Chaque soir, Nicolas Carreau nous emmène à la découverte des plus belles nouveautés littéraires.
Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson aux éditions Gallimard
Aujourd’hui, nous vous emmenons en balade.
Une promenade discrète, hors des sentiers battus, au sens propre. Nous vous proposons d’emprunter les chemins noirs de Sylvain Tesson. Sur les chemins noirs, c’est le titre de son livre. Une référence aux petits traits que l’on distingue à peine sur les cartes. Sylvain Tesson a décidé un jour de traverser la France en diagonale, de la Provence au Cotentin, en ne suivant que ces petits chemins hors du monde.
Sylvain Tesson, l’écrivain voyageur, qui nous a plutôt habitué à partir dans des contrées reculées et hostiles.
Oui mais vous vous souvenez sans doute qu’en 2014 l’écrivain a fait une chute de huit mètres. Il s’en est sorti de justesse, mais dans quel état ! Cassé, en mille morceaux et atteint d’une paralysie faciale. Sur son lit d’hôpital, il s’est fait une promesse : "si je m’en sors, je traverse la France à pied". "J’avais rêvé aux bivouacs, dit-il, je m’étais imaginé fendre les herbes d’un pas de chemineau. Le rêve s’évanouissait toujours quand la porte s’ouvrait : c’était l’heure de la compote".
Mais il s’en est sorti et il a tenu sa promesse ?
Exactement. Pas facile, au début. Il a perdu l’agilité et la force qu’il avait. Mais il avance, coûte que coûte, seul, sur ses chemins noirs. Au début, il fait le poète en marchant. Il compare les vaches à des pierres rondes. Mais très vite, il décide de se débarrasser de ses métaphores et d’avancer dans la réalité brute. Il tient son journal au jour le jour. Et on le suit. Lui et sa gueule cassée. Et on vit avec lui ses aventures de marcheur solitaire. Parfois on est surpris, comme lorsqu’il arrive dans un village en fête et qu’au lieu de trouver du pastis et des chansons à l’ancienne, il tombe sur une fête en l’honneur de Star Wars, avec des villageois déguisés en Dark Vador. Parfois, un ami l’accompagne quelques jours, c’est joyeux. Il y a des moments de nostalgie assumée aussi, des regrets de la désertification et des dégâts de ce qu’on appelle "l’aménagement du territoire". Mais il ne s’arrête jamais et il progresse dans tous les sens du terme. Il se répare. Jusqu’à l’arrivée, deux mois plus tard, devant la mer, où on a le choix, dit-il : sauter ou faire demi-tour et repartir.
Sylvain Tesson a choisi de vivre et de ne pas s’arrêter. Sur les chemins noirs chez Gallimard.