Le 27 août 1896, entre 9h02 et 9h40, se déroule sur l’île de Zanzibar la guerre la plus courte de l’Histoire. Le conflit oppose le Royaume-Uni de la reine Victoria (1819-1901) à l’éphémère sultan zanzibarite Khalid ibn Bargach (1874-1927)…
Au contraire de la guerre la plus longue de l’histoire (la Guerre de cent ans, qui a duré 116 ans), la guerre la plus courte est beaucoup moins connue. Il s’agit de la guerre Anglo-zanzibarite, qui se limita à un bombardement de 38 minutes, entre 9h02 et 9h40, le 27 août 1896.
Une trentaine d’années plus tôt, la France et l’Angleterre avaient signé un traité garantissant l’indépendance du sultanat de Zanzibar , ce pays insulaire de l’Océan Indien situé au large de ce qui s’appelait à l’époque le Tanganyika, aujourd’hui la Tanzanie.
Voici ce qu’écrit le très impartial Jules Cocheris dans la thèse qu’il consacre en 1903 à la situation internationale de l’Egypte et du Soudan : « Après 1862, l’Angleterre n’eut d’autre pensée que de supplanter, à son profit, l’influence morale que la France avait longtemps exercée sur le sultanat. L’armée zanzibarite fut confiée à un officier anglais, les administrations publiques à des employés anglais et la politique du sultan Bargash fut dirigée par Sir John Kirk, consul général britannique. Les progrès de l’anglicisation furent rapides. » Pour les Français à Zanzibar, les carottes étaient cuites !
Tout de même, en échange de la reconnaissance de leur mandat sur Zanzibar, en 1890, les Anglais acceptèrent de reconnaître le mandat français sur Madagascar. Mais en même temps que leur mandat, les Britanniques ont négocié un droit de veto sur la nomination des futurs sultans. C’est cette cruciale question sur le veto qui va déclencher le conflit Anglo-zanzibarite.
Un coup d'Etat après la mort du sultan
Hamad ibn Thuwaïni, sultan pro-britannique de Zanzibar, meurt à 11h40 le 25 août 1896. Alors que les Anglais souhaitent lui voir succéder un certain Hamoud ibn Mohammed, qui leur est dévoué, c’est un certain Khalid ibn Bargach, cousin germain et beau-frère du défunt, qui pénètre dans le palais et s’autoproclame sultan. Alors qu’on célèbre, à 14h30, les obsèques de son prédécesseur, Khalid annonce sa prise du pouvoir par une salve de canons.
Mais les Anglais ne sont pas du tout d’accord et considèrent cette auto-proclamation comme un casus belli. Ils demandent à Khalid ibn Bargach de partir. Au lieu de cela, l’aspirant sultan se barricade dans le palais et constitue une petite troupe de garde composée de civils, de serviteurs et d’esclaves, au total près de 2800 combattants. Il dispose également de plusieurs mitrailleuses, d’un petit canon de bronze datant du XVIIe siècle et de deux petits canons offerts au défunt par le Kaiser Guillaume II .
Ils pointent leur artillerie vers la flotte britannique, mais il est difficile de résister à la force de frappe des Anglais, qui disposent de trois croiseurs, deux canonnières, 150 fusilleurs marins et 900 soldats zanzibarites. Les Anglais donnent un ultimatum qui doit durer jusqu’à 9h le 27 août.
38 minutes de bombardement
A 9h02, les forces britanniques commencent à bombarder le palais qui prend feu, tandis que les canons zanzibarites sont détruits. Durant un bref affrontement naval, les Anglais coulent plusieurs navires zanzibarites et les tirs cessent à 9h40. Le bilan de cette guerre éclair est lourd : 500 victimes du côté du sultan rebelle. Côté anglais, un seul marin est blessé.
Dès les premiers coups de canon, l’éphémère sultan court se réfugier au consulat allemand et le Consul refuse de le livrer aux Britanniques et l’aide à quitter le territoire. Il attend d’ailleurs la marée haute, pour que le sultan n’ait pas à poser le pied sur le territoire Anglo-zanzibarite et puisse partir directement depuis l’Allemagne dans un canot. Il parvient à se réfugier au Tanganyika.
Mais les Britanniques n’ont pas dit leur dernier mot. Ils parviennent à capturer Khalid ibn Bargach vingt ans plus tard, en 1916. Ils l’envoient d’abord aux Seychelles avant de l’expédier à Sainte-Hélène, où Napoléon a rendu son dernier souffle . Il parvient à rentrer en Afrique en 1925 et meurt deux ans plus tard, à Mombassa.