Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, la diplomatie internationale ressemble à un scénario de film hollywoodien.
"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.
Bonjour Wendy.
Je l'avoue, j'ai été fasciné en découvrant l'interview la semaine dernière, à la télévision russe, d'un ancien responsable du KGB, Alexandre Voloshin, qui nous raconte froidement qu'une cellule de psychologues et de propagandistes soviétiques, au milieu des années 70, ont bel et bien financé et instrumentalisé le groupe punk des Sex Pistols pour déstabiliser l'occident. Vrai ou pas, on ne le saura jamais, je pense. Mais voilà l'ombre du grand ennemi russe, que James Bond à longueur de films combat, qui resurgit.
Je l'avoue, cela fait des semaines que je suis scotché devant ma télé, à regarder la 7ème saison de la magnifique série hollywoodienne "The Americans", qui raconte comment des officiers du KGB se sont incrustés dans l'Amérique reaganienne en formant de faux petits couples d'Américains moyens parfaits.
Je l'avoue, j'ai du mal à quitter mon écran en regardant la 7ème saison de "Homeland", ou comment des Russes, manipulant des fake news, déstabilisent la Maison-Blanche. L'enquête sur les intrusions russes durant la campagne de Trump n'est même pas achevée que Hollywood nous la raconte.
Oui, je suis troublé par cette frontière de plus en plus ténue entre fiction et réalité. L'impression d'être dans un film, en lisant hier les implacables conclusions de l'enquête de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques sur l'empoisonnement en Angleterre d'un ancien espion russe retourné. Des petites fioles contenant un gaz innervant surpuissant, fabriquées dans un laboratoire de la banlieue de Moscou, transportées jusque dans le sud de l'Angleterre, déposées sur les poignées de porte du domicile de l'ancien agent, pour le tuer en douceur.
L'impression tout aussi troublante que c'est un scénariste qui aurait rédigé la déclaration du porte-parole de l'armée russe qui, en réponse aux accusations britanniques, affirme sans sourciller que les bombardements chimiques sur la banlieue de Damas ne seraient qu'une mise en scène, que des agents britanniques auraient infiltré les casques blancs, incitant les rebelles à tirer des obus sur Damas pour obliger le régime à répliquer et toujours mettre en scène la douleur des victimes.
Le sentiment que plus c'est gros, plus ça passe. Le sentiment que la diplomatie et la politique récupèrent à leur manière le spectacle hollywoodien. Mais voilà, captées par des téléphones portables, les terribles convulsions des enfants de la Ghouta ne sont pas des images de fiction, mais un témoignage de l'actualité. Les missiles qui se sont abattus cette nuit en Syrie ne sont pas un spectacle.
"Le risque d'une escalade militaire totale" ne sont pas des propos de scénariste. Ils sont signés du Secrétaire Général de l'ONU, 40 ans après. Fussent-ils écrits par un stylo russe, les mots des Sex Pistols résonnent étrangement : "Il y a plusieurs moyens d'obtenir ce que tu veux, j'utilise le meilleur, j'utilise l'ennemi, j'utilise l'anarchie." Alors oui, ce n'est peut-être qu'une chanson. Mais non, c'est le refrain de l'actualité, celle de cette nuit en Syrie, reflet d'un monde réel, au bord du chaos.