Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Jean-Dominique Sénard, président du conseil d'administration de Renault a été auditionné la semaine passée par la Commission des affaires économiques du Sénat. Il a déploré le fait qu’aucune étude d’impact sérieuse n’ait été réalisée au niveau européen, avant d’interdire la vente de voitures thermiques en 2035.
Il n’est pas le seul dirigeant du secteur automobile à s’inquiéter de la faisabilité de la fin du moteur thermique. La patron de Stellantis Carlos Tavares avant lui. Volkswagen, qui repousse la construction d'une usine batteries, Mercedes qui gardera le thermique plus longtemps que prévu. Les constructeurs sont échaudés par les errements politiques... Comme rien n’a vraiment été préparé, évalué, c’est le brouillard.
Pourquoi l’UE n’a-t-elle pas fait ces études d’impact qui permettraient d’y voir plus clair et peut-être, d’avoir identifié des problèmes ?
Pourquoi ? La première raison, c’est qu’elle a la fâcheuse habitude de penser qu’elle peut fixer un objectif sur un coin de table, et que ça suffit à faire une politique publique. Sans jamais se demander ni comment ni avec quels effets. L’intendance suivra. Elle a fait la même chose avec l’agriculture.
La seconde raison, pour avoir soigneusement évité l’étude d’impact, c’est qu’elle pressentait que les réponses l’obligeraient à confronter la pensée magique à la réalité. Une réalité supposait de tordre le cou à des dogmes écolos.
Lesquels ?
D’abord, le dogme vert de la décroissance, qui continue à façonner la pensée de toute une partie de la gauche européenne. Pour transformer le parc automobile, il faut construire des usines de pièces, de batteries.. Or, il est devenu quasiment impossible d’en implanter en France, dans toute une partie de l’Europe, elles font, toutes, systématiquement l’objet d’opposition. Une étude d’impact, ça signifiait écrire noir sur blanc qu’il fallait de grandes usines, ou renoncer à notre secteur auto pour importer. Dur à assumer.
Il faut aussi des métaux, des terres rares.
Là encore, Une étude d’impact, ça obligeait à dire la réalité aux citoyens. Ces métaux, nous devons les importer. Donc signer des accords de libre échange. Ou alors, il faut recommencer à ouvrir des mines ici, sur le sol européen... Comme la stratégie de la commission a plutôt consisté à exporter loin très loin, les nuisances environnementales pour avoir l’impression que nous vivons dans un paradis vert, ça ne colle pas avec le narratif. Les conséquences de l’objectif tout électrique sont dures à assumer face à l’électorat.
Et puis il y a la question de l’alimentation de ces voitures.
La transformation du parc automobile implique une croissance très importante des usages électriques. Ca ne s’accorde ni avec le discours sur le tout renouvelable, ni avec le discours sur la baisse de la consommation. C’est antinomique. Une étude d’impact sur la voiture électrique obligeait à poser clairement la réalité. Nous avons besoin de produire beaucoup plus, de façon stable et décarbonée, ca suppose du nucléaire. Donc, on a laissé pourrir le sujet, par simple peur d’affronter les chiffres et les faits. L’Europe est rattrapée par la réalité et par ses hypocrisies.