Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, c'est champignons vénéneux et cookies informatiques sur fond de société de consommation.
"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.
Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes.
Alors, est-ce que vous avez résisté, Wendy ? Dimanche dernier je vous incitais, en relayant la charte de l'association Zero Waste, zéro gaspillage, à ne rien acheter de neuf en 2018. Ce n'est pas évident. Une des signataires de la charte raconte d'ailleurs cette semaine qu'elle a craqué, qu'elle n'y arrivait pas, mais qu'elle s'était achetée un petit carnet, notant chaque nouvel achat. Le petit carnet, comme la métadone de l'héroïnomane, ou ces trois cigarettes qu'un fumeur repenti garde toujours au fond de sa poche.
Car oui, la consommation cest une drogue dure, notamment quand le discours économique dominant reste englué sur la sacro-sainte croissance. Pas évident quand le marketing direct se distille vénéneusement sur tous nos écrans.
J'ai eu le malheur d'aller consulter quelques minutes un site pour consulter les offres sur les vidéo projecteurs. Depuis, je reçois pas moins d'une dizaine de messages chaque jour de tous les vendeurs de Hi-Fi et d'électroménager du marché. Ce sont des Français qui ont inventé ces diaboliques petits fichiers, les cookies, qui stockent les données de navigation et qui permettent de tracer un internaute.
Leaders français de la pub en ligne, l'entreprise s'appelle Critéo, cotée plusieurs dizaines de millions de dollars à Wall Street. Figurez-vous qu'il a fallu qu'Apple nous annonce cette semaine qu'il s'apprêtait à réduire l'utilisation des cookies pour que Critéo, en deux séances à Wall Street, perde un quart de sa valeur. Oui, le monde bouge. Savez-vous, quel est l'un des plus gros succès de librairie en 2017 ? "Mes épluchures, qu'est-ce que j'en fais ?". 20.000 exemplaires vendus. Où l'on découvre que les Français utilisent les peaux de banane pour se blanchir les dents, les pelures d'oignon pour se teindre les cheveux et les peaux de melon pour faire des confitures.
Car oui, ça part de là. Rien de neuf en 2018, c'est peut-être commencer par ne rien jeter. Le sociologue Marc Antoine Morier, dans une passionnante étude publiée au mois de novembre dernier, nous explique que oui, les déchets on peut tous les éliminer. Qu'est ce qui fait qu'on jette quelque chose ?
On n'a pas assez de place. A l'heure de la miniaturisation, ça peut se gérer.
Parce qu'on considère que l'objet appartient au passé. Quand on sait que les modes reviennent tous les quarts de siècle, on peut garder.
Et là, c'est plus compliqué, ça relève de la culture et de l'éducation. On jette ce qui est sale. Mais qu'est ce qui est vraiment sale, finalement ? Quand on voit qu'au Brésil, une campagne de publicité télévisée incite les gens à faire pipi sous leur douche pour économiser de l'eau dans les zones de pénurie, avec des médecins qui nous rappellent que l'urine est stérile, qu'elle ne contient pas de germe. Pas évident que le public en France suive.
On le voit bien, avec les accros de la consommation, avec notre manière de gérer les déchets, que c'est un problème de mentalité. Mais oui, le monde bouge. À l'image de Jérémie, 35 ans, brillant étudiant sorti d'une école de commerce française. Qu'est-ce qu'il fait Jérémie ? Wall Street ? Non, Jérémie, il développe la culture à domicile des champignons. De délicieuses pleurottes, qu'on fait pousser sur ses propres déchets. Et ça marche.
Dans un monde où les champignons à domicile deviennent moins vénéneux que les cookies, je me dis qu'il y a de l'espoir !