Pour Denis Payre, l’État a tort de se mêler du rachat d'Alstom.
Invité : Denis Payre, entrepreneur et président du mouvement Nous Citoyens
Ce matin à 7h15, Europe 1 proposait "La question qui fâche" : L’Etat a-t-il raison de se mêler du rachat d’Alstom ? Avec Denis Payre, entrepreneur et président du mouvement « Nous Citoyens »
Peut-on reprocher à Montebourg et Hollande de vouloir défendre au mieux les intérêts d'Alstom ?
"Je crois que oui ! Rappelons-nous que l'Etat n'est pas actionnaire d'Alstom et n'a donc pas à se mêler de sa cession !"
Ce n'est pas ce que dit Patrick Kron, patron d'Alstom...
"Forcément, il va faire du politiquement correct ! Je pense que l'Etat se mêle des affaires d'Alstom : ce n'est pas le bon message à envoyer au reste du monde ! Là, on envoie : si vous faites des affaires en France, attention, l'Etat va s'en mêler. Je peux vous garantir que la prochaine fois qu'une entreprise française va vouloir acheter une entreprise américaine, il y a des chances qu'elles subissent des mesures de rétorsion."
Vous êtes pour la loi de la jungle : que le plus fort rachète tout, et tant pis s'il n'y a plus d'entreprise en France...
"Pas du tout ! Je dis que la façon d'aider l'économie, le patriotisme économique, c'est créer un environnement propice au développement des entreprises françaises, qu'elles deviennent fortes et conquérantes et pas des proies ! C'est ça la priorité, pas de se mêler de transactions de ce type-là, de choisir un champion sur des critères qui sont ceux de l'Etat. GE est une entreprise présente en France depuis des années, qui a une vraie présence industrielle, ce n'est pas un fonds vautour qui va dépecer l'entreprise."
"Je pense que Montebourg et Hollande font peur aux investisseurs, oui. Je pense que faire du mécano industriel en mode pompier, ça fait peur aux investisseurs, ça ne leur donne pas envie d'investir en France. On sait que, quand on investit en France, l'Etat va s'en mêler à tous les coups. Ce n'est pas le bon message."
On dit que nous les européens on ne sait pas se protéger, on se fait avoir par les américains, les chinois... Ce n'est pas idiot d'essayer de trouver une solution européenne ?
"Trouver une solution européenne au dossier en s'y prenant 5 ans avant : oui bien sûr ! Avec un ministère des Finances qui a une direction visionnaire, qui va prendre des contacts avec le gouvernement allemand, avec Siemens, pourquoi pas. Mais s'y prendre au dernier moment, en mode pompier, intervenir dans une transaction majeure, essayer de la déstabiliser, c'est le pire des messages qu'on puisse faire passer à la communauté internationale. Encore une fois, quand on fait des affaires en France, l'Etat s'en mêle : il y aura forcément des mesures de rétorsion un jour."
Alstom : 18.000 emplois en France. Si, racheté, il y a un plan de licenciement ? Vous savez combien d'usines la France a perdu en 3 ans ? 1.087 !
"Pourquoi a t-on perdu ces emplois ? Car nous avons un des environnements les pires des pays développés, une des fiscalités les plus élevées au monde. L'Etat prélève 17% du PIB sur les entreprises, la moyenne européenne est de 12%. Les entreprises françaises sont les moins rentables d'Europe. La bureaucratie est une des pires au monde, elle a été évaluée par le World Economic Forum, sur 149 pays on est un des 15 pires pays au monde, entre l'Angola et la Birmanie ! C'est ça dont Arnaud Montebourg doit s'occuper : il a beaucoup d'énergie, c'est formidable mais il ne connait pas l'entreprise ! Comme tous nos dirigeants politiques ! Il découvre l'entreprise : il aurait été beaucoup mieux au ministère de la Justice ! Je ne suis pas du tout sûr qu'il ait les compétences pour être à la tête d'un ministère qui s'occupe des entreprises. Il ne les connait pas, comme tous nos dirigeants : c'est pourquoi nous avons un taux de chômage extrêmement élevé et des situations comme celles-là où nous entreprises sont des proies et pas des prédateurs."
L'Etat est parfois utile : en 2004, il a sauvé Alstom du dépôt de bilan en rachetant 20% des parts. Aux USA, personne ne trouve à redire quand l'Etat injecte 50 milliards pour sauver General Motors ?
"Je pense que dans ces deux cas, les Etats, français ou américains, ont parfaitement bien fait de s'impliquer ! Les américains ont su faire ce genre de choses alors que l'Etat n'a pas ce genre d'habitude."
L'Etat sert juste à donner de l'argent ?
"Non, en l'occurrence il a servi à ce que ces entreprises puissent repartir sur des bases saines et se redresser. Ca a très bien fonctionné. Mais que l'Etat interfère dans des transactions majeures comme celle-là, il y aura forcément des répercussions, des mesures de rétorsion, c'est le pire message à envoyer à la communauté financière internationale. Il n'est pas anormal qu'il y ait des rachats ! Seulement pour Alstom, ancien fleuron de l'industrie française, on aurait préféré les voir comme prédateur et non comme proie : c'est la conséquence de 30 ans de dérive de la dépense publique, qui fait que l'Etat est obligé de prélever des quantités considérables d'impôts et de charges sur l'ensemble de la société et sur les entreprises en particulier, que nos entreprises sont les moins rentables d'Europe et subissent la bureaucratie la plus lourde."