Il faut réprimer les abus. Mais attention à la dictature de la transparence qui ne peut qu’aggraver le climat de suspicion qui discrédite la politique.
Le regard d'Yves Thréard. Bonjour Yves, vous nous dites attention ! Au piège de la moralisation de la vie politique.
C’est le premier chantier législatif de la présidence Macron. Et - ironie du sort - le premier qui devrait en faire les frais s’appelle Richard Ferrand, son plus fidèle lieutenant, aujourd’hui ministre.
Pour deux raisons. Un : Ferrand a monté une belle opération immobilière, au bénéfice de sa compagne il y a six ans, quand il était conseiller régional de Bretagne. Deux : il a embauché son fils pendant 4 mois comme attaché parlementaire, en 2014, pour une rémunération totale estimée à 8000 euros.
Non seulement ça rappelle l’affaire Fillon, mais la défense de Ferrand est la même que celle de l’ancien candidat de la droite : "je n’ai rien fait d’illégal sur l’opération immobilière et d’ailleurs, c’est de l’argent privé ; quant à mon fils, si c’était à refaire, je ne le referais pas."
Inutile de dire que tous les adversaires du nouveau président sont déchaînés. Ferrand qui va avoir du mal à se maintenir au gouvernement. Comme dit son collègue Castaner, "ça tombe mal".
Cette nouvelle affaire prouve qu’il est nécessaire de légiférer pour fixer des règles
Certes, il faut réprimer les abus. Mais attention à la dictature de la transparence qui ne peut qu’aggraver le climat de suspicion qui discrédite la politique.
Oui, il faut que les responsables politiques soient en règle sur le plan fiscal, judiciaire et qu’il n’exerce pas d’autre activité que leur mandat. Oui, il faut que la provenance de l’argent des partis soit certifiée et vérifiée, d’autant que les dons font l’objet de ristournes fiscales.
Mais interdire les emplois familiaux est ridicule dès lors qu’ils ne sont pas fictifs. Si ce n’est pas l’épouse ou le fils qui les occupent, rien n’empêchera que ce ne soit pas la maîtresse ou le fils du meilleur ami. Et si on pousse notre morale judéo-chrétienne à l’excès, va-t-on interdire l’entrée au parlement à des entrepreneurs ou hommes d’affaires, sous prétexte qu’ils ont pu gagner beaucoup d’argent auparavant ou qu’ils ont travaillé pour de puissants groupes d’intérêt ? C’est sans fin.
La transparence a ses limites
Ne confondons pas la légalité et la morale. Et, surtout, cette dictature de la transparence est l’ennemie de l’ouverture de la politique à la société civile.
Attention au piège de la moralisation politique, c'était le regard d'Yves Thréard !