Ce samedi, Catherine Nay décrypte les conséquences des frappes conjointes de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni sur l'image d'Emmanuel Macron.
Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont déclenché des frappes dans la nuit de vendredi à samedi sur la Syrie, pour punir le régime de Bachar al-Assad, accusé d'attaques chimiques sur des civils. Tôt ce matin, l'Elysée a communiqué sur ces frappes. Depuis Paris, Emmanuel Macron a souligné que les frappes françaises étaient "circonscrites aux capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques". "Nous ne pouvons pas tolérer la banalisation de l'emploi d'armes chimiques", a-t-il martelé. Pour la première fois, Emmanuel Macron endosse ses habits de chef de guerre.
Le samedi 7 avril 2018, à Douma, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont été massacrés à l’arme chimique.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 14 avril 2018
La ligne rouge a été franchie.
J’ai donc ordonné aux forces armées françaises d’intervenir. https://t.co/Vt9LcFcFzHpic.twitter.com/Dc726PHfAR
Fixer la ligne rouge. Tout juste élu, fin mai 2017, Emmanuel Macron avait reçu à Versailles, Vladimir Poutine, soutien de Bachar el-Assad, et disons même, son assurance-vie. Il avait alors prévenu son hôte : il ne laisserait pas faire de nouvelles attaques chimiques. Il avait fixé les lignes rouges. Mais que valaient, aux yeux du Président russe, ces positions martiales d'un jeunot de 40 ans ? Samedi dernier, Bachar el-Assad est passé outre l'avertissement et a, à nouveau, employé ces armes chimiques interdites dans la Ghouta, banlieue de Damas, d'où la rébellion au régime était partie en 2011. Des images ont été diffusées, évidemment horribles, avec des enfants morts et d'autre agonisant la bave aux lèvres. Et Poutine était forcément au courant.
Jeudi, dans son interview avec Jean-Pierre Pernaut, Emmanuel Macron disait avoir la preuve que du chlore avait bien été utilisé et qu'il y aurait des réactions en temps voulu. Il disait en parler avec Trump depuis une semaine. On devait comprendre qu'une attaque était imminente.
Quant à Donald Trump, il avait déjà fixé par une série de tweets, la même ligne rouge : l'emploi des armes chimiques. Il avait même précisé que ce serait la seule chose qui le ferait renoncer à sa promesse de ne pas engager les Etats-Unis sur un théâtre extérieur. En 2013, Bachar el-Assad avait gazé sa population. La ligne rouge avait été franchie. François Hollande se disait prêt à agir. L'Anglais Cameron aussi, mais il avait dû renoncer, car il n'avait pas obtenu le feu vert du Parlement. Et Barack Obama avait réagi en avocat : il avait "dealé" avec les Russes "que Bachar el-Assad détruise toutes ses armes chimiques et il n'y aura pas d'intervention". Marché conclu avec Poutine qui avait interprété ce geste comme une faiblesse des occidentaux et un feu vert pour lui-même pour mener une politique offensive à sa guise. D'ailleurs, se moquant des règles de droit, il avait annexé la Crimée.
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Macron a réussi avec Trump ce que Hollande a échoué avec Obama. Politiquement, Emmanuel Macron a réussi là, avec Trump, ce que François Hollande n'avait pas pu conclure avec Obama. Et dans le livre qu'il vient de publier, l'ancien Président français dit l'avoir beaucoup regretté. Donald Trump, lui, a menacé, ce qui est bien dans son style. Mais allait-il passer aux actes ? Emmanuel Macron, qui sera en visite officielle à Washington à la fin du mois, n'a pas cherché à le freiner, bien au contraire. Ils ont beaucoup parlé cette semaine. Et preuve que les Russes prenaient la menace très au sérieux : à leur tour, ils envisageaient d'utiliser leur bouclier anti-missiles. On imagine les tractations de la semaine : l'Amérique a les capacités militaires de faire beaucoup de tués sur les bases russes en Syrie. Autrement dit, on va frapper mais vous ne bougez pas. Et c'est bien ce qui s'est passé. Les frappes ont eu lieu cette nuit et les Russes ont fait savoir qu'aucune de leur base n'avait été touchée.
Chef de guerre à l'international. Maintenant, il faut espérer que ces frappes, dont on ne connaît pas encore l'ampleur, n'ont pas raté leurs cibles et qu'elles ôtent au régime syrien et à leurs amies russes toutes velléités de récidive et de recours aux armes chimiques. Depuis un an, Emmanuel Macron a fixé ses priorités pour la Syrie : terminer la lutte contre Daech, permettre l'accès de l'aide humanitaire et organiser un règlement politique pour sortir du conflit. On espère que ce ne sera pas un vœu pieux. En tout cas, sur la scène internationale, Emmanuel Macron vient de montrer de quel bois il est fait !