"Aujourd'hui, la préoccupation des iraniens, c'est la consommation. C'est un mode vie très occidentalisé pour une très grande partie de la population."
Bonjour,
Ce matin à 7h15, Europe 1 proposait "Vous allez tout comprendre" : A quoi ressemble le quotidien des Iraniens ? Que pensent-ils de l’accord sur le nucléaire ? Avec Ariane Lavrilleux, envoyée spéciale d’Europe 1 en Iran.
Elle répondait à Thomas Sotto. A noter qu'Europe 1 est la seule radio française présente en Iran après l'accord sur le nucléaire.
Ses déclarations :
Que se dit-on dans les rues de Téhéran après cet accord ?
"C'est un grand ouf de soulagement. Je suis présente depuis une semaine, j'ai vu pour la première fois des sourires sur les visages ! La première chose que les iraniens attendaient, c'est la fin des sanctions. Elles étouffent totalement leur économie, les prix ont été multipliés par 3, 4 en seulement six mois cette année. Ils ne peuvent plus rien s'acheter. Avec un emploi de secrétaire, on gagne 250 euros, et on voit pourtant les prix pratiqués à Paris. Un portable, c'est 625 euros, trois fois le salaire. Un chewing-gum coûte le prix d'un sandwich il y a six mois ! Ici, on fait des économies de bouts de chandelles, on emprunte à ses parents, on vit très longtemps chez eux. Quand on est étudiant, s'acheter des livres est très compliqué, ça coûte très cher et il par exemple impossible d'aller sur Amazon, bloqué. Autant de choses qui rendent la vie quotidienne vraiment impossible."
A quoi ressemble Téhéran ?
"Nous avons une image extrêmement caricaturale de l'Iran. L'Iran, ce sont des mosquées à moitié vide, des jeunes filles dont les cheveux dépassent à moitié de leur voile, des jeunes femmes extrêmement maquillées qui tiennent par la main leurs compagnons. Ça ne choque plus aujourd'hui, il faut le voir. Aujourd'hui, la préoccupation des iraniens, c'est la consommation, prendre un burger à la sortie de l'université, aller au café... C'est un mode vie très occidentalisé pour une très grande partie de la population."
Les habitants de Téhéran sont-ils préoccupés par le programme nucléaire iranien ?
"Non, pas du tout. Ils s'en fichent ! Pour eux, la bombe nucléaire n'est même pas un sujet. Ils me disent : "Nous sommes pacifiques, nous ne voulons pas la bombe nucléaire." Un commerçant disait : "On s'en fiche". Il a écrit sur le mur Facebook du ministère des Affaires étrangères : "Je me fiche de votre uranium, je veux acheter mes jeans au prix normal". Pour eux, la bombe atomique n'a aucune importance ; ils veulent juste des centrales nucléaires pour produire de l'électricité, c'est tout."
Que disent-ils de la France, de François Hollande ?
"Ils aiment beaucoup la France ! J'ai été très bien accueillie, malgré les déclarations et la récente attitude de Laurent Fabius et François Hollande à l'égard de l'Iran. On m'a posé à chaque fois la question : "Qu'a fait votre pays ? Pourquoi soutient-il Israël ? Pourquoi ne souhaite-t-il pas que nous vivions normalement, que les sanctions soient levées ?" La position de la France n'a pas été comprise, d'autant qu'ils aiment vraiment la France, on me parle tout le temps des auteurs français, Voltaire, Camus... Il y a une image très positive de la France et une vraie déception, une susceptibilité par rapport à l'attitude récente de la France."
Dans quelles conditions travaillez-vous en Iran ?
"Il n'y a presque aucun problème, sinon qu'il faut porter quotidiennement un voile quand on est dans la rue, dans un lieu privé, partout hors de la chambre d'hôtel. Mais ce n'est pas un tchador, juste un petit châle dont les 3/4 des cheveux s'échappent facilement. Il n'y a aucun problème pour interviewer les gens, on me répond assez facilement malgré quelques réticences : les services secrets sont assez importants, un certain nombre de personnes sont emprisonnés pour des motifs politiques... Il y a parfois une réticence à parler des sujets politiques. Mais dès que la glace est brisée, les iraniens sont extrêmement accueillants envers les journalistes étrangers."