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SAISON 2018 - 2019

Ce samedi, Catherine Nay décrypte les dessous de la démission de Theresa May.

 

Bonjour Catherine,

Bonjour Bernard, bonjour à tous.

Usée par l'interminable casse-tête du Brexit qu'elle a échoué à mettre en œuvre, Theresa May a annoncé hier sa démission. Elle était au bord des larmes. Pour elle, la fin d'un chemin de croix et surtout un échec politique.

Elle remettra sa démission à la Reine Elisabeth le 7 juin. Theresa May a choisi la date de son départ. Mais elle s'en va avant que son parti ne la mette à la porte. Les tractations étaient en cours. Mardi, elle y croyait encore et avait proposé de nouvelles concessions : le maintien d'une union douanière avec l'Europe, un possible référendum confirmatoire. Des propositions sèchement rejetées par l'opposition travailliste qu'elle espérait séduire, après six semaines de discussions ouvertes. Les hard brexiteurs de son parti étaient plus furieux que jamais. Les élus nord-irlandais, qui lui apportaient une majorité ont dit NON. Elle avait grillé sa dernière cartouche.

Et pourtant, on avait fini par la croire increvable, tant elle réussissait, ces trois dernières années, à gouverner contre vents et marées.

Oui, mais dans quelles conditions ? En trois ans, 30 ministres ont démissionné pour mieux pouvoir la critiquer. Elle n'a cessé d'avaler des couleuvres. Et pourtant, en juillet 2016, elle apparaissait comme un recours. On louait sa connaissance des dossiers, son sens du détail. Elle rassurait en promettant que la volonté du peuple serait bien traduite en actes. Elle semblait bien partie, mais c'était compter sans son parti. "Theresa May est une personne plutôt raisonnable, entourée de beaucoup de personnes déraisonnables", disait d'elle Tony Blair.

Et puis ça s'est déréglé.

Elle a hérité d'une mission impossible. Mais elle a aussi multiplié les erreurs. Obstinée et pusillanime. Pendant trois ans, elle a surtout cherché à ménager les uns et les autres, plutôt qu'à montrer la voie en vrai capitaine des tempêtes. En dire le moins possible, quitte à répéter mécaniquement le même discours. Elle ne faisait que des mécontents. Elle n'était pas une oratrice. Dépourvue de ce que le Général de Gaulle appelait le fluide de l'autorité, on l'accusait de faiblesse. Son accord de divorce qu'elle a conclu avec Bruxelles a été rejeté à trois reprises par les députés britanniques. Elle n'avait pas, ce qui est très anglais, la culture du compromis avec l'opposition travailliste. Elle s'y est essayée, il y a six semaines. C'était trop tard. Ajoutons qu'elle n'était pas du sérail, disposait de peu d'appuis politiques, était issue d'un milieu populaire, ce qui dans son parti comptait en sa défaveur.

On l'admirait aussi, parce que cette femme à la santé fragile, un diabète l'oblige à se piquer 4 fois par jour, tenait le choc

Theresa May est le 4ème Premier ministre conservateur à chuter sur l'Europe.

Oui. Les divisions idéologiques qui déchirent le parti sur le sujet auront fait tomber Margaret Thatcher en 1990, John Major en 97, David Cameron en 2016. Et elle aujourd'hui. Boris Johnson, son ex-ministre des affaires étrangères, démissionnaire en juillet dernier, est sur les rangs pour lui succéder. Cet homme, à la tignasse blonde, connu pour ses bons mots, est un extravagant un peu dingue. En cas de succès, le show va continuer. Avec lui, on s'orienterait vers un Brexit dur. Mais de toutes façons, il lui faudra reconstruire la relation future avec l'Europe.