4:10
  • Copié
, modifié à

Chaque samedi et chaque dimanche, l'avocat Roland Perez fait le point sur vos droits.

Une nouvelle fois ce dimanche, une question de droit qui concerne tout à chacun : notre consommation d’eau et avec elle la facture, contestable ou pas, c’est ce que vous allez nous dire Roland ?

Qui n’a pas pester en recevant une facture d’eau, au titre des charges de copropriétés, pensant, à tort ou à raison, qu’il était victime d’une fuite sur le réseau. Et la question qui se pose est de savoir, qui a la charge de la preuve d’une éventuelle fuite, celui qui conteste les factures de consommation, ou celui qui en réclame le paiement ?

J’ai bien ma petite idée là-dessus, mais je préfère vous laisser répondre.

Un peu de suspens avant de connaitre la règle, une fois de plus précisée par la Cour de cassation. Revenons d’abord aux faits qui sont à l’origine de cette décision rendue il y’a à peine un mois. Nous sommes dans le sud de la France, à Antibes, dans une résidence occupée par plusieurs copropriétaires. Et l’un d’eux refuse de payer à la copropriété un arriéré de charges de factures d’eau sur plusieurs années, s’élevant à la coquette somme de plus de 5.000 euros, prétextant qu’une telle consommation procède d’une erreur ou d’une fuite. Car vivant seul, contrairement à ses voisins qui vivent en couple avec enfants, sa consommation s’avère pourtant être 4 à 5 fois supérieure ! Ce qui procède forcément d’une anomalie dont il n’est pas responsable.

Tout cela a du sens non ? J’imagine qu’une expertise du compteur a eu lieu ?

Non seulement le compteur a été changé, mais effectivement une expertise a été effectuée à la demande de l’infortuné copropriétaire, qui a confirmé l’absence de fuite. Mais aussi que la consommation de ce copropriétaire était anormale et ne collait pas avec son mode de vie, suggérant un branchement sauvage dans les parties communes. Mais pour cela, il fallait investiguer davantage et donc financer une expertise qui dépassait le montant des factures impayées !

Retour donc à la case départ et au juge de trancher ?

Exactement, et le tribunal va tout de même s’appuyer sur l’expertise pour juger que les factures produites par le syndicat des copropriétaires sont contestables dans la mesure où, le mode de vie du débiteur ne pouvait générer de tels volumes de consommation. Estimant que c’était au syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve d’une telle consommation et qu’à défaut, il fallait procéder à un re-calcul de la consommation moyenne d’une personne vivant seule, ce qu’a fait le tribunal en ramenant la facture à 1.000 euros au lieu de 5.400 euros.

La Cour de cassation a-t-elle été d’accord avec cette analyse ?

En fait, si le tribunal d’instance et ensuite la cour d’appel saisie, ont donné raison au copropriétaire débiteur, la cour de cassation elle, a estimé qu’en jugeant ainsi, l’on inversait la charge de la preuve. Je m’explique : ce n’est pas, selon la Cour de cassation, au syndicat des copropriétaires de démontrer la défaillance de l’installation d’eau, c’est au propriétaire qui conteste l’exactitude des indications données par le compteur d’eau individuel de prouver cette défaillance. Il existe en quelque sorte, une présomption d’exactitude du compteur.

Et cette décision est nouvelle sur cette question ?

Non au contraire, la Cour de cassation, malgré la résistance des tribunaux, a toujours considéré que s'il n’était pas démontré au-delà du mode de vie de l’occupant, la preuve matérielle d’un dysfonctionnement du compteur, au besoin par une expertise approfondie, c’est le compteur d’eau qui a raison !

Et donc dans l’affaire d’Antibes, il aurait fallu vérifier s'il n’y avait pas eu un branchement sauvage ?

Oui, mais c’était au copropriétaire à qui l’on réclamait les 5.400 euros de financer cette expertise pour laquelle il eut fallu investir 6.000 euros. Sans compter les frais de procédures et d’avocats etc. De quoi décourager les justiciables !  A la semaine prochaine Roland !