porte. Les Allemands ne voient pas par qui elle pourrait être remplacée, ni dans son parti ni dans le SPD.
A Paris on a joué la carte de l'unité, avec une photo réunissant Angela Merkel et François Hollande.
"Nous travaillons dans le même esprit" a déclaré François Hollande, mais son soutien est symbolique, le grand écart demeure dans les faits. La France n'accueillera pas plus de 30 000 réfugiés syriens et irakiens. De toute façon, ceux-ci ne veulent pas venir en France car l'image de Calais est un repoussoir. François Hollande a par ailleurs annoncé l'envoi d'un navire en mer Égée pour participer au contrôle des migrants, mais le couple franco-allemand se trouve à front renversé dans la crise grecque.
Il y a un an, François Hollande faisait figure de meilleur allié pour défendre Tsipras, en contraste avec l'intransigeance de la chancelière. Aujourd'hui c'est Angela Merkel qui se montre la plus pugnace pour ne pas laisser la Grèce s'enfoncer dans la tourmente, alors que le Président français ne dit pas grand chose...