Sous l’Ancien Régime, l’amende honorable est une peine qui oblige un coupable à faire l’aveu public d’une faute, dans l’intention de se faire pardonner. Conduit à l'Echelle de Justice, le condamné doit être à genou, pieds et tête nus. Tenant un cierge jaune, il porte un écriteau sur lequel sa faute est inscrite, ainsi que la mention “Je demande pardon à Dieu, au Roi et à la Justice”.
L’amende honorable n’a rien à voir avec la peine pécuniaire et tout à voir avec l’amende morale. Sous l’Ancien Régime, l’amende honorable est une peine infamante qui oblige le coupable à reconnaître publiquement son crime et à demander pardon. Par extension, faire amende honorable signifie faire l’aveu public d’une faute dans l’intention de se faire pardonner.
C’est parfois une peine qui est donnée seule, notamment dans le cas d’une faute bénigne où on ne souhaite pas la mort du pécheur. C’était par exemple le cas si vous aviez juré en public. Les faussaires et les banqueroutiers frauduleux passaient aussi par l’amende honorable.
En 1440, trois sergents qui devaient arrêter un docteur en théologie pénétrèrent dans le couvent des Grands Augustins à Paris, violant dans le même temps le droit d’asile. L’université exigea un châtiment et les trois sergents furent condamnés à faire amende honorable devant Notre-Dame.
L'amende honorable, une peine obligatoire
L’amende honorable suffisait pour les peines légères. Mais dans le cas des vrais crimes, des criminels ou des régicides (on pense notamment aux frères d’Aunay qui ont couché avec les filles de Philippe le Bel, ou Ravaillac qui a assassiné Henri IV), tous ont dû faire amende honorable avant d’être exécutés dans des conditions terribles. L’amende honorable, on n’y coupe pas.
Pour les crimes bénins, on appelle cela l’amende honorable simple, ou sèche. Dans les autres cas, on l’appelle amende honorable in figuris.
Pour faire amende honorable, le coupable doit être à genoux, nu-tête et nu-pieds, en chemise avec la corde au cou. Il tient à la main un cierge de cire jaune qui doit être d’autant plus lourd que la faute est grave. Sur le dos, il porte un écriteau commençant par les mots « Je demande pardon à Dieu, au roi et à la justice ». La teneur du crime est également notée sur l’écriteau pour que le public soit au courant.
Le coupable est conduit en ville, par l’exécuteur de la Haute Justice, jusqu’à l’échelle de Justice. Au Moyen-Âge, il existe une forme d’amende honorable assez étonnante : les seigneurs rebelles étaient condamnés à porter un chien mort sur leurs épaules car le chien était le symbole de la fidélité. Porter un chien mort symbolisait donc la fidélité éteinte.
L'homme qui refusa de faire amende honorable
Les coupables pouvaient contester la décision de faire amende honorable, à leurs risques et périls. Il existe un exemple daté de 1632 où un homme condamné à neuf ans de galères refusa de dire les paroles du condamné pour faire amende honorable. Il fut condamné à perpétuité.
A Paris, il existait plusieurs échelles de Justice mais la principale se trouvait au pied de Notre-Dame. Une fois que le condamné avait fait amende honorable, il était hissé sur l’échelle pour être canardé d’ordures, d’œufs et fruits pourris par la foule rassemblée. Dans le cas d’une peine simple, le coupable était ensuite libre de rentrer chez lui. Les condamnés à mort, eux, étaient directement conduits sur les lieux de leur supplice.
La grâce providentielle des condamnés
L’amende honorable n’était pas nécessairement une fatalité : une grâce providentielle était toujours possible. Dans la justice du Moyen-Âge, on estimait que la justice des hommes était une chose mais que la présence de Dieu, dans les interstices, pouvait toujours vous sauver. Dans la Rome Antique par exemple, tout condamné qui allait au supplice pouvait être gracié s’il rencontrait une vestale, une jeune fille qui s’occupait d’entretenir le feu sacré de Vesta, dont dépendait la protection de Rome.
Une grâce providentielle est arrivée en 1309, à Paris. A cette époque, il était possible d’être gracié si vous croisiez un cardinal dans la rue. Le cardinal Eusèbe traversait la rue Aubry-le-Boucher (actuel 4e arrondissement) et croisa un criminel que l’on menait au gibet de Montfaucon. Puisque le cardinal se trouvait là tout à fait par hasard, le condamné a été gracié. Ces rencontres étaient tellement rares qu’un cabaretier de la rue Saint-Martin, enchanté d’avoir assisté à la scène, fit peindre un chapeau de cardinal sur l’enseigne de son bistrot. L’enseigne n’a disparu qu’en 1910 : à cette date, on pouvait encore voir une enseigne ayant un lien direct avec une affaire criminelle vieille de 600 ans.
L’échelle de Justice a été remplacée en 1769 par un carcan, à partir duquel on calcule dorénavant toutes les distances entre la province et Paris : c’est la naissance du Point Zéro.