Le parquet national financier a décidé de confier le dossier à trois juges d’instruction qui devront décider d’une éventuelle mise en examen du candidat des Républicains.
Coup de tonnerre dans un ciel déjà très nuageux pour François Fillon... Le Parquet national financier a ouvert hier soir une information judiciaire, ce qui implique la nomination de trois juges d'instruction qui vont enquêter avec plus de moyens ? Que risque le candidat ? On fait le point...
Il y a 8 jours, le Parquet national financier annonçait qu'il entendait poursuivre l'enquête préliminaire, lancée le 25 janvier, avec l'appui des policiers spécialisés dans les affaires financières et fiscales... Une preuve qu'il n'avait pas encore assez de preuves... Combien de temps, jusqu'à quand durerait leur enquête ? Des proches de François Fillon misaient sur un enlisement possible de l'affaire en raison de la campagne présidentielle... et d'autres dénonçaient un supplice chinois...
En ouvrant une information judiciaire, le Parquet financier remet, au contraire, la pression... Pourquoi cette hâte, alors que son enquête n'a pas progressé depuis 8 jours ? Eh bien tout simplement parce qu'une loi, votée en février 2016 sur la prescription pénale --comprenez période au-delà de laquelle l'action judiciaire n'est plus possible-- sera promulguée mardi prochain... Or, cette loi de procédure, d'application immédiate, dit que l'action judiciaire n'est plus possible au-delà de 12 ans... Ce qui pourrait avoir pour effet de rendre les poursuites impossibles pour les faits avant 2005. En clair, la loi serait trop favorable à la famille, Mme Fillon étant l'attachée parlementaire de son mari à partir de 88.
Donc, le Parquet refile la patate chaude à trois juges qui vont procéder à de nouvelles auditions, convocations, perquisitions...
Oui, trois juges du pôle financier spécialisés dans les affaires financières très compliquées... Or, les emplois fictifs et la collaboration de Mme Fillon à la Revue des deux mondes, ça n'est pas de la délinquance financière très sophistiquée... Le dossier est très simple... La voie est désormais ouverte à une convocation de François Fillon comme témoin assisté, voire à une mise examen...
L'enquête change donc de cadre procédural, mais aussi de braquet puisqu'elle porte non seulement sur d'éventuels détournements de fonds publics et abus de biens sociaux mais aussi un possible trafic d'influence, sans compter des manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique...
En droit, il s'agit seulement d'incriminations possibles, d'hypothèses... Mais il s'agit tout de même des charges qui pèsent sur le couple Fillon... Détail important : Le Parquet financier ouvre cette information "contre personnes non dénommées", c'est-à-dire sans citer de nom, même si tout le monde comprend... Ce qui, paradoxalement, donne un peu d'air aux protagonistes de l'affaire...
Que va-t-il se passer ?
Les avocats de François Fillon vont avoir accès au dossier... Ils ont toujours dénoncé la compétence du Parquet financier, son enquête préliminaire, non contradictoire et les fuites à charge dans la presse, qui ne peuvent venir que de lui...
Ils peuvent plaider que la nouvelle loi de prescription s'applique au cas Fillon, ce qui, en droit, est recevable... Une enquête préliminaire n'est pas une mise en mouvement de l'action publique... Ce qui veut dire qu'une bagarre juridique va commencer.
Mais si les juges mettent François Fillon et son épouse en examen très prochainement ?
Cela voudra dire qu'ils sont drôlement rapides, et pas forcément bien intentionnés, vu qu'une instruction dure en moyenne 30 mois... Dans un communiqué, le Parquet se défend de toute arrière-pensée politique...
Lundi débute le lancement de la course aux parrainages... La date butoir est fixée au 17 mars, date à laquelle le candidat Fillon sera officiellement investi... Il est d'usage que la justice n'interfère pas dans le jeu démocratique... On va voir si cette jurisprudence, qui d'ailleurs n'en est pas une, tient toujours...
Pour le socle des partisans de François Fillon, il s'agit d'un coup monté, d'un complot politique... La campagne démarrée, le Parquet ravive le malaise... On attendait hier sa décision en début d'après-midi... Le fait qu'elle soit tombée à 20h, au moment même où François Fillon prononçait un discours à Maisons-Alfort a convaincu ses proches de la perversité de la démarche.
On repart à zéro... François Fillon avait gagné la primaire sur la probité... Il était l'homme sans tâche... Il se métarmophose en chef de guerre qui résiste, qui n'a peur de rien... Il le dit : "Il ira jusqu'au bout !"