Ce samedi, Catherine Nay revient sur la démission de Gérard Collomb et sur ce que cela dit d'Emmanuel Macron, et de son quinquennat.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Emmanuel Macron a beau qualifier la démission de Gérard Collomb de "péripétie", il s'agit bien d'une vraie crise politique, une crise d'autorité présidentielle, avec un Président qui multiplie des erreurs de débutant.
Lorsqu'Emmanuel Macron a été élu, il y avait dans le pays une demande d'autorité. L'arrivée, à l'Elysée, d'un Jupiter, maître des horloges, qui promettait de tout contrôler, rassurait, faisait croire au monde nouveau. Et il avait débuté par un sans-faute. Et puis voilà que les vents tournent. L'Elysée ne contrôle plus rien : fin août, c'était Nicolas Hulot qui annonçait sa démission sur France Inter, mais on s'y attendait. Et puis il y a eu le cas Benalla, qui sans être une affaire d'Etat, démontre que le nouveau monde n'est pas plus déontologique que l'ancien.
Et Gérard Collomb, le premier des grognards, l'ami, qui annonce sa démission au Figaro. Alors là, stupeur et tremblements ! Refusée par le Président, le ministre d'Etat n'en a cure et quitte Beauvau pour rentrer chez lui, à Lyon, délivré, libéré, et annonce qu'il sera candidat aux municipales, sans l'étiquette En Marche. Comme si l'immatriculation Macron risquait de lui nuire. On ne fait pas pire : la rupture est consommée.
Emmanuel Macron a chargé Edouard Philippe de lui faire des propositions pour le remaniement.
Là, il est raccord avec la Constitution. Mais vous imaginez le casse-tête pour Edouard Philippe. Comment redonner du lustre à une équipe fatiguée, des ministres surchargés de travail, dont beaucoup ne sont pas parvenus à s'imposer, ou à exister. Ce qui n'est pas une originalité. Dans le quinquennat précédent, à la sortie du Conseil des ministres, il y avait beaucoup de têtes inconnues. Dans quel vivier Edouard Philippe va-t-il puiser ? Dans le groupe En Marche, quelques jeunes pousses ont émergé, qui pourraient décrocher un portefeuille, apporter une sève nouvelle. Mais leur entrée ne produira pas d'électrochoc politique.
Et parmi les personnalités de gauche, ou de droite, capables de symboliser l'ouverture, on a peine à égrener des noms. Manuel Valls est parti à Barcelone, Xavier Bertrand ? Christian Estrosi, qui a fait savoir qu'il n'était pas intéressé ? Quand l'étoile présidentielle pâlit, le désir ministériel s'amenuise.
Mais pour le ministère de l'intérieur, il faut un profil particulier.
Oui, il faut quelqu'un qui dégage une autorité naturelle, qui rassure les Français qui, selon les derniers sondages, sont inquiets pour leur sécurité. Un ministre qui s'engage, François Hollande, trop dominé par la rancœur a donné ce conseil : il doit être choisi pour longtemps, oubliant qu'il avait nommé Bruno Le Roux à Beauvau, où il est resté trois mois et Mathias Fekl, deux mois. Il est vrai, c'était la fin du quinquennat.
Ce qui est en jeu, c'est un exercice du pouvoir moins concentré.
Un pouvoir qui fait davantage confiance, consulte, écoute. Il faut des relais plus "peuple", moins technos, plus expérimentés. Mais surtout, il faut que le Président renoue avec les Français. Depuis qu'il est élu, Emmanuel Macron a fait de ces déambulations dans les villes et les villages sa marque, privilégiant le contact direct pour faire la pédagogie de la transformation du pays. Sauf qu'à chaque fois, ou presque, il heurte par une réplique trop sèche, peu empathique. Les Français le jugent arrogant, autoritaire, voire méprisant, comme lorsqu'il avait qualifié les ouvrières de l'abattoir Gad "d'illettrées". Il avait dû s'excuser.
A l'époque, certains avaient apprécié ce parler vrai, parce qu'il était différent, sincère. Mais maintenant, on se dit : il comprend tout mais il ne sent rien. C'est le syndrome des premiers de la classe. Faute aussi d'avoir été élu député, ou maire, d'avoir traîné sur les marchés, serré les mains, tenu les permanences, où en rencontre les vrais gens. Au fond, Emmanuel Macron apprend la politique en exerçant le pouvoir, à ses risques et périls.
Emmanuel Macron doit changer, mais peut-il changer ?
Un charme s'est rompu. Rien n'indique, dans ses propos, qu'il ait l'intention de modifier sa manière d'aller au contact et de faire la leçon. Ce qui risque de déclencher d'autres polémiques, qui peuvent lasser voire désespérer. On l'a élu pour faire gagner la France. Et le pays a intérêt à ce qu'il réussisse. Raison de plus pour cesser de provoquer les Français. Comment lui faire passer le message ? "Allô, Brigitte" ?