Un réseau d’agriculteur a une solution pour que l’herbe pousse mieux, même quand il fait chaud. Il faut recréer de la vie dans le sol de nos prairies, pour que l’herbe et les plantes développent leurs racines en profondeur.
Comme des milliers de Français, Fanny Agostini se lamente lorsque la pluie tombe du ciel ou plutôt elle se lamentait.
Aujourd'hui, quand il pleut, elle pense à la terre qui boit tout ce qu'elle peut en faisant de déterminantes réserves pour les cultures et les animaux.
Au fil de sa vie, Fanny Agostini a vu le climat de sa région changer et ses amis agriculteurs s'inquiéter pour l'avenir de leur profession.
C’est une jeune auvergnate de 30 ans. Trois décennies c'est justement le recul nécessaire pour analyser l'évolution du changement climatique, c'est à ce moment-là que les données climatologiques deviennent pertinentes et permettent de dégager une tendance.
En Auvergne, autant qu' à l'échelle nationale et mondiale, la pluviométrie est irrégulière, le rythme des saisons bouleversées, les anomalies thermiques récurrentes.
Les scientifiques s'enflamment et publient des rapports plus alarmants les uns que les autres, la planète se dégrade et brûle pendant que nos chefs d'état palabrent et signent des accords qui reçoivent un coup de canif aussitôt applaudis.
Depuis l'accord de Paris qui a engagé les pays du monde entier à lutter contre le changement climatique, les émissions de CO2 n'ont pas baissé ni même stagné, elles ont au contraire augmenté!
Dans son département, en Haute-Loire, les effets du changement climatique sont déjà là. Les agriculteurs sont en souffrance et voient leur ressources fourragères devenir insuffisantes pour passer l'hiver. Le prix du foin s'envole allant en ce moment à plus de 150 euro la tonne contre 50 à 80 euros la tonne habituellement.
Fanny Agostini se demande quelles peuvent être les solutions adéquates pour les personnes qui ont l'honorable responsabilité de produire notre nourriture. Que faire face au manque d'eau, aux printemps précoces, aux étés caniculaires ?
La réponse, c'est en partie Bruno Gourdon qui lui a donnée. C’est un producteur laitier qui préside l'association Éleveurs Autrement.
Alors que l'année dernière la commune de Laqueuille a été classée en zone de calamité agricole avec plus de 35% de perte de fourrage, Bruno lui enregistre une hausse de 10% en 2018.
Comment fait-il ? Raconte-t-il des bobards ? Impossible, car Fanny Agostini a vu de ses propres yeux sa grange bien remplie de bon foin sec et le profil cultural (tranchée dans la terre permettant d'observer la vie du sous-sol) dans sa ferme puy-domoise.
Il lui a expliqué que, depuis 2009, il s'appliquait à faire évoluer ses pratiques culturales pour mieux s'adapter au changement climatique en cours. Rien de magique, juste de l'observation et un bon sens suffisent.
Auparavant, Bruno appliquait méthodiquement ce qu'il avait appris à l'école. Dès que les premières pousses vertes printanières arrivaient, c'était le moment d'épandre le lisier et autres amendements pour booster la croissance de l'herbe dans les prairies.
"Erreur fatale" a-t-il dit à Fanny Agostini. "Lorsque les nutriments arrivent en surface après épandage, les végétaux n'ont pas besoin de développer leur système racinaire en profondeur pour aller chercher l'azote, le phosphore et le potassium. Les racines ainsi atrophiées vont se cantonner à la couche superficielle du sol (à peine 10 centimètres). Or en cas de coup de chaud ou de sécheresse de surface, le végétal paye le prix cher car il n'est pas en mesure d'aller capter les réserves en eau plus profondes. Les végétaux vont alors stresser, stopper leur croissance et dans le pire des cas sécher et mourir".
À l'inverse dans les prairies de Bruno, l'herbage a développé, au fil des années, un réseau de racines profondes capables d'aller chercher plus loin l'humidité en faisant remonter l'eau par capillarité.
Pas besoin de faire un dessin à Fanny Agostini, elle comprend très vite en touchant la terre au fond de la tranchée, que celle-ci est fraiche et humide et que les racines qui descendant à plus de 25 centimètres sont en contact direct avec ce qui leur permet de vivre.
Est-ce là le défi auquel les paysans vont devoir faire face dans les années à venir ? Faudra-t-il mieux connaitre la nature et la composition de son sol ? Revoir ou abandonner les recettes "productivistes" du passé pour davantage d'adaptation au changement climatique ?
Il y a peut-être un enseignement à tirer dans l'expérience de Bruno et de nombreux confrères éleveurs ayant changé de méthode.
Cependant, l'emballement du changement climatique n'offrira pas de marge de manœuvre à nos cultures et prairies au-delà d'un certain seuil.