"Les salariés nous font confiance pour représenter leurs intérêts"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

La CGT et Force ouvrière ont décidé de boycotter la troisième Conférence sociale.

Ce matin à 7h15, Europe 1 recevait Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT.

Voici ses déclarations :

 

Bonjour Thierry Lepaon

"Bonjour."

Secrétaire général de la CGT. Merci d'avoir accepté ce matin sur Europe 1. Franchement, à quoi ça sert de boycotter une conférence sociale ?

'Eh bien ça sert à faire mesurer le contentement qui existe dans le pays et de la part des syndicats qui ont décidé de boycotter la deuxième journée de cette conférence sociale. Il y a dans notre pays un climat social tendu, tout le monde peut le constater. Il y a une absence de réponse du gouvernement aux préoccupations des salariés. Nous considérons que le dialogue social est, certes, une méthode que nous apprécions.  Ce n'est pas un objectif. L'objectif, c'est de répondre aux attentes des salariés en matière de salaire, d'emploi et de protection sociale."

Mais franchement, on a l'impression d'une posture. Un mot qui revient beaucoup dans la presse ce matin, comme si tout ça était cousu de fil blanc.

"On peut toujours simplifier les choses, mais c'est beaucoup plus complexe. La CGT n'est pas sur une posture, elle a vocation à être présente partout où l'intérêt des salariés est en jeu. Le travail préparatoire que nous avons fait, personne n'en parle, mais nous avons eu 14 réunions préparatoires avec les différents ministres pour la conférence sociale. Nous avons formulé 94 propositions qui permettaient d'alimenter le débat lors de la conférence sociale, préconisé 5 mesures qui nous paraissaient urgentes à mettre en œuvre lors de la conférence sociale. Aucune de ces mesures et de ces propositions n'a été prise en compte par le gouvernement parce que le patronat refuse qu'on discute salaire, emploi et financement de la protection sociale."

Certains parlent d'humiliation pour François Hollande. Ça se passait mieux avec Nicolas Sarkozy ? Vous n'étiez jamais allés aussi loin !

"Non, il ne s'agit pas d'humilier qui que ce soit. Nous avons répondu en bons républicains à l'invitation du président Hollande. Nous avons jugé que notre participation n'était pas nécessaire, aujourd'hui, à l'invitation de Manuel Valls et de ses différents ministres."

Il y a un chiffre assez terrible, aujourd'hui, pour les syndicats : moins de 8% des salariés sont syndiqués. Vous représentez qui, finalement, Thierry Lepaon ?

"Un peu plus de 700.000 adhérents. La première force organisée de ce pays. La CGT a, à elle seule, plus d'adhérents que l'ensemble des partis politiques dans notre pays. Et puis, presque 40% des voix aux élections professionnelles, ça veut aussi dire que les salariés nous font confiance pour représenter leurs intérêts."

Alors, 15% de vos adhérents ont moins de 35 ans, c'est un vrai problème de renouvellement. Ça ne vous interroge pas, ça ?

"Oh si, ça fait longtemps qu'on travaille sur cette question-là. Vous aurez remarqué que, cette année, nous avons plus de jeunes que nous n’en avions les années précédentes. Mais vous savez, adhérer à un syndicat, c'est quelque chose de compliqué, aujourd'hui, parce que la liberté syndicale n'existe pas vraiment dans notre pays. Et que c'est difficile, quand on travaille dans une PME et une TPE, d'adhérer à un syndicat. Enfin, parce que nous avons encore des structures un peu complexes qui ne permettent pas à notre CGT d'être suffisamment accessible. C'est un vrai défi pour notre syndicalisme."

Il y a une enquête qui sort cette semaine dans le Nouvel Obs. Je ne sais pas si vous l'avez lu mais le titre est assez clair : "Y a-t-il un pilote à la CGT ?" Vous, Thierry Lepaon, on vous présente comme un homme intelligent, de dialogue, de compromis, mais un homme de plus en plus débordé par sa base. On l'a vu à la SNCF il n'y a pas très longtemps : 15 jours de grève alors que 2 seulement étaient prévus. On s'en aperçoit aujourd'hui avec la SNCM. Vous êtes serré de près au sein de la CGT ?

"Non, non, pas du tout. Nous débattons en interne sur la stratégie et sa mise en œuvre. Stratégie définie il y a plus d'un an au congrès confédéral de la CGT de Toulouse, qui tient en 3 mots :  utile aux salariés, accessible et solidaire."

Manifestement, les salariés ils ne vous suivent pas et ont l'air largué par ce qu'il se passe à la conférence sociale en ce moment.

"Les salariés seraient peut-être moins largués si on avait parlé salaire, emploi et financement de la sécurité sociale. On leur parle seulement de la méthode du dialogue social mais jamais des contenus. Et nous, ce sont les contenus qui nous intéressent."

On reproche aussi souvent aux syndicats et à la CGT de ne s'intéresser qu'aux acquis et aux droits de ceux qui travaillent, et non pas à ceux qui ne travaillent pas.

"C'est un faux procès. Je sais que cette idée-là existe. J'ai passé quelques heures, il y a une semaine, avec notre comité national des privés d'emplois, des chômeurs et des précaires. Nous sommes d'ailleurs la seule organisation syndicale de ce pays à organiser les précaires, les chômeurs, pour faire en sorte qu'ils aient voix au chapitre. Et à chaque fois qu'il y a une négociation nationale sur l'assurance chômage par exemple, la CGT fait en sorte que, dans sa délégation, il puisse y avoir un privé d'emploi."

Il y a aussi ce sondage IFOP sur les dernières européennes, pour l'Humanité, qui alerte : 22% des sympathisants CGT qui disent avoir voté FN aux européennes.

"Oui, il y a un désespoir dans ce pays qui se traduit ainsi. La CGT n'est pas une organisation étanche. Nous faisons beaucoup de travail pour combattre les idées du FN. Nous avons eu plusieurs initiatives l'année passée et continuons encore aujourd'hui à discuter, dans nos syndicats, pour expliquer que le vote refuge ou de contestation du FN ne permettra pas de sortir notre pays de la crise. Mais nous vivons dans un monde qui est divisé et éclaté, où les idées faciles l'emportent souvent sur le raisonnement et la proposition. Nous combattons ces idées qui sont nauséabondes pour les salariés et pour le pays."

Et donc, la solution pour vous, c'est de claquer la porte et de boycotter toutes les réunions ?

"La solution, c'est de faire en sorte qu'on puisse avoir le droit à une expression, à exprimer nos revendications."

Mais on vous le donne, ce droit, c'est ça qu'on ne comprend pas.

"Non, il n'y a pas le droit. Je vous expliquais à l'instant que toutes les propositions que nous avons formulées ne sont pas à l'ordre du jour de cette conférence sociale, que nous nous sommes beaucoup investi pour faire des propositions très concrètes. Mais le gouvernement, l'ensemble des ministres, le premier d'entre eux, ne veut pas qu'on en discute. Sa seule préoccupation, c'est de faire croire aux salariés qu'il y a un dialogue social. Cela n'est pas suffisant, n'est plus suffisant."

On fait quoi, maintenant, Thierry Lepaon ?

"Il faut ouvrir des négociations sur des questions qui préoccupent les salariés. Nos propositions portaient sur 5 points : les salaires, l'emploi et la lutte contre la précarité, la question des qualifications, car trop de qualifications sont aujourd'hui rémunérées en-dessous du SMIC."

Et bah il faut en parler, alors...

"Il y a la question du contrôle des aides publiques. Je rappelle que notre pays verse tous les ans 230 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises, soi-disant pour préserver et créer de l'emploi. On voit malheureusement le résultat, avec le chômage qui augmente. Nous pensons qu'il faut rompre avec ce pacte de compétitivité qu'ont voulu François Hollande et Pierre Gattaz."