Raymond Domenech, nouveau consultant spécial d'Europe 1, nous livre son expérience des barrages à deux jours du match des Bleus contre l'Ukraine.
Raymond Domenech, ancien sélectionneur des Bleus et consultant spécial d'Europe 1
Ses déclarations :
On est à J-1 de ce match face à l'Ukraine. Vous qui connaissez ça par cœur, qui avez vécu ça de l'intérieur, comment se prépare-t-on à 24 h d'un rendez-vous aussi crucial ?
"C'est le rôle de l'entraîneur, d'arriver à dédramatiser la situation tout en gardant la pression. C'est un équilibre. Il ne faut pas se tromper. Ne pas mettre trop de pression sans pour autant complètement la couper."
Ne pas dramatiser ?
"Non, il faut pas dramatiser. On dit toujours, c'est deux matches. Sur le premier, on est un peu plus serein, tranquille. On y va pour faire quelque chose, on peut créer la surprise. C'est ce qu'a dit Didier Deschamps : "On y va pour gagner le match". Les joueurs le reprennent. Je trouve que c'est la bonne idée. C'est ce qu'on avait fait il y a 4 ans en Irlande, et on avait été tranquille. Enfin là, on devrait être tranquille."
Cas très concret : 24 heures avant la finale de la coupe du monde contre l'Italie en 2006, vous leur aviez dit quoi à Zidane et à ses copains ?
"On dit plus grand’ chose à ce moment-là. Dans une compétition, c'est différent d'une qualification. Ce n'est pas tout à fait la même pression. Là, ça fait quand même un mois qu'on y est, qu'on est en place. On existe depuis longtemps, on a eu le temps de parler avec les joueurs. C'est une coupe du monde : il faut essayer de tempérer ce qui vient de l'extérieur, ce qui peut gêner, influencer..."
D'où la bulle qui peut énerver un peu l'opinion publique, les médias ?
"Oui, ça énerve tout le monde, mais il faut comprendre ça, c'est nécessaire, et on peut pas y échapper. Maintenant, il y a les téléphones, internet... Avant, on pouvait. On fermait les téléphones, on fermait tout, ils étaient enfermés dans leur chambre. Aujourd'hui, c'est complètement impossible, mais c'est compliqué (sic)."
Participer à une coupe du monde, c'est l'objectif suprême pour un footballeur. Les Ribéry, les Evra, les Lloris sont habitués à la pression, jouant tous dans de très grands clubs. Avec la qualification pour la coupe du monde, vous pensez qu'ils ont le trac ? Ou ils ont l'habitude et ils gèrent ?
"Ils ont l'habitude de gérer les matches de ce niveau-là. Mais celui-là, à part les trois qui ont fait le match contre l'Irlande pour la coupe du monde 2010, les joueurs savent pas ce qui va se passer. Ils peuvent imaginer qu'ils sont assez costauds, qu'ils ont les épaules assez larges, qu'on a un brin d'inconscience qui feront qu'on va passer. Mais ce n'est qu'une fois sur le terrain, qu'on va faire la première passe, qu'on va voir le public, qu'on va se rendre compte que l'adversaire est mieux ou moins bien que ce qu'on pouvait imaginer... Ce n'est que là qu'on voit et qu'on sait. Avant, on peut faire toutes les suppositions qu'on veut..."
Je vous montre la Une de "L'Equipe", ce matin, avec Franck Ribéry qui dit : "Plus rien ne me fait peur". Pour vous, ce discours-là, c'est un atout, ou on tombe dans le risque de l'excès de confiance ?
"Le problème, c'est que le titre est un raccourci. En fait, Franck n'a jamais eu peur de rien.Il est comme ça, il a toujours eu ce brin d'inconscience qui en fait sa force ou qui est parfois un défaut.Le fait que les joueurs n'aient pas peur est un plus. Mais il suffit pas de l'affirmer, encore une fois. Il faudra le démontrer sur le terrain. Au bout de cinq minutes de match, on pourra dire : oui, ils confirment ce qu'ils ont dit pendant ces quelques jours... ou pas."
Est-ce qu'ils vous font peur, ces Ukrainiens ? Ils sont restés invaincus les 11 derniers matchs. Ce n'est peut-être pas la gentille petite équipe qu'on a voulu nous présenter ces derniers jours…
"Oui, c'est pas une petite équipe, mais c'est la meilleure équipe qu'on pouvait prendre dans ces barrages. Le Portugal, la Croatie... Il y avait des équipes autrement plus dangereuses. Si on prend les joueurs de l'équipe de France, ils jouent au Bayern, à Arsenal, à Liverpool, au Real... Des grands clubs. Ça nous ramène quelques années en arrière, en 1998 ou en 2006, où les joueurs de l'équipe de France jouaient dans les grands clubs européens. Là, on s'en rapproche. Les Ukrainiens eux, ils jouent en Ukraine. C'est bien."
C'est peut-être parce que vous n'êtes plus sélectionneur, mais on vous sent complètement serein. Pour vous, on va se qualifier ?
"Je suis complètement serein, et je l'étais même quand j'étais sélectionneur."
On vous l'a d'ailleurs peut-être parfois un peu reproché. C'est quoi votre pronostic pour demain soir ?
"Oh je suis très mauvais en pronostics."
Oh non vous faites ça chaque fois ! Maintenant que vous avez le maillot Europe 1, faut vous mouiller !
"Je veux qu'on se qualifie. Et pour être serein, tranquille, il faut aller mettre un but en Ukraine. Parce que un 0-0, même là-bas, peut être très, très dangereux. "
Parce qu'avec un 1-1 au retour, on est éliminé.
"Voilà. Donc, allez marquer un but là-bas."
C'est la mission et la feuille de route du coach Domenech ! Vous avez des contacts avec les joueurs, avec Didier Deschamps ? Vous leur envoyez des SMS ?
"Non, je les laisse en paix. Je les laisse travailler comme j'aurais aimé qu'on me laisse travailler.