Carnage à Carnac : «Tout ça pour ça !»

  • Copié

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

À Carnac, en Bretagne, une quarantaine de menhirs du néolithique ont été détruits pour laisser place à un magasin Mr Bricolage. Une association de défense du patrimoine culturel breton a porté plainte

Ça passe mal dans la ville, qui prépare le classement au patrimoine mondial de l’Unesco de ses alignements de menhirs vieux de 5.000 à 7.000 ans. On apprend, dans Ouest-France, qu’une parcelle, qui abritait une quarantaine de pierre dressées, a été ravagée par des engins de chantier venus creuser les fondations d’une grande surface du bricolage.

On ne sait pas trop ce que sont devenus les menhirs. Un carnage à Carnac. Les associations de préservation du patrimoine sont furieuses, la destruction d’un site archéologique est punie de de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende.

Et Ouest France tente de démêler les fils de cette affaire. Qu’est-ce qu’on en sait ?

D’abord, qu’un permis de construire a bien été accordé en aout 2022 par la mairie de Carnac à une société baptisée de façon assez ironique “ le marché des druides". Permis validé par les services de l’Etat et qui n’a fait l’objet d’aucun recours, pas même des défenseurs du patrimoine. C’est suffisamment rare en France pour être souligné.

Très surprenant, car les menhirs étaient référencés depuis 2015 sur l’Atlas des patrimoines, une plateforme du ministère de la Culture qui cartographie les sites archéologiques. Et pour cause : il y avait déjà eu des fouilles en 2014 sur ce site, lors d’un premier projet de construction de la même société, qui avait été annulé.

Et pourtant, la seconde fois, c’est passé.

Aussi énorme que cela puisse paraître. Ni le maire, ni le porteur du projet n’avaient  visiblement été avertis que la zone était frappée d’exclusion pour les permis de construire.  D’après la mairie de Carnac, il y a eu une erreur administrative de la part des services régionaux des affaires culturelles. Cette Drac a bien  inscrit le lieu dans l’ancien Plan d’occupation des sols (POS), ce qui devait interdire toute construction... Mais la mention n’a pas été mise à jour dans le nouveau le Plan local d’urbanisme (PLU) - j’espère que vous suivez. L’information se serait perdue entre deux dossiers.

Le chercheur qui a donné l’alerte n’y croit pas. Pour lui, c’est la faute la mairie et des services de l’Etat qui se pressent de construire avant l’inscription au patrimoine de l’Unesco, qui va figer la situation.

Comment se fait-il que ce groupe de menhir ait pu passer à la pelleteuse sans que personne ne réagisse ?

Ils sont situés sur une parcelle couverte de broussailles et de gravats depuis des années. Contrairement à ce que laissent penser les photos d’illustrations qui ont servi dans les articles relatant l’histoire, les menhirs ne se voyaient pas. Ils ont été oubliés de tous, y compris des associations de préservation du patrimoine, des services de l’Etat et des affaires culturelles, qui aujourd’hui pleurent le trésor disparu. Personne n’a rien dit. Et comme ils ne sont pas très gros, ils ont été traités comme de vulgaires cailloux.

Il va falloir faire la lumière sur ce gros cafouillage.

On a envie de filer la métaphore archéologique. La France empile des couches de sédiments administratifs. Pour chaque construction, enquêtes publiques,  explorations environnementales, fouilles archéologiques préventives coûteuses. Elle croule sous les recours interminables. Admettons. Le patrimoine est un bien précieux, et on s’honore à le préserver.

Mais se donner autant de mal en normes, contraintes, dossiers divers pour ne plus parvenir à exhumer de la poussière, le moment venu, les documents adéquats pour protéger des menhirs vieux de 7000 ans ... Ca donne envie de tomber Abraracourcix sur ce gros bricolage administratif.

Les chroniques des jours précédents