Immobilier : la grosse grippe

  • Copié

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Le 28 novembre dernier, le Président de la République avait lancé un Conseil national de la refondation consacré au logement. Le but était alors “ de dégager des solutions et dessiner ensemble la politique du logement en France, en identifiant des solutions concrètes.”

Les conclusions devaient être rendues le 9 mai... Affaire remise au 5 juin, pour des “ problèmes d’agenda” gouvernemental

Les professionnels du secteur, qui travaillent depuis des mois, ont été prévenus quelques jours avant le report. Cette légèreté les a rendu furieux. Ce n’est pas comme s’il y avait pas urgence, et ce n’est pas comme s’ils alertaient depuis des mois sur la situation désastreuse du logement en France.  En un an, a enregistré 100 000 mal logés de plus, 100 000 demandeurs de logements sociaux, 10% de personnes à la rue. Ce sont les chiffres d’un professionnel du secteur. Il faudrait construire de 250 000 à 500 000 logements par an pour répondre aux besoins – selon le rythme des rénovations.

Et pourtant le système est grippé. Tous les indicateurs sont au rouge, à la fois du côté de l’offre et de la demande.

L’offre d'abord. En 2022, les ventes de logements neufs aux investisseurs particuliers ont reculé de 26 % et même de 40% au dernier trimestre. Les autorisations de nouveaux logements sont en chute. Tout se conjugue pour freiner les travaux : flambée des coûts de l’énergie, des matières premières, pénuries de matériaux, de main-d'œuvre. Le tout, dans un environnement de haute pression réglementaire avec des normes environnementales rendant toujours plus compliqué la libération du foncier. La loi ZAn, par exemple, qui doit éviter l’étalement urbain. Et dans les villes, les maires rechignent à densifier. A la location, tout est gelé aussi.

Du côté de la demande, une berezina s’annonce.

La hausse brutale des taux d’intérêt, au dessus de 3% pour la première fois depuis 2014, qui plombe le pouvoir d’achat. L’accès au marché devient de plus en plus difficile, aussi bien pour les emprunteurs faiblement dotés en apport personnel que pour les ménages plus aisés.

Catastrophe en vue.

Bombe a fragmentation. La Fédération française du bâtiment prévoit 100 000 suppressions de postes d’ici 2025 si rien ne change.  Marché de la vente grippée, marché de la location tout autant... On a les ingrédients d’une crise sociale type gilets jaunes.

Le report des mesures par le Gouvernement est une faute politique

Oui,  car le retard dans le secteur du bâtiment et du logement se répercute sur des mois, c’est une crise qui s’enkyste quand on procrastine. Il faudrait des mesures choc de libération du foncier, une sécurisation  des financements, un assouplissement urgent de l’accès au crédit, trouver un nouveau mécanisme d’incitation pour remplacer le dispositif Pinel qui s’achève en 2024, créer un nouveau statut de bailleur. Des propositions attendues dans le sillage des conclusions du Conseil national de refondation du logement. Eh bien, il faudra attendre. Le Gouvernement s’est mis tout seul un mois dans la vue pour des “questions d’agenda”, ça en dit long sur le degré de priorité accordé à un sujet aussi crucial que le logement

Les chroniques des jours précédents